Disques pop rock

Erasure

“The Neon”

MUTE RECORDS/PIAS

On connaît la recette, et elle n’a guère changé pour Vince Clarke depuis “Who Needs Love Like That”, single sorti en 1985, quatre ans après le premier album de Depeche Mode, trois ans après le duo Yazoo (avec Alison Moyet) et deux ans après The Assembly: des accords mineurs au synthétiseur et une voix pleine de spleen, le tout dans un contexte pop délicieusement suranné. Pour ce dix-huitième album studio (dix-neuf si l’on compte la réécriture symphonique de “World Be Gone” en “World Beyond”), Vince et son chanteur partenaire Andy Bell creusent le sillon qui leur a fait vendre vingt-cinq millions d’albums et écrire deux cents morceaux. Le premier single “Hey Now (Think I Got A Feeling)”, flamboyant et très eighties, est comme un message envoyé à la fan base: on ne change pas une recette qui fonctionne. Et c’est, de fait, avec plaisir que l’on découvre les dix compositions de ce délicieux album. “Shot A Satellite” à la Eurythmics période “Sweet Dreams”, “Nerves Of Steel” et ses enluminures façon Kraftwerk, “Kid You’re Not Alone” et ses paroles intimistes sur fond de séquences tournant au ralenti: autant de témoignages du savoir-faire d’Erasure, le groupe pour qui le temps s’arrêta un jour des années 1980 et qui décline depuis son talent pour les chansons pop électroniques. Pas d’Auto-Tune (en tout cas pas utilisé de façon caricaturale), peu de concessions au son d’aujourd’hui, pas non plus d’invités extravagants (pas d’invités du tout, d’ailleurs), juste une petite entreprise artisanale, celle d’un couple musical qui préfère évoluer au ralenti et façonner des chansons électro-pop dansantes et chatoyantes. Voilà trente-cinq ans que ça dure et ça continue, encore et encore.

OLIVIER CACHIN

Yello

“Point”

UNIVERSAL

Fondé en 1979, Yello est un duo zurichois formé par Boris Blank, exroutier converti aux synthés, et Dieter Meier, le plus cool des millionnaires mais avant tout, un artiste conceptuel multimédia. Ces deux iconoclastes sans aucune formation musicale ont inventé leur propre grammaire qui, à son tour, a influencé des générations de musiciens. Yello, ce sont des compositions d’un style unique construites autour de boucles musicales réalisées avec des logiciels actuels qui ont supplanté les Fairlight et bandes magnétiques de jadis. Ce sont aussi les prestations inimitables de Meier, basées sur des onomatopées, allitérations et autres syncopes vocales rugueuses, mais suaves. Quatorze albums (du très underground Ralph Records au très mainstream Universal) n’ont pas entamé l’ADN de Yello qui aligne ici de surréalistes tubes potentiels avec une fantaisie pince-sans-rire que l’on retrouve, entre autres, sur “Wada Duba”, le premier single extrait de l’album. Il ne faut pas chercher à traduire les paroles:“I jump out of the bottle, I do the double bubble, White ubble bubble ubble. White u-bubble ubble”. Tout est question de musique des mots. “The Vanishing Of Peter Strong” et son côté “Quatrième Dimension”, le très dansant façon Kraftwerk “Arthur Spark”, le blues électronique “Big Boy’s Blues”, le thème romantique “Spinning My Mind”, la fausse musique de western, “Hot Pan”, le jazz urbain de “Rush For Joe” et, enfin, “Siren Singing” avec la voix angélique de la Chinoise Fifi Rong. Tout cet ensemble offre un voyage groovy où l’on retrouve son âme d’enfant.

JEAN-EMMANUEL DELUXE

Toots And The Maytals

“Got To Be Tough”

TROJAN JAMAICA/BMG

Frederick Toots Hibbert, vingt ans, fonde son groupe The Maytals et enregistre au mythique Studio One. Le succès devient mondial avec la signature chez Island en 1971, et il participe à la BO du film “The Harder They Come” (notamment avec “Pressure Drop”, plus tard repris par The Clash). Sa version du standard de Richard Berry “Louie Louie” (extrait du formidable album “Funky Kingston”) lui vaut l’amour des fans de R&B. Sa voix rauque et puissante lui permet en effet de