KLAUS NOMI
“Je veux rendre bizarre le familier, et vice versa”
L’HOMME QUI VENAIT D’AILLEURS? IL ATTERRIT A LA TELE AMERICAINE, SUR LE PLATEAU DU “SATURDAY NIGHT LIVE”, CE 15 DECEMBRE 1979. David Bowie apparaît dans un smoking rigide, en plastique dur, triangulaire, noir et blanc, saugrenu. L’alien, soulevé jusqu’à son micro par deux freaks, chante “The Man Who Sold The World”. Un des deux zigotos, à droite de la popstar, de noir intégralement vêtu, en robe de séminariste, visage à la craie blanche, agite ses bras dans des mouvements robotiques, pousse quelques aigus sur les refrains, sa face affichant une surprise permanente. A la fin du morceau, avec son collègue, il remballe le chanteur vers le fond et se fige, les mains au ciel. Bowie semble finalement très normal, humain: l’homme venu d’une autre galaxie, c’est ce choriste extravagant. Les foyers américains viennent de découvrir Klaus Nomi, et ils ne sont pas au bout de leurs surprises.
Mickey Mouse version Weimar
Né Sperber, Klaus ne vient pas d’Orion, mais de Bavière où, enfant, il tombe amoureux à la fois d’Elvis Presley et Maria Callas. A Berlin, au milieu des sixties, il Le contre-ténor possède une gamme vocale impressionnante, mais une discipline limitée: il préfère finalement, en 1972, à vingt-huit ans, aller s’éclater à New York. L’expatrié fait immédiatement parler de lui à Manhattan: on se bouscule pour acheter ses pâtisseries — Sperber a trouvé un job comme cuisinier au World Trade Center. Le jour, il malaxe pâte à choux, jaunes d’oeuf et lait chocolaté, et le soir, il guinche dans les lieux les plus interlopes. Il finit par s’inscrire au programme d’une soirée, “New Wave Vaudeville”, dans un club désaffecté, l’Irving Plaza, sous le nom NOMI — anagramme du magazine de sciencefiction OMNI. Man Parrish, pionnier electro, est aussi à l’affiche: ‘Anarchy In The UK’, ‘Venez voir, c’est fou’. Sur scène, Klaus, combinaison spatiale transparente, gants blancs, roucoule un air de Saint-Saëns. , écrit Steven Hager dans son livre “Art After Midnight — The East Village Scene”. L’aria terminée, des bombes fumigènes crépitent, des stroboscopes tournoient et le son du décollage d’une fusée fait trembler les murs. Sperber s’incline, salue, recule dans la fumée. La foule, hystérique, réclame un rappel. témoigne son ami Joey Arias, publiciste pour la marque Fiorucci. Man Parrish: ‘Tu veux devenir mon Giorgio Moroder? Je serai ta Donna Summer’.” En une nuit, un morceau, Sperber est devenu Nomi, la sensation new-yorkaise.
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