Quand fleurissent les ronces
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTRICE
Françoise Sievers-Gauffrès a toujours été guidée par sa curiosité et son amour des mots. Elle découvre l’écriture comme un passe-temps et, peu à peu, ses récits prennent forme sous la plume, imposant la littérature, dans sa vie, comme une évidence.
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Aperçu du livre
Quand fleurissent les ronces - Françoise Sievers-Gauffrès
Partie I
Le temps des lilas
Si cela est possible, dans la mesure où cela dépend de vous, soyez en paix avec tous les hommes.
Romains 12:18
Insomnie assurée
Par une belle après-midi d’avril, assises sur le banc sans âge adossé à la maison, face aux lilas bleus et pourpres dont les effluves entêtants chantaient le printemps, deux femmes, arrivées gentiment à l’automne de leur vie, respiraient en silence le parfum frais des arbustes, laissant échapper par moments, dans un soupir :
« Eh oui… »
Se tournant à demi vers l’autre, la plus âgée rompit le silence odorant :
Et plus tard, elle a encore gardé les fils de ma tante Gilberte, celui de ma tante Lucienne et nous en plus, quand on venait pendant les vacances ! Une vraie pâte de grand-mère ! Alors tu comprends, c’était important pour moi que ma fille porte aussi son nom… Anne Louise Berthier, mais seulement pour les papiers…
Marinette se leva et disparut dans la maison pour en ressortir quelques minutes plus tard, un calepin à la main.
Ma faute est insupportable.
Une vraie chipie.
Si je la comparais à un animal, ce serait un insecte, plus précisément un moustique dont le vol aigu, narguant mes oreilles, me tient en haleine, allongée dans la pénombre, écoutant, désespérée, ce ballet frénétique virevoltant autour de ma tête.
Mes mains claquent au hasard.
L’espoir n’est pas mort.
Soudain, plus un bruit.
Le silence m’apporte un triomphe annonciateur de sommeil.
J’exulte modestement, pensant avoir vaincu le minuscule ennemi.
Mais la trêve s’achève avec la reprise de la danse folle de l’insecte attiré par l’humidité de ma peau.
Oui, ma faute est un moustique.
Elle ne me laisse pas en paix, se rappelant à ma mémoire encore et encore.
Elle tourbillonne dans mon esprit, se moquant de mes vains efforts pour l’en éjecter, idéalement l’anéantir, la plonger dans l’oubli à jamais.
Et ce verset qui tourne dans ma tête !
Un passage du psaume quatre-vingt-six, reçu à la fin du catéchisme :
« Oui, tu es bon, Seigneur, tu pardonnes, tu es plein d’amour pour tous ceux qui font appel à toi. »
Seigneur, est-ce un encouragement de ta part ?
Oui, je le crois !
Alors, épuisée par le rappel de cet acte regrettable qui m’assaille et mes essais infructueux pour m’en débarrasser, je fais appel à toi, qui est la Lumière et fidèlement, tu viens éclairer mon esprit :
Si je veux définitivement écraser la méchanceté commise sur le mur de ma vie, je dois demander pardon à celle qui en a été victime et recevoir celui que tu veux m’accorder.
Pas d’autre méthode efficace, pas d’autre moyen pour détruire cette perfide chipie.
Oh, donne-moi la force et l’humilité pour aller vers celle que j’ai blessée volontairement !
Seigneur, viens à mon aide !
Voilà ! Alors, Élise, qu’est-ce que tu en penses ?
Marinette décela la tristesse qui pointait dans la voix de son amie :
Ne trouvant rien à répondre, Marinette se tut et elles restèrent côte à côte sur le banc, laissant le parfum des lilas pénétrer leurs narines. Puis, caressant distraitement une des chattes qui venait de sauter sur ses genoux, Élise reprit :
Élise sourit et répéta en hochant la tête :
Une vie tranquille
Marinette habitait la dernière vieille maison du bourg en direction de La Borne, la ferme familiale où des générations de Munot avaient usé leurs bras et leur dos à travailler la terre et prendre soin du bétail.
Et maintenant, cette longue lignée de paysans s’éteignait avec la dernière représentante à en porter encore le nom.
Ses trois frères étaient nés d’un premier mariage maternel et du deuxième lit, sa sœur Raymonde, et elle, la benjamine.
