Sept

La révolution des femmes mineurs au Congo est en marche

Ce matin d’automne 2018 , Christine Tullia est l’une des premières. Elle a insisté. Encore et encore. Mais personne ne lui a donné de travail. Qu’allait-elle dire à ses enfants? Même s’ils ne se plaignent plus des rations toujours plus maigres de nourriture, leurs corps osseux trahissent la faim. Et son mari dont l’état empire chaque jour parce qu’il a dû interrompre son traitement médical? En proie aux idées noires, elle a décidé d’attendre, espérant un miracle. Après plusieurs heures, un homme s’est agenouillé à ses côtés, comme pour la consoler. Mais quand il lui a demandé d’une voix douce s’il pouvait faire quoi que ce soit pour elle, même une personne aussi simple d’esprit qu’elle a immédiatement compris la nature de sa proposition... Jamais Christine n’aurait imaginé y avoir recours. Jusqu’à ce jour. En racontant son histoire, des années plus tard, la cinquantenaire au visage grave élude volontairement certains détails pour se concentrer sur le moment où, tête baissée, son corps à peine recouvert par un vêtement déchiré, elle a quitté la mine avec 5’000 francs congolais (3 francs suisses) en poche. «En regardant mes enfants manger ce que je leur avais préparé ce soir-là avec cet argent, j’ai eu l’impression qu’ils mangeaient mes péchés, murmure-t-elle afin que personne d’autre ne l’entende. Je n’ai plus jamais laissé quelqu’un me traiter ainsi.»

Ce petit bout de femme robuste est une «mama twangaise» ainsi que les appellent les Congolais, du verbe , concasser ou piler en swahili. Du matin au soir, depuis plus de 15 ans, elle broie des cailloux de quartz avec de lourdes masses en bois jusqu’à obtenir une fine poudre dont est extrait l’or. A l’instar des femmes issues des classes sociales les plus modestes du pays, sa vie n’a pas été un long fleuve tranquille. Elle n’était encore qu’une toute jeune fille quand son père l’a promise à un homme de trente ans son aîné. «On ne s’était jamais rencontré, il n’y a pas eu de fiançailles, se remémore-t-elle. On m’a emmenée chez mon futur mari comme on emmène une vache à l’abattoir.»

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