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“Elvis Presley : The Searcher”

Netflix

Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine…

Ces quelques mots qui, depuis 1977, introduisent, chaque épisode de la saga “StarWars” pourraienttrès bien s’appliquer au rocker légendaire Elvis Presley. Il est décédé la même année et a profondément marqué l’époque qu’il a traversée (les décennies cinquante, soixante et soixante-dix), mais son souvenir et celui de son œuvre, chez certains mélomanes, a tendance à s’étioler un peu plus chaque jour. Certes, aux USA (et surtout à Memphis où il a enregistré ses premiers disques et où sa dernière demeure, promise à un avenir de parc d’attractions,), les classic rockers, comme en témoignent les ventes souvent décevantes et parfois ridicules des fameux back-catalogues, battent un peu de l’aile. On l’a déjà écrit, plus rien ni personne ne pourra empêcher le numérique de balayer le physique, mais pour l’heure, les chouettes rééditions des disques d’antan et les beaux objets s’y rapportant ont la cote et, dans une mesure honorable, trouvent encore acquéreurs. Ce qui participe, aujourd’hui, à rendre l’artiste Presley un brin désuet et à donner cette impression qu’il est bel et bien d’un autre temps, c’est la façon dont il s’est laissé ballotter par les événements ou, et c’est plus triste, manipuler par son manager : ce colonel Parker, aussi fake que fameux. De nos jours, n’importe quel groupe ou chanteur “exploitable” à l’international compte dans son entourage des juristes, au moins un avocat et des conseillers : financiers, en image et en marketing. Cette trâlée de techniciens de surface n’y connaît rien en musique mais niveau fric, ils savent généralement y faire. Elvis Presley, qui n’était pourtant pas un imbécile — et même si l’époque et le business étaient bien différents —, s’est laissé embrouiller par cet émigré hollandais qui ne l’a pas découvert comme il se plaisait à le faire croire mais a certainement vu en lui, avant tout le monde, une poule aux œufs d’or. Dans “The Searcher”, un documentaire marathon (trois heures divisées en deux parties) actuellement diffusé sur Netflix, l’Américain Thom Zimny traite l’éclosion du phénomène avec brio, le concours de membres de son entourage encore vivants et celui d’observateurs dont la parole est d’une justesse inhabituelle pour ce type de film. Certains amateurs du King l’ont bêtement déploré — avant d’avoir vu “The Searcher” —, mais c’est sa femme Priscilla qui en est à l’origine. Loin de vouloir imposer quoi que ce soit, elle a expliqué à Kary Antholis, de HBO, que son unique souhait était que l’accent soit mis sur la musique. Antholis a suggéré d’en glisser un mot à Jon Landau (un toucheà-tout du rock-biz US dont le nom est associé, entre autres, aux carrières de MC5 et de Bruce Springsteen) qui a accepté de produire le rockumentaire et suggéré d’en confier la réalisation à Zimny. Avec la caution supplémentaire de Jerry Schilling (un ami d’Elvis, producteur exécutif), il a donc eu accès aux archives de Graceland et s’est engouffré dans ce qu’il a considéré, à juste titre, comme un travail de réhabilitation. Ainsi, alors que la plupart des films (et même des livres) à propos de Presley abordent tous les sujets (un des plus remarquables reste “This Is Elvis”, de 1981, toujours disponible en DVD) et insistent lourdement sur la vie privée au détriment, souvent, de la musique, le réalisateur, qui collabore avec Bruce Springsteen depuis plusieurs années, a inversé cette tendance. Presley y est abordé en tant que musicien et pas comme une bête de foire. Et donc, parce que ça semblait la bonne chose à faire, la parole est donnée, dans “The Searcher”, en plus des interviews filmées d’archives, à des artistes tels que Emmylou Harris et Robbie Robertson, à des gens qui ont véritablement fait de la musique avec Elvis (notamment Sam Philips et ses musiciens des débuts, Scotty Moore et DJ Fontana) et à d’autres qui, bien que moins connus (comme Cissy Houston, la mère de Whitney, une de ses choristes dans les années 1970), avaient de belles choses à dire (on n’entend que leur voix). L’autre très bonne idée de Thom Zimny est d’avoir utilisé des images de l’émission de télévision “Elvis” de 1968 (également connue sous le nom “ ’68 Comeback Special”), diffusée par NBC, comme catalyseur de tout le projet. Pour mémoire, on rappellera que le colonel Parker souhaitait que Presley participe à un show de Noël traditionnel, mais, avec la complicité de Steve Binder (réalisateur de l’incontournable “T.A.M.I. Show”), il en a décidé tout autrement. C’est vêtu de cuir noir et la mèche rebelle qu’Elvis, alors au creux de la vague puisque dépassé de partout par les nouvelles tendances musicales et surtout celles importées d’Angleterre, est apparu à la télévision américaine en décembre. Cette flamboyante prestation, dans l’esprit des années 1950, a relancé sa carrière. Enfin, et ça n’est pas le moindre atout de “The Searcher”, pas exempt d’approximations, mais qui n’élude aucun aspect embarrassant du parcours de Presley (on peut se demander si ça n’est pas son trop grand cœur qui a précipité son déclin…), Thom Zimny y a tendu son micro à Tom Petty, un monument aussi dans son genre. Fauché bien trop tôt, mais dont on peut boire ici, jusqu’à plus soif, l’intégralité des belles paroles.

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