Rock and Folk

Red Hot Chili Peppers

Lequel n’avait pas démérité, loin de là, et estimait que la dizaine de chansons maquettées pour le successeur de “The Getaway” (2016) s’annonçait plutôt prometteuse. Exit tout cela, donc. Une discussion entre Flea et Frusciante, restés en contact depuis le départ du second, en 2009, a instillé un désir de rejouer, les répétitions se sont succédé et un mot s’est imposé, les quatre hommes ont commencé par jammer des jours, des semaines, puis des mois durant à la faveur de la pandémie mondiale: de janvier à octobre 2020, rien d’autre à faire que de jouer puis d’écrire. Leurs efforts mis en forme, ils s’en sont allés trouver le producteur Rick Rubin, aux manettes lors des deux périodes Frusciante, puis ont enregistré dans son studio de Shangri-La. Ces nouvelles retrouvailles, en tout état de cause, furent fécondes: il y a, au fil de ce long album — dix-sept chansons, soixante-treize minutes, exactement comme “Blood Sugar Sex Magik” — profusion d’idées. Et une jubilation très audible à multiplier les formules pour réinventer l’art de la conversation entre une guitare, une basse, une batterie et une voix. C’est donc parfois le couplet qui dévide un funk dense jusqu’à l’asphyxie, avant la jouissance d’un refrain tout en sobriété (“Poster Child”); puis l’exact inverse sur le morceau suivant (“The Great Apes”); l’alternance de passages funk puis mélodiques sur “She’s A Lover”… Il convient à ce stade de souligner l’intelligence d’Anthony Kiedis, Chad Smith, Flea et John Frusciante dans cette volonté de surprendre, de jouer sur les dynamiques, de créer des effets de rupture. Cela ne fonctionne pas toujours, mais le plus souvent si, et l’album recèle, à cet égard, quelques grands moments: “The Heavy Wing”, couplet contemplatif et refrain terrassant, chanté par Frusciante; “White Braids & Pillow Chair”, au merveilleux développement harmonique final; “Veronica” et son final à la “I Want You (She’s So Heavy)”, qui indique combien les Beatles sont, au même titre que le P-funk et le rock hendrixien, l’un des piliers du quartette, aussi versé dans le groove que dans les pré-refrains. Tout n’est pas indispensable, et l’on aurait volontiers allégé l’album de “One Way Traffic”, funk banal, “Bastards Of Light”, et son refrain tirant vers la country, la ballade un peu mièvre “Not The One” — “Tangelo”, en final, est bien plus beau —, et du balourd “These Are The Ways”. Mais le simple fait qu’une dizaine de morceaux prennent toute leur place dans la discographie du groupe est déjà un accomplissement en soi, de même que la fraîcheur de l’ensemble pour des musiciens abordant désormais les rives de la soixantaine, Frusciante excepté. Ce dernier, c’est un fait, brille de mille feux, chacune de ses interventions se révèle juste, parfaitement pensée. Et son nouveau retour, assorti de tournées des stades des deux côtés de l’Atlantique, de parachever le changement de dimension des Red Hot Chili Peppers: d’énorme à mégamaousse, ou quelque chose de la sorte.

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