« On sort d’une société incestueuse »
Juge des enfants puis juge d’instruction pendant trente-six ans, Marie-Pierre Porchy analyse, dans son livre Les Silences de la loi * – paru en 2003, réédité cette année et préfacé à l’aune de l’affaire Duhamel –, les manques législatifs pour lutter contre l’inceste. Si la magistrate retraitée voit d’un bon œil les annonces faites cette semaine par le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, elle l’encourage à aller plus loin, en supprimant notamment la notion de consentement pour toutes les violences sexuelles sur les mineurs de moins de 15 ans.
Durant votre carrière, vous avez été confrontée quotidiennement à des affaires d’inceste. Pourquoi, selon vous, la loi actuelle est-elle « perverse » et même « nocive » ?
La loi demande à l’enfant victime d’inceste en quoi il était contraint, alors qu’il exécute ce qu’on lui demande simplement parce que c’est un enfant. Il ne dit ni oui ni non, mais il monte dans la chambre… Il faut éliminer cette notion de consentement pour que les enfants puissent se réparer dans le cadre de l’action judiciaire. L’agresseur, quand il reconnaît les faits, rejette en général la responsabilité sur la victime, qui se sent coupable de n’avoir pas dit non. Cette dynamique judiciaire perverse vient anéantir tout travail de reconstruction psychologique. Il faut tout revoir dans la loi, pas seulement un petit article sur les viols, et faire évoluer nos pratiques.
Les annonces cette semaine d’Éric Dupond-Moretti, qui souhaite notamment que soit qualifiée de viol toute pénétration sexuelle d’un adulte sur un enfant de moins de 15 ans, sont-elles satisfaisantes ?
Sur la suppression de l’exigence de la preuve de la contrainte, c’est une excellente réforme. De même
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