Diapason

Les univers de Franz Schubert

Cet ouvrage ne sera dédié à personne sauf à ceux qui y prendront plaisir », décida Schubert peu avant de disparaître à propos de son Trio op. 100. Son voeu ultime est aujourd’hui doublement exaucé: son oeuvre, l’une des plus écoutées au monde, est aussi l’une des plus pratiquées, et l’amitié qui lui a permis d’exister est désormais partagée par tous « ceux », innombrables, touchés au coeur par cette musique de désolation et de consolation. Authentique Viennois, Franz Schubert (1797-1828), surdoué, timide et casanier, a mené dans la capitale des Habsbourg une vie discrète en marge de la strate sociale de Beethoven et des salons princiers. Ni concertiste ni vraiment professeur, il a préféré la bohème à l’aisance matérielle et aux honneurs. Héritier naturel de Mozart, il fut le véritable initiateur du « style viennois » aimable et tragique, chantant, enchanteur et désenchanté. Selon Dietrich Fischer-Dieskau, sa musique « exprime toujours une nostalgie de la mort qui se résout par le son ».

Schubert dut avancer sa courte vie durant aux côtés de Beethoven, le Rhénan enraciné à Vienne, de vingt-sept ans son aîné et auréolé d’une gloire écrasante. Tout son destin tient dans ce cheminement parallèle: modeste, fier, tenace, admirable. Le Viennois est mort à trente et un ans, l’âge où le natif de Bonn commençait seulement à trouver son propre style. Les vingt mois que le destin a octroyés au cadet après la disparition de l’aîné ont été d’une fécondité sans pareille. Inhumé à ses côtés au cimetière de Währing, il est à son tour honoré d’une oraison funèbre de Franz Grillparzer. A la question de 1827: « Qui peut se mettre sur les rangs [de Beethoven], à côté de lui? », le dramaturge répond en 1828: « La musique enterre ici un riche trésor et des espérances plus belles encore. » Soixante années plus tard, Beethoven et Schubert reposeront de nouveau côte à côte au Cimetière central pour affronter l’éternité.

Jamais en vérité celui que ses amis appelaient affectueusement (Petit champignon) ne discuta la suprématie du Titan, et son unique concert monographique fut programmé pour le premier anniversaire de la disparition de Beethoven. Modestie ou choix habile et secrète assurance de son propre génie? De fait, le soir du 26 mars 1828, la Société des amis de la musique était comble, le succès au rendez-vous, mais Schubert n’avait plus que huit mois à vivre… Cet irrépressible génie lui donna la force d’avancer sans relâche sur le chemin de l’Art, le jalonnant depuis ses dixsept ans de chefs-d’oeuvre, pour beaucoup encore méconnus à sa mort. Les numéros d’opus sont ceux attribués par les éditeurs du vivant de Schubert (jusqu’au n° 103), la désignation des opus posthumes provient du catalogue d’O. E. Deutsch (jusqu’à D 998). Aussitôt après la disparition du « doux Franz », Schumann, Liszt, Mendelssohn, puis Brahms oeuvreront à la diffusion de ce « trésor ». Rachetant l’indolence de la Vienne impériale, ces fervents répondront au poignant « / Bonne nuit » des ultimes

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