Le concile national de France: Paris Notre-Dame 1797
Par Gérard Defois
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À propos de ce livre électronique
C’est bien pourquoi en 1790 et lors de la première séparation de l’Église et de l’État en février 1795 l’organisation de « l’Église de France » fut l’objet d’une mainmise des révolutionnaires sur le corps épiscopal, les nominations et leur répartition. Ceci dans la ligne tracée par la Constitution civile du clergé.
Ces évêques ont entendu redresser une situation pastorale éclatée entre prêtres, laïques devenus incroyants et ruraux liés à leurs paroisses, et surtout retrouver la personnalité et l’influence d’une « Église gallicane » en relation difficile avec le Pape. En amont de ces faits s’imposaient les grands différends inspirés de la pensée dite des Lumières, mais apparaît aussi une volonté « missionnaire » d’adapter le message de l’Église à ce que nous appelons aujourd’hui la culture moderne. Il est impressionnant de découvrir que ces pasteurs d’alors, trop souvent oubliés en 1801 à cause de leur soumission aux instances politiques, se révèlent soucieux de piété et de formation chrétienne des enfants et des parents. Des changements, tels ceux du langage liturgique qu’ils souhaitaient seront ensuite préconisés par le Concile Vatican II… Mais il y aura les évènements du XIXe siècle en Europe !
À PROPOS DE L'AUTEUR
Mgr Gérard Defois, prêtre du diocèse d’Angers a été enseignant à l’Institut catholique de Paris, secrétaire général de la Conférence épiscopale de France (1973-1983), recteur de l’Université catholique de Lyon, archevêque de Sens-Auxerre, de Reims, où il reçut le pape Jean-Paul II, et de Lille. Émérite depuis 2008, il a été président des commissions Justice et Paix pour l’Europe (2009-2012).
Mgr Defois est docteur en théologie, diplômé de l’École Pratique des Hautes Études, et de l’institut supérieur de pastorale catéchétique. Il réside à Saumur.
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Aperçu du livre
Le concile national de France - Gérard Defois
Exergue
« Les peuples sans mémoire
meurent de froid. »
Avant-propos
Par les décrets et les canons débattus au Concile de Paris entre le 15 août et le 12 novembre 1797, les évêques « constitutionnels » entendaient faire revivre l’église Gallicane.
Leurs débats ont représenté un sursaut moral et politique pour retrouver la personnalité et l’identité française du catholicisme après les remous révolutionnaires. Depuis 1789, crises et conflits initiés par la promulgation de la Constitution civile du clergé avaient déchiré le peuple de France. En août 1790, celle-ci avait été soumise au roi qui, l’ayant acceptée, attendait vainement la réponse du Pape Pie VI.
Du 29 mai au 12 juillet 1790, l’Assemblée nationale constituante a voté cette Constitution d’inspiration gallicane, présentée par Grégoire (1750-1831), Camus (1740-1804) et Treilhard (1742-1810).
Une mutation structurelle s’imposait : désormais les archevêques, les évêques et les curés doivent être élus par les citoyens, l’investiture canonique était donnée aux prêtres par l’évêque, aux évêques par l’archevêque, le pape étant seulement avisé de l’élection. Avant d’entrer en fonction, tous devaient prêter serment de fidélité à la Nation, au Roi et à la Constitution, selon les directives imposées le 24 août 1790, sous peine d’être hors la loi et donc démis des charges et fonctions reconnues et salariées par l’État. Le 10 mars 1791, le Pape Pie VI fera connaître officiellement son refus au roi Louis XVI par un « bref », s’élevant contre la confiscation des biens de l’église et l’abolition des vœux qui donnaient le sens à la vie religieuse, les constitutionnels supprimaient radicalement ces « atteintes à la liberté individuelle ».
