Disques pop rock
King Gizzard And The Lizard Wizard
“Butterfly 3000”
KGLW/BOOGIE DRUGSTORE En 2017, les Australiens de King Gizzard avaient trouvé le moyen de publier cinq albums tout en étant sur la route la moitié du temps. Imaginez que ces gars-là viennent de passer l’année 2020 à ne rien pouvoir faire d’autre que de rester chez eux et écrire de la musique. Résultat: trois albums publiés en moins de six mois, avec le diptyque “KG” et “LW” sorti entre novembre et février, dans lequel le groupe mené par Stuart Mackenzie reprenait ses expérimentations autour de la microtonalité, puis ce “Butterfly 3000” totalement différent. On le sait, les membres de King Gizzard possèdent une culture musicale à la hauteur de leur insatiable curiosité. Jazz, metal, rock progressif, garage… le groupe adore se frotter aux genres les plus variés et tenter de nouvelles approches. “Butterfly 3000” est un disque construit autour de boucles de synthétiseurs analogiques, et conçu comme une longue suite électronique. Les guitares électriques y sont quasiment absentes, mais la patte King Gizzard reste identifiable. Dès l’ouverture “Yours”, portée par une rythmique motorik, les arpèges électroniques nourrissent l’écriture des morceaux. On se croirait parfois dans des génériques radiophoniques des années soixante du BBC Radiophonic Orchestra (“Shangai”) ou dans une comptine électronique de Bruce Haack (“Dreams”). Quand le tempo retombe pour devenir planant, le groupe se rapproche étonnamment du Tame Impala de “The Slow Rush” (“Blue Morpho”), mais l’élément le plus étonnant de ce trip rétro-futuriste est son aspect éhontément pop. De ce “Ya Love” digne de MGMT à la funky “Interior People” ou ce “Catching Smoke” au refrain hymnique, le groupe n’a jamais été aussi accessible au grand public, et rarement aussi mélodique et efficace.
ERIC DELSART
The Lords Of Altamont
“Tune In Turn On Electrify”
HEAVY PSYCHE SOUNDS
A la fois référentiels et irrespectueux, les Lords Of Altamont violentent le slogan hippie “Turn On Tune In Drop Out”, popularisé par Timothy Leary en 1966. Pour la pochette, ils ne se gênent pas, pillant sans vergogne “Vincebus Eruptum” de Blue Cheer! Formé trente ans après le concert des Rolling Stones qui mit un point final aux années 1960, le groupe de Los Angeles livre un septième album. Autour du fondateur, Jake Cavaliere (chant, orgue), officient toujours Dani Sindaco (guitare Guild) et Rob Zimmermann (basse), rejoints par Barry Van Esbroek, batteur des groupes néerlandais Flying Tigers et Vanderbuyst. L’album a d’ailleurs principalement été réalisé aux Pays-Bas par Silvia Vermeulen du studio Moskou, à Utrecht. Avec les guitares en avant, toujours tordues, submergeant la voix, les Lords optent de manière univoque pour une approche lourde, électrique, très rock, où les allusions au garage sixties (donc influencé par les grands groupes anglais) et seventies (tendance Detroit) percent de manière rassurante. Roulements de batterie (“Blast For Kicksville”), choeurs et pont (“Burn Me Out”) pimentent un permanent déferlement sonique. Les références à la culture custom/biker (“Movin”) ou psyché (“Levitation Mind”, “Mud”) abondent, ce qui n’exclut pas les déclarations d’amour (“I Just Want”). Pour modifier un tant soit peu le climat, “Soul In Flames” se déroule sur un tempo à la Troggs qui auraient été durcis par les Cramps! Tous les morceaux sont des originaux excepté “Lost In The Future” des Stooges (dans “1970: The Complete Fun House Session”), tremplin pour une méchante partie de wah-wah et d’héroïques envolées de claviers.
JEAN-WILLIAM THOURY
Bobby Gillespie And Jehnny Beth
“Utopian Ashes”
SILVERTONE/SONY MUSIC
le leader de cette hydre à tête multiple qui a longtemps oeuvré pour la gloire du label Creation. Un biopic et une autobiographie au compteur, l’idée de concevoir un disque en phase avec la crise du. A méditer en savourant ce bel ouvrage.