Pas un de sa fratrie n’avait souhaité vouer sa vie au travail de la terre.
Son frère aîné s’était engagé dans l’Armée du Salut, les autres avaient tenté leur chance en ville, pensant qu’ils y auraient une vie plus facile.
Ainsi vont les choses, pensait-elle souvent, peut-être auraient-ils mieux fait de rester là.
Il fait bon vivre ici, après tout…
Etienne l’a bien compris puisqu’il est revenu, à l’heure de la retraite…
Heureuse d’avoir fait le choix de ne pas quitter le pays de son enfance, son existence la satisfaisait pleinement.
En 1949, à vingt-cinq ans, elle avait eu la fierté de faire partie de la première volée de jeunes femmes à obtenir le certificat de travailleuse familiale, validé par le ministère de la Santé.
L’association d’aide à domicile en milieu rural lui avait alors proposé une place, qu’elle n’avait plus quittée.
Âgée maintenant de cinquante-quatre ans, elle continuait à travailler tout en s’occupant de la maison et du jardin, le reste de l’exploitation ayant été vendu.
Quatre ans auparavant, peu avant le décès de leur mère, la commune avait modifié la répartition des zones sur le territoire, les terres attenantes à la ferme devenant ainsi zone résidentielle.
Les deux sœurs s’étaient alors partagé la propriété, Raymonde prenant les terres, qu’elle n’avait pas mis longtemps à mettre en vente, les partageant en une dizaine de lots de grandeur plus ou moins égale.
Etienne, le frère aîné, avait été le premier à acheter une parcelle pour y construire un pavillon dont la modernité jurait un tant soit peu dans le paysage.
Trois autres avaient été acquises par des petits-cousins souhaitant se réinstaller dans le coin.
Le reste attendait encore acquéreur…
Marinette, quant à elle, avait gardé la maison de son enfance et le jardin, où légumes et fleurs poussaient en une joyeuse symbiose.
Outre une dizaine de lapins et quelques poules, deux chattes, Tricotine et Crochette, moins concernées par la régulation de la population de souris qui squattaient le cabanon que par leur rôle d’animaux de compagnie et Fanfaron, un basset qui portait bien son nom, complétaient la ménagerie.
Dans ses temps libres, par beau temps, Marinette s’asseyait sous le tilleul centenaire et tricotait ou crochetait selon ses humeurs, ses envies ou les besoins du moment.
De ses doigts habiles jaillissaient : barboteuses, gilets, chaussons, bonnets, écharpes, couvertures et autres paires de gants.
Un anniversaire, un mariage, une naissance, un départ à la retraite, un retrait de telle ou telle association après des années de bons et loyaux services ?
Un joli cadeau « fait main » était déposé, bien emballé, dans la boîte aux lettres.
Les fêtes, ce n’était pas son fort.
Ne se sentant pas à l’aise en bruyante compagnie, elle préférait décliner les invitations et rendre visite une fois comme ça, en passant.
Depuis quelques années, chaque été, pendant un mois, elle accueillait deux ou trois enfants de la ville, placés par l’Accueil familial vacances.
Elle, qui n’avait jamais connu les joies de la maternité, était devenue la grand-mère de cœur de tous ces mouflets, dont certains avaient pu revenir deux ou trois années de suite.
Et les gamins du village qui, par curiosité, venaient jouer avec ces petits estivants venus de loin savaient bien que chez la Marinette, ils recevaient toujours une friandise.
Ses vacances, c’était de permettre à d’autres d’en passer d’agréables à la campagne.
Puis, les congés terminés et les petits rentrés chez eux, la vie reprenait son cours et elle, ses habitudes.
Quand le culte avait lieu à Saint-Marcel, elle sortait de chez elle à neuf heures et demie précises pour se rendre au temple, s’arrêtant sur le chemin chez son amie Élise Berthier, qui l’accompagnait depuis quelques années au service dominical.
Celle-ci avait connu bien des moments difficiles dans sa vie, ce qui lui avait fait longtemps prendre une certaine distance avec ses concitoyens, dont certains s’étaient montrés particulièrement sans cœur avec sa famille.
Connaissant les convictions de Marinette concernant la foi, elle l’assaillait de questions diverses auxquelles elle-même avait déjà profondément réfléchi.
