Diapason

Grandeur et servitude de la Neuvième

L'histoire est aussi faite de ce qui n’a pas eu lieu. Combien d’interprétations de la Neuvième Symphonie, programmées en 2020 pour fêter le 250e anniversaire de Ludwig van Beethoven (1770-1827), ont échoué devant nos salles fermées? Combien de fois la Schreckensfanfare – « fanfare d’horreur » au début du quatrième mouvement – est restée prisonnière de la partition pour ne pas déverser une pluie de gouttelettes potentiellement létales? Combien de promesses à partager entre musiciens et public ont fait place à leur contraire : l’angoisse de « transmettre »? Et combien, malgré tout, ont trouvé dans les enregistrements de la Neuvième le chemin de leur liberté, ou simplement leur plaisir? Certains se sont peut-être remémoré un concert qui les aura marqués, voire transformés. Quoi qu’il en soit, cette œuvre qui porte au cœur le vers Alle Menschen werden Brüder de Schiller, « Tous les humains deviennent frères », est restée confinée dans l’air du temps. Un air saturé de virus, un temps mauvais.

Et pourtant la Neuvième a bien existé en 2020, et cette existence virtuelle fut une existence nouvelle. Des musiciens ont chanté et joué dans leurs appartements, synchrones avec un chef préenregistré ou lointain, pour produire ces vidéos en mosaïque où chacun s’exprime depuis son petit carré de pixels, puis forme un tout par la magie du montage, dans un flux audiovisuel prêt à bondir des ordinateurs ou des portables vers les enceintes et les écouteurs.

« Beethoven était un révolutionnaire. Il n’est pas de plus grand malentendu que l’admission de ce grand révolutionnaire dans les foyers allemands où on le considère comme un animal domestique, docile et gentil. »
Otto Klemperer

Certains concerts ont même eu lieu dans des salles vides, avec les musiciens distanciés, et masqués pour ceux dont l’instrument le permettait. Pendant la pandémie, les numériques, déjà innombrables, ont. Ici, des voisins qui un jour de mars 2020 diffusent en même temps la musique de Beethoven depuis des haut-parleurs postés à leurs fenêtres. Là Emily, jeune femme au balcon qui, le micro et la guitare reliés à une sono, dédie son en style pop à tous les « travailleurs essentiels », ceux de la santé comme ceux des supermarchés, tient-elle à préciser. Ou encore cette vidéo de gens inquiets devant le réflexe nationaliste d’Etats assiégés par la pandémie, qui rappellent au souvenir des internautes l’hymne européen, non dans la version officielle de Herbert von Karajan, mais en style jazz ou R&B (.

Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.

Plus de Diapason

Diapason1 min de lecture
Histoire Parallèle
C’est un livre qu’il faut lire en ayant accès, via YouTube ou des plateformes d’écoute en ligne, au répertoire le plus imprévisible. Car toutes les anecdotes que David Christoffel nous raconte avec gourmandise – sur les composteurs plagiaires, impost
Diapason2 min de lecture
Felix Mendelssohn 1809-1847
Sonates pour violoncelle et piano op. 45 et 58. Variations concertantes op. 17. Romance sans paroles op. 109. Allegro assai en si mineur. WIDMANN : Lied ohne Worte. HOLLIGER : Songs without words (extraits). COLL : Dialog ohne Worte. RIHM : Lied ohne
Diapason2 min de lecture
Michael Tippett 1905-1998
The Midsummer Marriage. Robert Murray (Mark), Rachel Nicholls (Jenifer), Ashley Riches (King Fisher), Jennifer France (Bella), Toby Spence (Jack), Claire Barnett-Jones (Sosostris), Susan Bickley (l’Ancienne), Joshua Bloom (l’Ancien), English National

Livres et livres audio associés