LES FANTÔMES DE MIDDLETOWN
DEVANT LA GARE, DES VOITURES sont longtemps restées en rade. Des Ford, des Chevrolet, des décapotables et des pick-up trucks rustiques, carcasses inertes toutes réduites à l’attente absurde. Certaines portaient des autocollants comme autant d’armoiries du rêve américain: insignes d’équipes de hockey et de baseball, « Bébé à bord », « Fier parent d’un premier prix de la High School »… Il a fallu des jours, des semaines parfois, pour que les familles se risquent sur ce gigantesque parking de Middletown et les récupèrent une à une, à mesure que s’effondraient les derniers dénis. Mais tout le monde se doutait, au soir du 11 septembre 2001, qu’aucun survivant ne débarquerait plus jamais du train de banlieue du New Jersey Transit, celui qui reliait en une heure la gare Penn Station de New York, la porte des bureaux de Wall Street et du World Trade Center, à la verte cité-dortoir de Middletown.
« 37 personnes d’ici sont mortes ce jour-là. Hormis New York, aucune ville n’a pris un tel coup », rappelle Tom Perry, le maire, tandis que gronde et siffle un express sur le quai tout proche. Le drame est le revers d’un coup de chance, du réseau de transports qui avait transformé en cinquante ans cette région rurale du New Jersey, un paradis bucolique ourlé des plages somptueuses de Sandy Hook, en banlieue résidentielle et en arrière-cour de la mégapole. Grâce au train, bien sûr, mais aussi
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