Grzegorz Rossolinski-Liebe
Ibidem, 652 p., s.p.
C’est un pavé parfois difficile à lire du fait de nombreuses répétitions. Mais c’est un livre d’une richesse inouïe sur un sujet jusqu’ici abandonné aux propagandes des nationalistes (= Führer) vers 1934. L’auteur nous offre une analyse en profondeur de l’idéologie de l’OUN, parfaitement replacée dans son contexte historique et souvent rapprochée de mouvements similaires comme l’Oustacha croate. Avec Bandera, mais déjà, pour être honnête, avant lui, le nationalisme ukrainien prend le visage d’un fascisme antisémite – dans sa variante « éliminationniste » – et xénophobe, adepte du terrorisme. Il est significatif que l’éphémère État ukrainien indépendant proclamé à Lviv le 30 juin 1941 naisse sous les auspices d’une centaine de pogroms et d’arcs de triomphe souhaitant longue vie à Adolf Hitler et plein succès à la Wehrmacht. Tenu en lisière par les nazis – qui ne veulent pas d’un État ukrainien –, Bandera passe la plus grande partie de la guerre comme détenu d’honneur du IIIe Reich, sans jamais renier son mouvement qui s’abîme, en Ukraine occupée, dans une orgie d’assassinats de juifs et de Polonais. Non moins intéressantes sont les dernières parties du livre qui montrent comment, avec l’aide des Occidentaux, Bandera a été blanchi durant la guerre froide. Le KGB aura néanmoins sa peau dans un attentat au poison en 1959. Mais Bandera survit, notamment dans l’émigration ukrainienne au Canada : il devient même officiellement un héros national à Kyiv en 2010. On ne doute pas que le président Zelensky soit un peu embarrassé par ce culte ni qu’il doive faire face, dans les années qui viennent, à une révision en profondeur du rapport qu’entretient son pays avec un leader aussi peu sympathique que l’ont été le Croate Ante Pavelic, le Hongrois Ferenc Szálasi ou le Roumain Horia Sima.
