Il y a quelque chose à la fois de métaphysique, tripal, émotionnel dans le sujet des retraites en France. Comme si la loi des chiffres, de la démographie n’imprimait pas. La réforme du système universel des retraites passée à l’Assemblée nationale avec l’aide de l’article 49.3 en février 2020 a été enterrée. Retour à la case départ aujourd’hui, avec l’ouverture de deux mois de concertation avec les partenaires sociaux pour accoucher d’un nouveau texte début 2023. Fini le système à points, c’est le totem des 65 ans qui est sur le gril. Retour sur deux ans et demi de tergiversations, de retournements, d’alliances et de passes d’armes. Une histoire française.
29 février 2020
L’arme du 49.3
Il a pris la voix de Jacques Chirac, qu’il imite à la perfection. Ce samedi 29 février 2020, Edouard Philippe est resté à Paris et en profite pour aller saluer dans l’aprèsmidi son ami socialiste Jérôme Guedj, dont c’est l’anniversaire: « Pour ta 49 année, cher Jérôme, je t’offre le 49.3! » Très tôt dans la matinée, un conseil des ministres exceptionnel a eu lieu. Dans la foulée, le Premier ministre est monté à la tribune de l’Assemblée nationale où se tiennent depuis deux semaines les débats pour annoncer le recours à ce fameux article engageant la responsabilité du gouvernement sur le projet de loi instituant un système universel de retraites. C’est l’aboutissement de plus de deux ans et demi de discussions et claquements de porte durant lesquels le projet du candidat Macron résumé dans un slogan – un euro cotisé ouvrira les mêmes droits pour tous – est sérieusement écorné. Au sein même de l’exécutif, deux lignes s’affrontent. Les tenants de la promesse présidentielle avec la réforme systémique, vieux rêve de la CFDT, et les partisans de la vision « juppéiste » budgétaire incarnée par le Premier ministre. « Edouard était persuadé que la complexité du système à points vendu par [Jean-Paul] Delevoye [secrétaire d’Etat chargé de la réforme des