Il s’agissait d’une divergence culturelle et politique avant toute considération théologique. Depuis le concordat de Bologne (1515), les nominations d’évêques et d’abbés relevaient de l’autorité royale en premier lieu. Tandis que les philosophies des Lumières privilégiaient des formes administratives rationnelles et fonctionnelles, les prescriptions et appartenances religieuses étaient considérées comme individuelles et privées, en particulier en ce qui concernait le mariage dont les prêtres avaient le monopole pour en déclarer la validité et la permanence. Les Droits de l’homme et du citoyen l’emportaient sur la loi de Dieu et son service. La Constitution civile du clergé faisait de l’église un rouage de l’administration de la vie nationale, une telle institution ne pouvant dépendre de quelque autorité étrangère, telle que celle du Pape de Rome. Liberté et égalité prenaient alors le contrepied du patrimoine moral de la chrétienté.¹ Mais demeure la question permanente : comment concilier l’identité chrétienne du sacerdoce selon le Concile de Trente et les modes d’organisation de la société préconisés par la rationalité révolutionnaire des Lumières ? La volonté politique à ce sujet aura recours à une répression policière : la « police des cultes ».
Depuis les décrets de 1791, tout prêtre n’ayant pas fait publiquement le serment de servir le nouveau pouvoir selon la Constitution devait être déchargé de toute responsabilité et être arrêté. Ceux qui n’ont pas émigré et qui assurent un ministère clandestin sont poursuivis et condamnés, ils entrent de ce fait en conflit ouvert avec les « constitutionnels », curés ou évêques officiels. Beaucoup seront victimes des opérations radicales de la Terreur en 1793-1894.
L’abbé Grégoire² fut l’un des premiers prêtres-députés à prêter serment, dès le 27 décembre 1790. En février 1791, il est élu évêque constitutionnel de Blois (Loir-et-Cher). Le 13 mars 1791, il est sacré par trois évêques : Gobel (Paris), Massieu (Oise) et Aubry (Meuse).
Gobel, ordonné par des évêques constitutionnels dont l’ancien évêque d’Autun Talleyrand, fut l’évêque de Paris. Grégoire, lui est particulièrement soucieux de sauver l’église gallicane dans ces naufrages institutionnels. Selon les « quatre articles » formulés par Bossuet approuvés par l’Assemblée du clergé de France en 1682, elle limitait le rôle du Pape par rapport aux pouvoirs du roi, des évêques et des conciles, ce ministère essentiellement spirituel du Pontife romain devenait un symbole d’appartenance, de fidélité doctrinale et de communion collégiale. Le Concile de Trente ne remettra pas en question le mode de désignation des évêques et des abbés par les pouvoirs politiques.
Élu à la Convention, Grégoire siège en portant calotte épiscopale, croix pectorale et bas violets, mais il doit faire face à la tempête de déchristianisation. Le 7 novembre 1793, Gobel qui, comme archevêque conventionnel l’avait sacré évêque de Blois, vient solennellement se démettre de la prêtrise : il dépose sa mitre, sa croix et son anneau entre les mains du président et se coiffe du bonnet rouge. Alors Grégoire lui lance, indigné : « Infâme, tu renies ton Dieu ! » Ensuite, invité à l’imiter, l’évêque de Blois refuse hautement : « Catholique par conviction et par sentiment, prêtre par choix, j’ai été délégué par le peuple pour être évêque, mais ce n’est ni de lui, ni de vous que je tiens ma mission. J’ai consenti à porter le fardeau de l’épiscopat dans le temps où il était entouré d’épines ; on m’a tourmenté pour l’accepter ; on me tourmente aujourd’hui pour me forcer à une abdication qu’on ne m’arrachera pas.
Agissant d’après les principes sacrés qui me sont chers, et que je vous défie de me ravir, j‘ai tâché de faire du bien dans mon diocèse ; je reste évêque pour en faire encore. J’invoque la liberté des cultes. »
L’église gallicane, comme l’église des insermentés réfractaires, a souffert sous le régime de la Terreur. Les prêtres constitutionnels ne sont plus payés par l’État. En avril 1794, la Convention a décidé de ne plus payer le salaire des prêtres conventionnels et, en septembre, la première séparation de l’église et de l’État ouvre la voie à une campagne de déchristianisation. Grégoire réplique par un vif et fort discours sur la liberté des cultes, soulignant qu’une République forte et consensuelle repose sur la base d’une réelle neutralité religieuse.
