Johnny Rotten l’a électrisé, Joe Strummer le fait réfléchir. Weller souhaite en être
LES DISQUES AIMÉS DURANT L’ADOLESCENCE ONT SOUVENT UN RÔLE CAPITAL: outre les plus puissantes madeleines proustiennes qu’on puisse imaginer, ils sont formateurs pour la vie. Mais pas tous. Certains ne seront jamais réécoutés car tout simplement mauvais. A quatorze ans, les oreilles ne sont pas encore formées et les exigences rarement hautes. Il y a aussi ceux qu’on ne réécoutera jamais car, pour les avoir trop entendus, ils n’ont plus rien à offrir. Enfin, il y a ceux qui, baignant dans une production trop datée, sont figés à vie dans une époque révolue et ne peuvent traverser le temps. Ce n’est pas le cas des Jam.
Sta-Prest
Pour beaucoup, ce groupe était une religion, qui dépassait le simple trip mod (version revival) séduisant à l’époque. Evidemment, pour les Français, il fallait se rendre à Londres pour s’acheter le dernier modèle de “Jam shoes” chez Sherry’s, trouver l’authentique parka avec la capuche inamovible, et les dernières chemises portées par Paul Weller chez Melanddi, autant de fringues cheap trouvées à Carnaby Street qui s’autodétruisaient en quelques mois—les Sta-Prest étaient encore trouvables aux Puces parisiennes. Les scooters n’étaient pas donnés à tout le monde et, pour les Parisiens, devaient être customisés chez Cyclopéra. Mais ce qui comptait, c’était la musique. Weller avait un don exceptionnel pour les mélodies, avait une formation classique (couplet, refrain, pont, etc.) venue de son amour obsessionnel Enfin, il y a le fameux . Un son concoctépar le producteur Vic Smith (parfois renomméVic Coppersmith-Heaven mais bien néVictor Smith). Un son de basse, de batterie et de guitare immédiatement reconnaissable. Ils l’utiliseront pour cinq des six albums, et la majoritédes singles. Depuis la fin du groupe, une multitude de live sont sortis, comme de compilations, même si la meilleure reste “Snap!”, qui est le disque favori des Jam de Noel Gallagher: une anthologie de leurs singles. En 1992, “Extras” regroupait des démos et des raretés fascinantes. Il y a donc de quoi faire pour l’homme adulte qui a appris l’anglais en déchiffrant les paroles du groupe, ainsi que pour les néophytes prêts à découvrir un songwriting unique. Tous ceux issus de la classe de 1977 n’ont pas cette richesse de catalogue. Quarante ans plus tard, la magie de ces morceaux n’a pas bougé.