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Dans la vallée des roses
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Dans la vallée des roses
Livre électronique149 pages1 heure

Dans la vallée des roses

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À propos de ce livre électronique

"Dans la vallée des roses" est un roman où se rencontrent Oreline, colonelle des pompiers, et Joffrey, conseiller du ministre de l’Intérieur. Elle combat les incendies et les règles d’un monde dominé par les hommes ; lui défend ses intérêts au cœur du pouvoir. Leur affrontement, à la croisée du terrain et des institutions, révèle les tensions d’un pays confronté aux défis climatiques et politiques.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Pierre Zanetti, agrégé d’économie, vit en région parisienne. Auteur de plus de cinquante ouvrages, il a exploré de nombreux genres : nouvelles, romans, récits historiques, science-fiction, polars. Cet ouvrage fait écho à des conflits politiques et sociaux d’une brûlante actualité. Mais c’est avant tout une grande histoire d’amour.
LangueFrançais
ÉditeurLe Lys Bleu Éditions
Date de sortie11 août 2025
ISBN9791042278199
Dans la vallée des roses

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    Aperçu du livre

    Dans la vallée des roses - Pierre Zanetti

    Cet été-là

    1

    Parvenue au bout de l’allée sablonneuse, Oreline stoppa son 4X4 de commandement, éteignit le gyrophare bleu et coupa le contact. À peine sortie de l’habitacle, elle crut entendre la cymbalisation familière des cigales l’entourer, mais ce n’était qu’une illusion. Ces crépitements, ce ronflement incessant émanaient du feu qui, à une centaine de mètres devant elle, transformait les pins maritimes en torches géantes. Elle mit son masque, tant l’air était irrespirable, chargé de fumées qui obscurcissaient le ciel des Landes, taguant ce bleu plus bleu que bleu que la chaleur faisait vibrer.

    Le capitaine Léo Matavelli s’avança vers elle, le visage noirci sous son casque blanc laiteux en métal brillant, la visière de protection relevée. Il la salua.

    — Bienvenue, ma colonelle. Je vais vous briefer sur ce feu.

    — Racontez-moi. J’ai déjà réquisitionné cinq casernes, et nous bénéficierons de l’aide de deux Canadair.

    — Voilà : Une tour de guet a signalé un départ de feu il y a deux heures, ici, sur la carte. Un violent vent d’ouest l’attise, et le pousse vers le centre du massif. Il se transforme en mégafeu, très rapidement.

    — C’est-à-dire que des flammèches s’envolent et le propagent plus loin.

    — Exactement. Comme les métastases d’un cancer.

    — Il faut l’attaquer par tous les côtés, avant qu’il devienne incontrôlable. Où se dirige-t-il ?

    — Vers Belhade, qui a été évacué. Nous essayons de le stopper, mais nous avons besoin de renforts, et nous manquons d’eau, au moins la moitié des 1800 points d’eau sont à sec. Cette fichue sécheresse dure depuis des semaines, et la température en journée frôle les 40 degrés. Et nous ne sommes qu’en mai !

    — Les renforts accourent, Léo. Nous y arriverons, comme toujours.

    — Oui, mais à quel prix ?

    La forêt des Landes, la plus grande d’Europe de l’Ouest avec ses 13 000 kilomètres carrés, a la forme d’un triangle bordé à l’ouest par l’océan Atlantique, dont les trois sommets sont la pointe de Grave au nord, la station balnéaire d’Hossegor au sud et la ville de Nérac à l’est. Le terrain sableux est pauvre et plat. Jusqu’au 19e siècle, cette forêt n’existait pas, cette zone humide étant utilisée par des éleveurs de moutons montés sur de hautes échasses. Napoléon III les exproprie, ensemence la région de pins maritimes, et vend cette jeune forêt par lots immenses à de riches investisseurs : médecins, notaires, avocats, au détriment des métayers et ouvriers.

    Une cinquantaine d’années plus tard, les arbres sont parvenus à maturité, et de leurs troncs suinte, par gemmage, l’or blanc des Landes, servant à produite l’essence de térébenthine. Les pins, trop serrés, sont une proie facile pour les incendies. Oreline avait perdu son grand-père dans celui de 1976 qui, entre Bordeaux et Arcachon, avait carbonisé la moitié de la forêt, faisant plus de 80 victimes. Cet incendie n’était que l’arbre cachant la forêt des feux : 1713, 1735, 1742, 1753, 1803, 1822, 1870, 1893, 1899, 1918, 1926, 1938, 1942, 1944, 1949, 1976, 199 0, 1997, 2003, 2022. Une répétition décourageante.

    Oreline déplia une carte sur le capot de son 4X4, que Léo et ses lieutenants examinèrent en détail. Elle dirigeait les opérations, bien qu’étant seulement lieutenante-colonelle. Elle était pourtant bien la patronne du centre de coordination d’Ychoux, en l’absence d’un gradé supérieur. Une grande femme d’une bonne quarantaine d’années, aux yeux marron fureteurs et aux cheveux auburn et courts, originaire du Sud-Ouest dont elle avait conservé l’accent chantant. Elle avait eu du mal à s’imposer dans ce milieu d’hommes souvent bodybuildés.

    Elle n’avait pas eu le temps de connaître son grand-père, mort avant sa naissance, mais dont ses parents lui parlaient souvent. Cette disparition tragique avait fortement contribué à sa vocation de soldate du feu. Connaissant une bonne réussite dans les études, elle avait formé le projet de combattre les incendies par le haut, en dirigeante du corps des pompiers. Un projet ambitieux, difficile à réaliser. Après une licence en droit facilement obtenue, elle s’était inscrite au concours de capitaine des sapeurs-pompiers. Seule femme en lice, elle avait sauté l’obstacle et avait suivi une formation de 18 mois à l’école nationale supérieure des sapeurs-pompiers. Elle en était sortie capitaine, malgré les brimades subies lors de ses études.

