Envoyée spéciale
Séoul (Corée du Sud)
Kim, 19 ans, est venue accompagnée de ses parents. Comme l’explique sa mère, la jeune fille veut chanter dans un groupe de K-pop, mouvement musical étroitement lié aux nouveaux standards de beauté nationaux. Alors, il faut remodeler son visage. Nous sommes au 6e étage d’un immeuble clinquant d’Apgujeong, quartier huppé de Séoul. Vêtue d’une blouse d’opération et de chaussons, Kim, beaucoup moins inquiète que sa génitrice, ne quitte pas son téléphone. En ligne directe avec ses copines, elle dégage une insouciance troublante avant une intervention qui la transformera à vie. Cinq minutes plus tard, la tête dans les étoiles, elle disparaît derrière une porte barrée par l’inscription « Operation Center ». À sa sortie, elle aura subi la plus classique des interventions, celle des yeux, la blépharoplastie (aegyo sal). On peut le parier : viendront ensuite le nez, le front – qu’il faut avoir rebondi – et sans doute les mâchoires, sculptées en V.
Blépharoplastie, canthoplastie, rhinoplastie, contour du visage, injections, Botox… Une avalanche de dénominations ésotériques que seuls les praticiens en chirurgie plastique connaissent et dominent parfaitement. En Corée du Sud, pays où la perfection est érigée en vertu cardinale, ce vocabulaire hermétique au commun des mortels est pourtant chuchoté aux oreilles des enfants par des mères très soucieuses de l’avenir de leur descendance. Parvenue à l’adolescence, cette progéniture bercée de rêves plastiques insensés a avalé et digéré cet alphabet comme une bouchée de (chou fermenté) ; les teenagers pourront ainsi se