TIGRÉ LA GUERRE IGNORÉE
Depuis 2020, la guerre oppose cette province d’Éthiopie à l’armée fédérale. Pillages, viols et destructions ont mis la population à genoux. Plongée au cœur de la zone interdite
Ce nourrisson a peut-être une chance de s’en sortir : ce centre de soins possède encore un pot de lait en poudre, le dernier… Selon le Programme alimentaire mondial des Nations unies, 2 millions de Tigréens souffrent d’une extrême pénurie alimentaire. Dans la province soumise au blocus, tout manque, nourriture comme médicaments. Sous-alimentées, les mères ne peuvent plus allaiter leurs bébés. « Avant la guerre, aucun enfant n’était admis pour malnutrition, explique Salam Kidan, directrice du centre de Yechillay. Aujourd’hui, on en reçoit dix par mois ; mais il y en a encore bien plus dans les campagnes. »
À cause des bombardements et de la sécheresse, la famine ravage des civils privés d’hôpitaux
À Mekele, 6 000 prisonniers de l’armée nationale sont appelés à se dénoncer
Il a 20 ans à peine et appartient aux troupes éthiopiennes qui, appuyées par des soldats érythréens, ont occupé le Tigré de l’hiver 2020 à l’été 2021. Leurs exactions ont été qualifiées par les rares ONG présentes de « nettoyage ethnique ». Nos reporters ont eux-mêmes pu documenter un massacre parmi d’autres. Après enquête préliminaire, la justice tigréenne organise des confrontations collectives visant à désigner, par témoignages et recoupements, les responsables de crimes. La semaine précédente, 4 000 soldats ont été libérés.
Dans le nord de l’Éthiopie, personne ne mange à sa faim et on voyage à dos d’âne
De notre envoyé spécial en Éthiopie Charles Emptaz
Souvent, on trébuche, réveillant quelques chiens de ferme. Mais il ne faut rien révéler de plus du passage, cette longue marche de nuit à travers les montagnes qui conduit clandestinement au Tigré. « Vous y voilà ! » Cernée par ses ennemis, la région du Nord est fermée, ravagée par la guerre civile qui, depuis un an et demi, déchire l’Éthiopie. Tenter d’y pénétrer est
