Rock and Folk

THE GODZ

Toujours un flingue à portée de main

RÉVÉRÉS PAR AXL ROSE, les Godz, bande de forbans juchés sur leurs Harley-Davidson, ravageaient tout sur leur passage. S’ils n’ont pas percer à l’échelon national, par la faute d’une poisse carabinée, ils laissent derrière eux un chefd’oeuvre de rock’n’roll teigneux qui mérite d’être redécouvert.

La tumultueuse carrière d’Eric Moore, gamin survolté de l’Ohio, commence avec Tree avant de rejoindre Mixed Water, où il croise le casque doré du guitariste Bob Hill., puis monte avec lui Sky King. Moore ramène sa basse mais embarque bien vite le batteur pour fonder un projet totalement hard rock avec d’autres camarades bikers: The Godz. Ses ombrageux partenaires sont désormais le guitariste aux rouflaquettes Mark Chatfield, le claviériste Michael James ainsi que Hayward Law à la batterie. Le destin frappe au bout de six mois: les deux derniers perdent la vie lorsque leur bolide en fibre de verre s’encastre dans un semi-remorque. Alerté, Bob Hill passe immédiatement un coup de fil à Moore pour proposer ses services. Nullement découragé, le désormais quartette ravage un à un les clubs du Midwest. Il finit par capter l’attention du président de Millenium Records, une filiale de Casablanca, lors d’une date au Colombus Agora face à une foule gavée de méthaqualone. Problème: d’autres Godz sévissent dans l’Etat de New York. Eric propose de régler le litige à l’ancienne sur un parking, mais Millenium privilégie l’arrangement pécuniaire. The Godz grave son premier opus sous la houlette de Don Brewer, illustre batteur de Grand Funk Railroad. En 1977, l’escouade ouvre pour Kiss et Cheap Trick. Elle gagne une réputation de gang impitoyable, porté sur la bamboche et les parties fines, toujours un flingue à portée de main. Une cohorte de motards fanatiques, ultra-violents et camés, la suit inlassablement. Dès “Go Away”, le premier opus des Godz impose son style: la voix rauque de Moore, deux guitaristes frétillants, une basse lourde et une batterie rigoureuse. “Baby I Love You” est épicée par un refrain étonnamment pop. Cataline pose sa voix gutturale sur le rock’n’roll de “Guaranteed” avant les sept minutes démentes de l’hymne “Gotta Keep A Runnin’”,déluge de guitares chromées entrecoupées d’une longue harangue de Moore qui culmine avec un chant scandé à l’unisson. “Under The Table” est le prétexte à un solo mélodique de Chatfield. Le disque se conclut avec l’épique “Candy’s Going Bad”, reprise de Golden Earring harnachée autour d’un riff musclé et qui s’achève par un maelström bruitiste. Une tournée suit la parution de l’album. Les Godz, sanglés de cuir noir, accompagnent Angel, dont les membres se produisent vêtus de satin blanc (avec des chaussettes dans leur slip). Eric fait un tour en prison après avoir tiré sur un mari jaloux qui le menaçait de son arme, préférant . Puis Millenium est racheté par RCA, qui dépêche le gang en studio à Woodstock pour un second opus, produit par défaut par Moore et qui deviendra “Nothing Is Sacred”. Un disque de bonne tenue malgré un son manquant de relief: Moore y excelle dans l’art du boogie façon Slade (“Gotta Muv”), Hill amène la stonienne “Festyvul Seasun” et Cataline l’excellente “Luv Kage”, dont le riff anticipe celui du tube “Bang Your Head” de Quiet Riot. Les premières parties de prestige s’amoncellent grâce à un coup de pouce de son puissant label: The Outlaws, REO Speedwagon, Rainbow, Judas Priest, Iggy Pop ou Blue Öyster Cult. Malgré tout, les ventes sont décevantes. Quelques mois après la sortie de l’album, Eric subit un nouvel accident qui le laisse sur le carreau pendant presque un an: ayant gobé trois Quaalude et quelques rasades de Jack Daniel’s, il a (trop) fait monter les tours de sa nouvelle bécane. Pour ne rien arranger, Millenium saque le groupe, qui reprend la route une fois Moore remis sur pied. Hill finit par s’éclipser après que le bus de tournée s’est retrouvé dans le mauvais sens sur l’autoroute… Le trio restant persévère jusqu’en 1980 avant une première pause. Moore relance The Godz en 1983 avec l’aide de Freddie Salem (ex-Outlaws) pour usiner le correct “I’ll Get You Rockin’” deux ans plus tard, avec des titres revigorants comme la chanson-titre ou “Fool For You”. Mike Clink, futur producteur des Guns N’ Roses, figure parmi les ingénieurs du son. Puis nos néo-démiurges embarquent avec rien moins que Metallica et Ozzy Osbourne. Mark Chatfield est de retour pour le moyen “Mongolians”, malgré quelques belles saillies comme “Criminal Mind”. D’autres réunions sporadiques suivront au cours des décennies suivantes, sans jamais retrouver la fougue des premières années.

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