Un mausolée

Le vol Lufthansa numéro 714 en provenance de Berlin-Tempelhof arrivera porte 13, annonce une femme au micro en articulant parfaitement, à l’aéroport d’Orly. Elle reformule son annonce en anglais.

Dans la salle d’attente, face à la porte 13, Nadia fouille son sac à main. Elle en sort un poudrier et inspecte son visage dans un miroir minuscule. Les yeux discrètement maquillés, le teint naturellement hâlé, la coiffure sans défaut.

– Im-pec-cable ! se félicite-t-elle.

Ses cheveux noirs sont tirés en arrière, elle porte un strict chemisier et une jupe droite : professionnelle et sexy. Sa silhouette, juchée sur de fins escarpins, semble encore plus élancée. C’est objectivement une très jolie jeune femme.

Elle a mis tous ses atouts en valeur afin de réussir cette première mission de confiance pour l’agence immobilière qui vient de la recruter. Elle tire de son grand sac une ardoise en plastique et y inscrit au marqueur le nom du client, M. Schaeffer, en veillant à ne pas commettre d’erreur dans la retranscription.

Qui sait ? Le client allemand n’est peut-être pas le gros Bavarois en short, sandales et chaussettes que Pierre-Alex, le boss, lui a décrit en riant. Pierre-Alex aime les caricatures et n’est pas des plus subtils. Nadia en a fait les frais en passant l’entretien de recrutement. Il lui a posé des questions très directes sur ses origines, mais elle ne s’est pas laissé faire. Elle a montré qu’elle avait du caractère et de l’ambition : c’est sans doute en lui répondant avec aplomb, détermination et avec ce qu’il fallait de tact, qu’elle a obtenu le poste. Nadia, c’est une battante. Issue d’un milieu défavorisé, elle a lutté chaque jour pour mener ses études à leur terme. Economisant chaque euro, dormant chez ses parents malgré la distance qui la séparait du lycée, ne sortant pas ou presque, révisant ses examens au milieu