Quel point commun entre le célèbre vignoble de la Côte-Rôtie, au sud de Vienne dans l’Isère, et les navires à dolia (des grandes jarres de 1 000 à 2 000 litres), ces bateaux de mer qui assuraient le commerce du vin en mer Méditerranée vers l’antique Rome ? Aucun, a priori. Ces immenses bateaux-citernes, ancêtre des vraquiers, au tirant d’eau profond, n’ont jamais pu franchir la « barre » du Rhône, banc de sable formé par les sédiments du fleuve à son embouchure. Mais une maquette de navire à dolia, au 1/10e , a fait le voyage jusqu’à Ampuis au cœur des côte-rôtie pour s’amarrer dans les bureaux de la maison E. Guigal. Le négociant Philippe Guigal en a fait l’acquisition après l’avoir repérée sur l’exposition « Romains d’eau douce », en 2004 au musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal (Rhône, en face de Vienne). Cet achat illustre la fascination qu’exerce, chez les vignerons de la vallée du Rhône, les origines antiques du vin et ses liens intimes avec le fleuve.
ET LES GRECS IMPLANTÈRENT LA VIGNE
La légende raconte que les Grecs auraient amené la culture de la vigne en Gaule 600 ans avant notre ère, en fondant , l’actuelle Marseille. Ces navigateurs venus de Phocée, en Ionie, apportaient dans leurs cales des ceps de vigne, comme en attestent les plus anciennes traces d’un vignoble cultivé (IV-V siècle avant J. C.), mises à jour dans le XII arrondissement marseillais. Aux Grecs les origines du vignoble, mais aux Romains les lauriers du développement commercial du vin ! Avec la mainmise de Rome sur la Gaule méridionale, en 120 avant J.-C., puis la conquête des territoires, explique Jean-Luc Prisset, responsable scientifique du site archéologique au musée de Saint-Romain-en-Gal. Du nord au sud, le commerce s’organise autour de colonies latines dont le développement est intrinsèquement lié au fleuve : en Suisse, sur la rive droite du lac Léman, comme en attestent les vestiges d’un port romain mis à jour à (Lausanne) ; (Lyon), la capitale des Gaules située à la jonction du Rhône et de la Saône, ouvrant grand les routes du nord ; Vienne, la « petite Rome » comme on appelait la capitale des Allobroges, peuple celte romanisé dont le territoire s’étendait du Léman aux deux Savoies et à l’Isère ; Valence ; Orange, et son théâtre antique ; à Avignon, l’île fluviale de la Barthelasse que l’on rejoint en bateau-navette ; puis Arles aux portes de la mer Méditerranée.