Au premier octobre 1793, il y avait en France 85 évêques constitutionnels ; en avril 1795 il y a eu dix décès dont 6 évêques guillotinés, 23 ont abdiqué dont 6 se sont mariés, 2 ont quitté toute fonction ministérielle, 24 sont emprisonnés sous la Terreur ; en 1795 une quarantaine de sièges épiscopaux sur 83 sont vacants. « C’est dans ce climat d’insécurité matérielle et politique que les membres de l’église gallicane continuent de se chercher une identité, de se compter avant d’envisager toute réorganisation sérieuse. Jusqu’en 1797, Grégoire se démène pour savoir où est passé tel évêque, quelle est la situation canonique (abdicataire ou refusant de reprendre ses fonctions…) de tel autre ?… Les postes qui marchent mal, les lettres qui se croisent ou se perdent, la censure à l’égard d’une personnalité (Grégoire invite plusieurs fois à la prudence ses correspondants) n’arrangent rien. »³ Par ailleurs les difficultés économiques des uns et des autres ne permettent pas les déplacements qui favoriseraient des rencontres et l’harmonisation des actions pastorales.
C’est dans ce cadre difficile de relations entre les évêques assermentés comme entre les prêtres constitutionnels eux-mêmes que, sous l’impulsion de Grégoire quatre évêques députés au Conseil des Cinq-Cents fondent en novembre 1794 le groupe des évêques-réunis à Paris. Ils publieront les Annales de la Religion. Celles-ci répondent à l’attente de 1 500 prêtres constitutionnels. Ils se donnaient pour mission de régénérer l’église de France : « Dans l’état de confusion auquel l’église gallicane est réduite, plus encore par la défection ou le défaut de zèle d’une partie de ses Ministres, que par les persécutions des soi-disant philosophes, on ne peut que remercier Dieu d’avoir inspiré à des Évêques, que les circonstances retiennent à Paris, de conférer ensemble sur les maux qui nous affligent, et sur les moyens d’y remédier. » affirment les quatre évêques dans leur premier message.⁴
Parmi les malaises éprouvés par le clergé conventionnel il y a d’abord le silence du Pape qui a laissé s’installer une incertitude quant à la Constitution civile du clergé. Pie VI s’en expliquera plus tard : il ne voulait pas provoquer de schismes entre prêtres et entendait laisser le roi, qui assurait les nominations épiscopales selon le concordat de Bologne, remplir sa fonction. Lorsque fut imposé le serment de fidélité politique en 1790, la rupture fut amorcée et devait faire éclater la tradition gallicane. Les évêques lors du Concile préciseront combien ils sont attachés aux principes hiérarchiques définis depuis deux siècles : « Nous reconnaissons avec le Concile de Trente que dans l’église catholique, il y a de droit divin une hiérarchie, formée des Évêques, des Prêtres et des Ministres et que les Évêques sont supérieurs aux Prêtres. Nous condamnons expressément le presbytérianisme ». Mais, nous le vérifions, il n’est pas question de l’évêque de Rome. Le Pape oublié déclarera invalide le concile de Paris en 1797 et laissera les évêques-réunis prendre la relève pastorale des diocèses répartis selon les nouveaux territoires de la République.
Régulièrement, le lendemain de leur consécration, les évêques constitutionnels élus par le peuple, enverront au Pontife romain une lettre exprimant leur communion. Elle restera toujours sans réponse, laissant ces pasteurs assermentés dans une situation instable, en proie aux influences révolutionnaires qui délitaient toutes leurs actions pastorales. Évêques et prêtres constitutionnels prennent alors leurs fonctions dans une atmosphère de violence symbolique ou même physique, certains quoique assermentés seront emprisonnés lors de la Terreur, tandis que le clergé réfractaire s’est organisé clandestinement avec des vicaires généraux et des curés qui célébraient messes et confirmations dans une concurrence souvent agressive à leur égard. Les populations de fidèles étaient elles-mêmes prises au croisement de ces conflits politiques et institutionnels. Mais faute de hiérarchie nationale constituée, les uns et les autres s’estimaient abandonnés. On parlait même d’églises « veuves » quand l’évêque d’avant 1790 avait émigré ou si l’évêque constitutionnel quittait spontanément sa mission pastorale. Le tissu ecclésial devenait inconsistant et éprouvant.
Les fidèles eux-mêmes refusaient leur confiance à ces pasteurs incertains. Nous pouvons comprendre combien le message de Grégoire et des évêques-réunis devait offrir quelque espérance de trouver une unité et une stabilité dans une reprise de l’église gallicane.
