Les filles du Roy
Madeleine, 8 ans, et sa sœur Marie, d’un an son aînée, avaient été recueillies en 1656 à la Salpêtrière, hôpital destiné aux enfants, jeunes filles et femmes sans ressources.
Leur mère était morte en mettant au monde Madeleine. Leur père, boucher de son état, les avait alors élevées seul. Il s’était acquitté de ce devoir avec grande attention et tendresse, avant de perdre lui aussi la vie à cause de la gangrène. En taillant une pièce de bœuf, son hachoir lui était malencontreusement tombé des mains et lui avait entaillé le dessus du pied. La blessure étant superficielle il n’y avait pas accordé d’attention. Il s’était juste étonné de découvrir le lendemain une étrange ligne noire qui partait de la plaie et remontait jusqu’au genou. Comme il ne ressentait aucune souffrance, il ne s’en était pas soucié. Mais bientôt une douleur lancinante et continue lui avait parcouru la jambe, l’invalidant dans son travail. Il s’était alors décidé à consulter un médecin. Celui-ci avait constaté une gangrène qui avait gagné la cuisse jusqu’à l’aine. Il n’aurait servi à rien de l’amputer, il était trop tard.
Les sœurs de charité s’étaient occupées de l’enterrement. Les deux petites filles, désemparées, avaient suivi le cercueil jusqu’au cimetière, avant de se laisser mener vers leur prochaine demeure. A la Salpêtrière elles recevaient un enseignement religieux, réglé par la mère supérieure, et elles y apprenaient à lire, écrire, coudre et broder. Si Marie, l’aînée, y trouvait son compte, il n’en était pas de même pour Madeleine qui se sentait prisonnière de cet univers clos. Et pourtant il allait lui falloir patienter encore quelques années avant que les portes ne s’ouvrent. Elle serrait les dents, décidée à profiter de la première opportunité pour s’échapper. L’une de ces opportunités lui permettrait peut-être de vivre une autre vie. De nombreux bourgeois se présentaient à la Salpêtrière, où ils savaient y trouver
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