Mai 1968 est alors dans tous les cœurs : l’extrême gauche entre en éruption
Désespérés, les parents de Brigitte n’auront jamais su jusqu’à leur mort qui avait tué leur fille
’est le Nord. Dans le pays des corons. Le ciel est bas et la nuit tombe quand on retrouve le corps d’une jeune fille assassinée dans un terrain vague, àLeroy, un notaire très prospère. Ce soir-là, à l’heure du meurtre, juste avant le dîner, il est resté garé un bon moment tout près du lieu du crime. Pourquoi ? Parce qu’il était un peu tôt pour arriver chez sa maîtresse, à deux pas de là. Il a écouté la radio dans sa voiture. C’est banal, ça arrive tous les jours, mais 1968 est encore dans tous les cœurs : l’extrême gauche entre en éruption. Ce bourgeois, ce nanti, est forcément coupable. Les journalistes maoïstes, trotskistes et compagnie filent lui régler son compte. Ça tombe bien : le juge Pascal, chargé de l’affaire, les accueille à bras ouverts. Trop content de faire la une, il emprisonne le notaire. Puis sa maîtresse, Monique Béghin-Mayeur, dont le parc est mitoyen du jardin où est morte Brigitte. Le résultat est là : le magistrat devient le « petit juge Pascal », un héros digne de Cartouche, celui que rien ni personne n’intimide. Son dossier, malheureusement, est aussi mince que lui est rond. En un mot, presque vide. Du coup, les autorités le dessaisissent. Puis libèrent le notaire. Et enfin sa maîtresse. « Scandaleuse justice de classe », insinuent les guérilleros parisiens. Sauf que, rebondissement : un copain de Brigitte avoue le meurtre. Pas très clair non plus, celui-là. Trois ans plus tard, il sera relaxé. Entre-temps, l’actualité sera passée à autre chose. Restera seulement dans les mémoires une extraordinaire tragi-comédie à la française : l’histoire de gratte-papier se prenant pour Lénine déguisé en Voltaire.