Beethoven Le monde des sonates
L’éloquence émotionnelle inouïe des sonates-mondes de Beethoven a fasciné et façonné la génération romantique. Dès 1827, année de la disparition du maître, le jeune Felix Mendelssohn révèle en Allemagne la magistrale « Hammerklavier » op. 106, suivi par Franz Liszt à Paris, tandis que la prodige Clara Wieck (future Clara Schumann) met Vienne à genoux dans l’« Appassionata ». Dans la seconde moitié du siècle, Hans von Bülow imposera l’écoute des cinq dernières sonates dans une même soirée afin d’en révéler la cohérence, puis Marie Jaëll, autre disciple de Liszt, sera la première à jouer les trente-deux sonates à Paris.
En Beethoven, ces pionniers ont perçu la grandeur complexe du héraut de la musique pure (absolute Musik) intensément signifiante, du destructeur bâtisseur de l’avenir, du souffrant aux pulsions suicidaires créateur de Joie. Même les plus réfractaires à son génie éruptif ont eu conscience de sa supériorité écrasante : avec sa rudesse granitique, son sérieux, l’indomptable compositeur des neuf symphonies, dix-sept quatuors à cordes (en comptant la Grande Fugue) et trente-deux sonates pour piano incarnait l’acte même de la création.
Selon Bettina Brentano, la musique était pour Beethoven « une révélation plus sublime que toute sagesse et toute philosophie ». Perception confirmée par Hoffmann : « La musique de Beethoven fait jouer les ressorts de la peur, de l’effroi, de l’épouvante, de la douleur, et excite cette aspiration infinie () qui est l’essence du romantisme.» Persuadé avec Goethe que « nous appartenons
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