À la recherche de réponses satisfaisantes, elle participait volontiers au groupe de dames de la paroisse protestante, qui avait lieu tous les mercredis après-midi à la sacristie, depuis peu sous l’égide de Lydia Dubois, la belle-sœur de Marinette, officier de l’Armée du Salut, venue s’installer au village avec son mari pour la retraite, celui-ci ayant souhaité revenir au pays de son enfance.
Élise, remplie d’appréhension, avait tout d’abord refusé d’y accompagner son amie, s’attendant à subir là aussi des critiques à peine voilées sur sa situation familiale.
Marinette avait eu beau lui répéter qu’elle trouverait au contraire appui et solidarité dans ce petit noyau de femmes dont la plupart avaient connu également bien des vicissitudes, elle avait longuement hésité avant de faire le pas.
Être mère célibataire d’une fille l’étant également, ça n’était pas courant dans le village et elle redoutait les insinuations venimeuses dont elles avaient tant de fois été l’objet.
Or, à sa grande surprise, elle avait été accueillie chaleureusement, sans jugement aucun, par ces quelques concitoyennes venues partager un moment fraternel autour d’un texte biblique.
Myope depuis son enfance, un décollement de rétine l’avait rendue définitivement aveugle depuis plus de trente ans.
Même si elle connaissait par cœur toutes les rues de son village natal et s’y déplaçait aisément, elle aimait tenir le bras de son amie pour cette promenade dominicale qui les menait jusqu’au temple.
Elles y arrivaient toujours avec une bonne quinzaine de minutes d’avance.
C’était une habitude que Marinette avait acquise enfant avec sa grand-mère Léa qui, s’asseyant invariablement à la même place, tenait fermement à être là avant les autres pour observer leur arrivée et noter le moindre changement dans l’une ou l’autre famille.
Curiosité malsaine ou souci de son prochain, probablement un subtil mélange des deux sentiments animait son aïeule.
Elle avait donc conservé ce pli, non pour observer ses coreligionnaires, mais simplement pour profiter de la sérénité du lieu.
Assise bien droite sur son banc, à côté d’Élise, qui se taisait aussi par respect pour son amie, elle savourait ces instants de silence avant que ne débute le service.
Il n’y avait de toute façon plus beaucoup de fidèles, le dimanche matin.
Il était loin, le temps où les paroissiens venaient en famille écouter le pasteur, les enfants attendant patiemment la fin du service pour aller jouer dans le jardin du presbytère.
Pendant que les adultes prenaient debout un apéritif servi dans des petits verres aux couleurs disparates, ils se précipitaient en piaillant vers la vieille balançoire grinçant allégrement à chaque poussée et le toboggan usagé où des générations de bambins avaient râpé leur fond de culotte.
La nostalgie du passé la saisissait quand ces souvenirs remontaient à sa mémoire et, les yeux fermés, elle humait l’odeur immuable du bois ciré et des bougies fraîchement éteintes, jusqu’à ce que son amie la saisisse par le bras en murmurant :
« On dirait qu’il n’y a plus personne, il faudrait pas qu’on nous enferme dedans ! »
À la sortie de l’église, elle ramenait Élise à la maison et restait un moment à discuter avec elle en sirotant un café, un jus de fruits ou, sporadiquement, un petit verre de vermouth.
C’était leur apéro et elles appréciaient ce moment.
Souvent, Anne, la fille d’Élise, se joignait un moment à la conversation tandis que ses deux fillettes, Flore et Sarah, tourbillonnaient autour de la pourvoyeuse de bonbons, attendant de recevoir un berlingot ou un caramel.
« Cette maison, c’est un poulailler sans coq, pourquoi Paco est-il mort si jeune ? » soupirait souvent Élise.
Ce à quoi son amie répondait :
« Patience, patience, il faut du temps pour faire son deuil. Le temps du rire et de la joie reviendra comme le soleil après l’orage. »
Élise hochait la tête en signe d’approbation en souhaitant intérieurement que le beau temps revienne au plus vite et que d’autres enfants tournent autour de la table en riant, guettant le moment où Marinette mettrait sa main dans sa poche pour la distribution de sucreries.