    Seule solution pour elle : devenir un homme. Se comporter comme tel, pour se faire respecter. Prendre un amant dont elle ne serait pas éprise. Surtout, surtout, ne pas tomber amoureuse, ce qui l’affaiblirait trop. Elle s’était inscrite à des cours de judo, en mode accéléré. D’un obi blanc de débutante, elle était vite passée au jaune, à l’orange, au vert puis au rouge. Ses professeurs avaient dû souvent la freiner, lui apprendre à retenir ses coups.

    Lors de son premier poste, à Mont-de-Marsan, elle avait eu comme commandant un grand amateur de rugby, version pilier, qui avait multiplié les brimades à son égard. Un certain d’Estançon, qui ne supportait pas de voir une femme prétendre à être pompier. Un jour, après une intervention où elle s’était montrée talentueuse, il l’avait convoquée dans son bureau pour lui infliger un blâme, pour mise en danger de ses collègues. Elle avait rejoint le mess, le visage blanc comme de la craie. Les méthodes brutales du commandant étaient connues, dans la compagnie, et pas vraiment appréciées. Par contre, Oreline s’était constitué un joli capital de sympathie auprès des hommes. Ils lui avaient conseillé d’éviter l’affrontement, de demander une mutation. Mais alors la tâche du blâme continuerait à salir son dossier, elle serait bloquée dans sa carrière, elle se cognerait au fameux plafond de verre. Ce serait se soumettre. Inacceptable pour elle. Les discussions tournaient en rond, lorsque d’Estançon avait surgi dans le mess. Imaginant une sorte de rébellion contre lui, il s’était mis à hurler des ordres, pour disperser le groupe.

    Seule Oreline n’avait pas bougé.

    — Les gars, sortez vos portables, leur avait-elle soufflé.

    — Lieutenant Bellon, corvée de chiottes !

    — Mon commandant, je suis capitaine, et non lieutenant. Et les toilettes sont propres, j’ai vérifié. Cet ordre ne peut être exécuté, puisqu’il l’a déjà été.

    Le teint de l’officier vira au rouge brique, ce qui n’était pas très difficile, étant donné sa consommation de vin des Corbières.

    — Je vais t’apprendre qui commande ici, espèce de mijaurée !

    Pour elle, le passage au tutoiement était le signe que d’Estançon perdait le contrôle. À elle de porter l’estocade.

    — Mon commandant, je vous prierai de rester poli. Je suis un officier, tout comme vous.

    Le « tout comme vous » lui fit voir rouge.

    — Tu n’es qu’une femme, une faible femme, une femmelette, tout juste bonne à…

    — À quoi ?

    Toute l’équipe écoutait, tétanisée.

    Il ne répondit rien, et se jeta sur elle. Ce qu’Oreline attendait. Elle, concentrée. Lui, fumant tel un taureau furieux. Qui la chargea.

    Se servant du corps déséquilibré de l’assaillant, elle lui fit un ippon, qui le fit chuter lourdement. Un cri de douleur emplit le mess. D’Estançon était immobilisé sur le carrelage, sous Oreline qui lui tordait le bras.

    — Maîtrisez-vous, mon commandant !

    Mais avoir été ridiculisé par une femme avait décuplé sa rage.

    — Je vais te démolir ! avait-il hurlé.

    Il s’était remis debout, péniblement, pour repartir à l’assaut. Une très mauvaise idée. Oreline l’avait fauché en plein élan, le faisant brutalement rechuter.

    Il avait mis quelques instants avant de se relever. Son épaule gauche ne semblait pas être à sa place, et de l’arcade sourcilière fendue, une coulée de sang lui masquait la vue droite. Une dent était restée orpheline sur le carrelage qui, lui, avait tenu bon.

    — Bellon, je vais vous casser !

    — Je ne crois pas. Mes hommes ont pris une bonne dizaine de vidéos de cette scène.

    — Salope !

    — Les portables filment toujours.

    Une commission de discipline s’était réunie quelques semaines plus tard. D’Estançon avait déposé une plainte contre Oreline, demandant son exclusion définitive. Mais les vidéos avaient parlé pour elle. Le commandant fut débouté et dégoûté, écopant au passage d’un avertissement et d’une menace de mutation d’office. Quant à Oreline, le président de la commission avait été bien embarrassé. La condamner ? Impossible. La récompenser ? Tout aussi impraticable. Peut-être la condamner en la récompensant. Une piste chaotique, mais utilisable.

    — Nous avons examiné votre carrière dans les moindres recoins. Par une seule faute, bien au contraire, une pluie de félicitations. Vous avez même risqué votre vie, dans cette usine en flammes à Montauban, pour sauver un de vos hommes. Pour l’affaire que nous jugeons, vous avez fait preuve de sang-froid dans votre légitime défense. Le commandant d’Estançon est connu de la hiérarchie pour ses méthodes, disons expéditives. C’est un excellent pilier du XV de Mont-de-Marsan, le Stade Montois. Il est le parrain de la fille du maire de cette commune. Son oncle est un gros actionnaire de la dépêche du midi. Il a donc des appuis politiques.

    — Que je n’ai pas.

    — Non, en effet, soupira le président. Pourtant, une caserne ne peut dysfonctionner. Le service au public doit être rendu.

    Elle décida de risquer le tout pour le tout.

    — J’ai une proposition à vous soumettre.

    — Dites toujours.

    — Vous me mutez, en me nommant commandante.

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