Comme un papillon à une flamme

Octave Lamber connaissait Louise Revilon depuis son plus jeune âge, il l’avait vue grandir sans vraiment prêter attention à elle : ils avaient dix ans de différence. Les deux familles se fréquentaient depuis que le père d’Octave s’était installé dans la région, après son mariage avec la fille d’un célèbre armateur auquel il avait succédé à la direction de l’entreprise.

Adolescent, Octave avait négligé Louise, beaucoup trop jeune pour être une camarade de jeu ou de discussion.C’est seulement des années plus tard, alors qu’il rendait visite à Léonce et Amélie Revilon, qu’il posa un regard nouveau sur elle. Octave avait 24 ans et venait de passer trois années à Paris pour faire ses humanités. Un temps, il s’était rêvé poète et avait fréquenté la bande de la rue Hautefeuille : Gustave Courbet, Charles Baudelaire, Hector Berlioz… et les artistes de la bohème parisienne qui se retrouvaient à la brasserie Andler-Keller pour refaire le monde. Comprenant qu’il n’avait pas le talent de ses rêves, Octave s’était résolu à rentrer à La Rochelle afin d’apprendre le métier d’armateur et seconder son père pour gérer sa flotte de navires marchands.

De ces années parisiennes, Octave avait gardé un amour pour les arts et une grande curiosité. Son esprit fin faisait le régal des grandes familles de La Rochelle qui aimaient le recevoir dans les salons feutrés.

La famille Revilon était de celles-là.

Lorsque Octave était entré dans le salon des Revilon, Louise était au piano en train de jouer une ballade. Elle avait bien changé et il ne l’avait pas reconnue tout de suite. Ses longues mains fines couraient sur les touches en souplesse. Ses cheveux dorés attachés sur la nuque par un ruban assorti à sa robe coulaient en boucles souples jusqu’à sa taille. Son corps s’était allongé et des courbes encore discrètes commençaient à chasser la silhouette de l’enfance. Octave resta quelques secondes à la contempler.

En rentrant chez ses parents, il leur annonça qu’il prendrait Louise pour