Histoires dans l’histoire
Se tournant à demi vers sa nièce, passant nerveusement une main dans ses cheveux, elle continua :
Serveuse, ce n’est pas de tout repos, certes, tu es tout le temps sur tes jambes, mais enfin, c’est intéressant et la plupart des clients sont gentils et compréhensifs quand ils doivent attendre un peu. Vois-tu, Alfred est fatigué. Il aspire à la retraite et souhaite remettre entièrement l’auberge à la génération suivante, sans que nous y soyons encore engagés d’une manière ou d’une autre. Il me l’a fait clairement comprendre :
« Quand on tourne la page, ce n’est pas pour y revenir ! On les laissera se débrouiller, Jean-Louis et Marie feront les choses autrement que nous, mais tout aussi bien ! »
Alors c’est ce que nous allons faire ! Du coup, si tu acceptais de venir bosser à la Treille, tu te retrouverais en famille, avec tes cousins, qui seraient heureux de te compter dans l’équipe ! Voilà, maintenant, à toi de décider ! Prends ton temps, réfléchis et tu nous fais signe le moment venu !
Ayant exposé le but de sa visite, Sarah finit de racler son assiette, attendant la réaction de sa nièce. Anne, à la fois surprise et ravie de cette proposition inespérée, garda le silence quelques instants, puis prenant une profonde inspiration, se lança :
J’étais moi-même occupée à couper les cheveux d’un petit garçon que sa mère avait envoyé seul pour la première fois et qui, raide comme un manche à balai, ne desserrait pas les dents pour répondre aux questions que je lui posais, histoire de le détendre un peu.
L’autre client, le percepteur, un homme replet au regard fuyant, a lancé à Lise, comme ça de but en blanc qu’il n’était vraiment pas souvent là, son homme, pour raser les clients, que c’était quand même un monde qu’elle doive travailler pour deux ! Avant qu’elle ouvre la bouche, le vieux Clerc a répondu calmement que lui, il s’en foutait, qu’il avait le temps et qu’en plus, tout le monde savait qu’il avait un poil dans la main, Albert, ce qui, pour un barbier, était de circonstance.
L’autre a rétorqué aussi sec qu’il avait peut-être un poil dans la main, mais que son métier, c’était quand même de mettre la main dans le poil… Lise lui a répliqué en le regardant dans le miroir que malheureusement pour elle, c’était pas marqué « fainéant » sur son front quand elle l’avait épousé !
Le vieux Clerc a soupiré que c’était dommage tout de même qu’il soit pas là, parce que pour ce qui est de la barbe, il préférait laisser sa figure entre des mains masculines, sans vouloir la vexer. Lise ne s’est pas formalisée pour si peu et lui a répondu que ça ne la vexait pas du tout, le barbier, c’était lui, pas elle, mais que la jeunette, en l’occurrence moi, se débrouillait plutôt bien, presque aussi bien que lui ; qu’il pouvait sans autres lui confier son visage, quand elle aurait fini avec le petit… Je me souviens bien de ce qu’il lui a lancé, en rigolant :
« Confier ma bobine à une Berthier, ça sera une première !
Va pour la petite ; avec sa gueule d’ange, on lui donnerait le bon Dieu sans confession ! La même gueule d’ange que sa grand-mère Coralie, qui, j’espère pour elle, est au paradis, parce que c’est là que vivent les anges, s’ils sont pas déchus… »
Lise a laissé un instant ses ciseaux en suspens, a jeté un regard vers le vieux et, sans dire un mot, lui a fait signe de venir s’installer dans un des fauteuils réservés pour les soins de barbe. Quand j’ai eu libéré le garçonnet, qui a filé sans demander son reste, fier quand même d’avoir eu le courage de venir tout seul chez la coiffeuse, j’ai commencé à le raser. Pendant tout le temps où je lui faisais la barbe, je voyais bien qu’il me surveillait du coin de l’œil. Je n’étais pas très à l’aise, vu que, comme voisin, il n’était pas vraiment aimable avec nous, même si au moins, lui, il nous disait bonjour, pas comme son fils…
L’autre client est parti, lançant d’un ton goguenard, avant de sortir, une histoire de poils qui n’a fait rire que lui. Le pépé Clerc s’est donc retrouvé seul avec nous et a marmonné en se tournant vers Lise qu’il avait raison, Albert, de se promener dans les bois avec la chienne, que ça lui faisait prendre l’air ; mais qu’il valait mieux pour elle qu’elle tienne sa maison en
