du mois
Wilco
“SUMMERTEETH - DELUXE EDITION”
Warner
Avec Uncle Tupelo, ils avaient pratiqué un mélange intéressant d’énergie punk et de country ancestrale: leur reprise du classique “No Depression” a même donné son nom à un très bon magazine consacré à l’Americana. Farrar a monté Son Volt, Tweedy Wilco. Uncle Tupelo était d’une rigueur et d’un dépouillement quasi jansénistes, alors Tweedy a décidé de s’amuser et Wilco a Et lorsqu’il se met à hurler ou ad lib, c’est du pur Replacements (comme le du morceau du même nom), en presque mieux. Mais jamais les Mats ne sont parvenus à produire des mélodies aussi sophistiquées et, d’un point de vue sonore, ils ont toujours choisi, à quelques rares exceptions près, de se cantonner au format rock’n’roll classique, basse, guitare, batterie. Ici, c’est l’orgie. Timbale, violoncelle, lap steel, piano, Moog, Farfisa, synthétiseurs, mellotron, cuivres, harmonica, cloches, carillons choeurs, banjo, effets sonores en tous genres… C’est un festival, et l’ingénieur Mitch Easter fait des merveilles — l’album, d’un point de vue sonore, sonne totalement intemporel, et n’a donc pas pris une ride —, Jay Bennett, qui coécrit plusieurs des titres, est un magicien des instruments… L’album s’ouvre avec un morceau rock un peu funky évoquant le premier album, mais change dès le refrain et se paye même un passage digne des Beatles de “I Am The Walrus”. Dès le suivant, “She’s A Jar”, l’ambiance change avec une ballade acoustique devenue depuis un classique via sa mélodie époustouflante. Puis c’est la déflagration de “A Shot In The Arm”, et on comprend qu’on tient là un rare chef-d’oeuvre. Alors qu’on se demande comment Wilco va parvenir à soutenir ce rythme, c’est une enfilade infernale, rarement entendue. Les splendeurs s’enchaînent, sans interruption: “We’re Just Friends” pourrait être signée Chris Bell ou Alex Chilton, “I’M Always In Love” est une tuerie pop sans précédent qui donne envie de danser seul comme un débile, “Nothin’severgonnastandinmyway (Again)” évoque le meilleur des Replacements avec du mellotron, des choeurs et un pont à la Beatles. Et le reste est du même calibre: “Via Chicago”, “How To Fight Loneliness”, “Pieholden Suite”, “ELT”, on ne les compte plus… Il est amusant de constater que, au moment où la britpop s’éteignait, Wilco sortait le plus grand album pop de la décennie (qui ressort en version 4 CD: l’album remasterisé, un CD d’outtakes et de démos et deux autres offrant l’intégralité d’un concert superbe capté le 11 novembre 1999), si ce n’est l’un des plus grands disques de tous les temps.
