RÉCITALS
SABINE DEVIEILHE
SOPRANO
YYYY « Chanson d’amour ». Mélodies de Fauré, Poulenc, Ravel, Debussy.
Alexandre Tharaud (piano).
Erato. Ø NC. TT : 1 h 03’.
TECHNIQUE : 3,5/5
Deux cahiers de mélodies dont les Cinq mélodies populaires grecques de Ravel – joyau de l’album – trônent dans le programme imaginé par Sabine Devieilhe et Alexandre Tharaud. La lumière et la douceur du timbre de la soprano séduisent ici comme dans ses « Mirages » (Diapason d’or, cf. no 662) et la complicité des deux artistes saute tout de suite aux oreilles. A la jolie cambrure de la Chanson des cueilleuses de lentisques, dont la « joie de l’âme » se lit au bord des lèvres, s’apparie une Chanson de la mariée, souple et légère comme un « ruban d’or ». Ah ! ce coup de talon du piano et cette assurance mâle dans Quel galant m’est comparable, exhibant avec fierté « pistolets et sabre aigu »… avant de soupirer « Et c’est toi que j’aime ! ».
Si Les Berceaux (Fauré) peinent à s’assombrir, la Ballade de la reine morte d’aimer (Ravel) s’accommode d’une certaine fragilité. Les frissons qui parcourent C’est l’extase (Debussy), la langueur mise à Hôtel (Poulenc), l’aisance avec laquelle les aigus s’envolent dans Chanson d’amour (Fauré) ou Nuit d’étoiles (Debussy), soutenue par un clavier vif et scintillant, nous ravissent. Moins des consonnes quelque peu sacrifiées (dans C, Fêtes galantes, Spleen, par exemple) et, surtout, ces « r » invariablement roulés, jusque dans Les Chemins de l’amour, où l’on attendrait un peu plus de legato et de glamour. Imagine-t-on Yvonne Printemps en sabots ?
François Laurent
MAHAN ESFAHANI
CLAVECIN
YYYY « Musique ? ». Œuvres de Takemitsu, Cowell, Saariaho, Bryars, Abbasi et Ferrari.
Hyperion. Ø 2019. TT : 1 h 20’.
TECHNIQUE : 4,5/5
Le clavecin n’est pas si marginal dans le répertoire instrumental composé après 1950. Une Antoinette Vischer ou une Elzbieta Chojnacka ont suscité des œuvres résolument modernes qui ont aujourd’hui une descendance… et de nouveaux interprètes.
Rain dreaming (1986) témoigne de l’influence de Debussy et Messiaen sur Takemitsu. De brefs motifs qui alternent puis tendent à se mêler produisent une touche impressionniste suggérant l’effet hypnotique de la pluie. Mahan Esfahani y montre d’emblée sa capacité à articuler un jeu aussi vif et énergique sans jamais caricaturer ses gestes.
Les références qui se manifestent dans Set of four (1960) de Cowell (une basse de passacaille utilisée comme refrain de rondo, un mouvement perpétuel émaillé de marches harmoniques loufoques, ou un choral sauce aigre-douce) peuvent paraître aujourd’hui un peu appuyées. L’interprète nourrit des textures homogènes qui respirent librement, mais il se montre encore bien plus convaincant dans le clavecin plus physique de Luc Ferrari. Ni iconoclaste ni superficiel, son radical Programme Commun « Musique socialiste ? » (1972) va comme un gant à notre claveciniste réactif et joueur, délivrant toute la puissance requise sans se départir de son élégance.
Malgré une électronique un peu datée, Jardin secret II (1986) explore de façon très subtile les seuils de perception, instaurant une dialectique entre note et bruit, harmonie et timbre, rythme et texture, physiologie et mécanique. Le morphing entre voix (celle de Kaija Saariaho elle-même) et rythme pourra rappeler Korwar de François-Bernard Mâche, même si le trille initial apparaît plutôt comme une référence subliminale au clavecin de Ligeti.
Pierre Rigaudière
HÉLÈNE GRIMAUD
PIANO
YYYY « Early Recordings », Vol. I. SCHUMANN : Kreisleriana. BRAHMS : Sonates pour piano nos 2 et 3. Six pièces op. 118.
MDG (2 CD).
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