TOUT ÇA allait mal finir
Cela fait plus d’un siècle que, chez nous, on se méfie des artistes. Ces genslà ne pensent pas et ne vivent pas comme tout le monde. Et ça, ce n’est jamais bon.
Nous autres, dans notre village de Mautraverse, nous avons toujours considéré que les artistes étaient des gens bizarres. Nos grands-parents se souvenaient encore volontiers que, juste après la guerre, en 1919, le grand romancier Pierre Loti s’était fait réserver une chambre au Cerf couronné, l’auberge de chez nous.
Avant même qu’il n’arrive, la nouvelle s’était répandue dans les alentours, et jusqu’au mont Clenet, qu’une célébritéallait venir passer une nuit dans notre bourg. Les habitants plus fortunés avaient tenu à acheter un de ses livres pour le lui faire dédicacer. Mais tous avaient été bien déçus en découvrant que cet écrivain prestigieux s’habillait de manière excentrique, avec un pantalon bouffant bleu turquoise et une espèce de chemise brodée de fleurs et de signes étranges, comme même les femmes n’auraient pas osé en porter chez nous. Depuis cet événement, on continue de respecter les artistes, bien sûr, mais on préfère que nos enfants ne suivent pas leurs traces. Oui, mais quand le talent tombe sur un gamin, on ne s’en aperçoit que trop tard ! Et alors, on ne peut plus rien empêcher.
C’est ce qui est arrivé à Maxime, le fils cadet de Martine Morhange. Alors que l’aîné, Patrick, avait été un élève très moyen, le petit Maxime s’était distingué dès son entrée en maternelle par son don pour le dessin. Même son institutrice en restait stupéfaite, parce qu’il suffisait qu’elle l’envoie au tableau noir, à 6 ans à peine, pour qu’il réalise de véritables tableaux avec juste trois craies de couleur. Sa mère était fière de lui, au point de lui acheter tout ce qu’il réclamait : de grandes feuilles de papier, des tubes de peinture, des fusains,
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