Non, non, non et non !
– Mais enfin papa, la maison est superbe, viens au moins la visiter !
Depuis quelque temps, Fabienne s’était mis en tête de faire déménager son père à Pont-Aven, où elle vivait avec son mari et leurs deux enfants de sept et onze ans. René avait très bien compris pourquoi : même s’il se sentait encore un jeune homme, il venait de fêter ses soixante-quinze printemps et sa fille aurait été rassurée de le savoir près d’elle pour les années à venir. – Écoute, ma chérie, quand ta mère est décédée, il y a maintenant plus de dix ans, j’ai fui Pont-Aven et je me suis installé ici, à Névez, pour tourner la page. Je suis bien dans ma maison. Tu n’as pas besoin de t’inquiéter ! Tu passes me voir presque tous les jours en revenant du travail, et je suis à moins de dix kilomètres de chez vous ! Et tu sais bien que je ne peux pas vivre sans mon potager.
– Mais papa, tu pourrais aussi avoir un potager dans cette maison à Pont-Aven, le jardin est immense !
Fabienne s’était déjà bien renseignée sur la maison et son quartier. La mère de sa meilleure amie Géraldine était propriétaire de la maison mitoyenne. Elle savait que cet endroit conviendrait parfaitement à son père.
– Et puis de toute façon, je t’ai déjà pris rendez-vous avec l’agent immobilier demain à seize heures et j’ai prévenu les enfants que tu viendrais les voir après pour leur faire réciter leurs leçons…
Fabienne avait hérité du caractère un peu autoritaire de sa mère et son métier d’enseignante de français en lycée professionnel à Concarneau avait contribué à renforcer ce penchant. Loin d’en prendre ombrage, René trouvait cela d’autant plus touchant qu’elle venait de sortir l’arme fatale : les petits-enfants… S’il estimait être dans la force de l’âge, il reconnaissait qu’avec Briac et Erwan, il était un grand-père parfaitement gâteux !