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Macron et les intellos: que reste-t-il de nos amours?

Chapitre 1

Le dîner

Il est 2 h 30 du matin et la bienséance voudrait qu’il patiente avant de pianoter sur son téléphone un SMS furibond. Mais Emmanuel Macron tient entre ses mains un texte qui l’ulcère. Une tribune émanant de 33 personnalités de la société civile publiée le jour même (le 22 novembre 2020) sur Mediapart pour réclamer le retrait de projets de lois qui font « reculer les libertés d’information, d’opinion, de croyance, d’éducation, d’association, de manifestation et de contestation ».

Non, ça ne peut pas attendre. Il brutalise son smartphone, et sous ses doigts un premier message se forme, maîtrisé: « Prenons le temps, discutons. » Puis, un second, plus émotif: « Ça me fait de la peine. Pourquoi écrivez-vous dans des machins comme ça, qui cherchent sans cesse à me nuire? » Les destinataires, l’écrivain Olivier Mongin et le philosophe Olivier Abel, ont eu l’outrecuidance de signer cet appel contre un pouvoir jugé liberticide. Pour lui, une blessure. L’orgueil est atteint, le coeur également. Il connaît les deux hommes depuis la fin des années 1990. Mongin a dirigé la revue Esprit et accueilli dans ses colonnes les premiers textes du jeune Emmanuel. Abel a été un proche de Paul Ricoeur et a créé le Fonds Ricoeur. Tous deux issus de la deuxième gauche, ils sont les gardiens de la pensée ricoeurienne et les témoins de l’évolution idéologique macronienne. Leurs humeurs, leurs critiques comptent aux yeux de celui qui a toujours veillé à se ciseler une image de politique cultivé, fasciné par la philosophie et friand de littérature.

Quand il reçoit en avril 2019 le livre d’Olivier Abel – qu’il n’a pas vu depuis plusieurs années –, il lui adresse aussitôt un carton de remerciement avec une ligne ses propos sur l’immigration, le président se fend d’une lettre de sept pages. En la lisant, Dosse aurait juré entendre encore la plume crisser sur le papier. « Tu ne connais pas les dossiers, tout cela est très technique », écrit l’émetteur, en substance. Avant d’ajouter: « Il serait préférable de laisser Ricoeur à l’écart de ça, il vaut mieux que cela et nous aussi. » Amitiés, bien sûr, on est entre gens civilisés.

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