Malgré le silence de l’évêque de Rome qu’ils inviteront au Concile de Paris par une lettre du 15 août 1797, ils lui écrivent : « Plût à Dieu que votre âge et les grandes affaires qui vous occupent vous permissent d’honorer de votre présence notre concile et de vous trouver à nos saints travaux pour en être l’âme et le modérateur. Ciel ! De quelle joie se sentiraient pénétrés tous nos cœurs à la vue du père le plus vénéré et le plus aimé ! »
Sur le plan doctrinal ces évêques sont marqués par les écrits généralisés des philosophes des Lumières. Grégoire lui-même avoue avoir été tenté par l’athéisme de la raison avant de retrouver son patrimoine de foi ecclésiale. Ils entendent comme beaucoup d’autres croyants de ces temps réconcilier la théologie héritée du Concile de Trente et la philosophie révolutionnaire fondée sur le changement du système politique et sur l’organisation démocratique de la société.
Nous avons déjà souligné la portée culturelle de cette révolution en peine de valeurs désormais seulement inspirées d’un rationalisme égalitaire et de l’individualisme d’une liberté populaire. Aussi nous voyons ces évêques constitutionnels fortement préoccupés d’une catéchèse régulière par la prédication dominicale et d’une éducation de parents et d’enfants dépourvus de connaissances élémentaires pour la foi catholique. En ce sens, il faut reconnaître que la pastorale liturgique, l’éducation des jeunes générations de parents et d’enfants, la famille sont l’âme de leur ministère. Ils valoriseront fortement la reprise des confirmations dans l’église locale et assureront ainsi la tradition sacramentelle de leur église diocésaine.
Les autorités publiques désormais refusaient à l’église constitutionnelle les soutiens financiers naguère promis. La séparation de l’église et de l’État depuis septembre 1794 justifie en droit que « la République française ne paie plus les frais ni les salaires d’aucun culte ». Les prêtres constitutionnels sont réduits à la pauvreté. Lors de la déchristianisation de l’an II, ils seront même poursuivis, et certains évêques guillotinés selon les mêmes critères que les autres victimes de la Terreur. Grégoire a dû se cacher, surtout après 1793, Le Coz, archevêque constitutionnel de Rennes est enfermé durant deux ans dans la prison du Mont saint Michel. En décembre 1794, Grégoire en réaction contre la prescription d’instituer des fêtes décadaires pour casser le modèle du judaïsme et du christianisme, a prononcé son long discours sur la liberté de tous les cultes qui fait référence. Il y démontre qu’une République forte et unie ne peut s’imposer que sur la base d’une réelle neutralité religieuse.
Les autorités du Directoire manifestent un mépris radical pour ce qu’il reste de la référence catholique dans la communauté culturelle française, et ainsi provoquent une agressivité qui trouvera son expression violente particulière dans les régions de l’Ouest : les guerres de Vendée. Par ailleurs, elles tentent de substituer à la foi catholique une « théophilantropie » idéologique qui occupe aux meilleures heures des églises désormais ouvertes à toutes les fins.
Tel semble le paysage politique, culturel et religieux dans lequel le groupe fragile des « évêques-réunis » lance ses « lettres synodiques » pour proposer qu’au nom de l’église gallicane, les catholiques de France, la foi chrétienne et le corps ecclésial retrouvent la vocation française d’un catholicisme pauvre en termes évangéliques, mais politique en termes républicains. Il s’agit d’institutionnaliser les parties éparses d’une église gallicane et de lui donner une identité sociale par rapport à la Papauté et devant l’État, de lui permettre une nouvelle actualité dans une République elle-même insécurisée.
Le projet était audacieux et beaucoup l’estimaient utopique. Seul le contexte d’instabilité et d’anarchie des valeurs pouvait susciter ce besoin de retrouver une perspective héritée de Trente et en même temps adaptée à un modèle républicain de la vie en société. Tant Grégoire que Le Coz ont porté cette ambition d’allier tradition et innovation comme nous le lisons dans les canons et les « lettres synodiques » publiées ici.
L’issue en 1801 ayant été la reprise en mains de l’église catholique par Bonaparte et Pie VII, le Concile, tant dans sa mise en œuvre que dans son autorité, a été considéré par les historiens⁵ comme un non-évènement. Bernard Plongeron souligne cette absence d’intérêt général, en rappelant la fragilité des appuis de leur espérance : « Face aux sérieux obstacles économiques (bien des évêques incapables d’assumer les frais de voyage à Paris dépêcheront un procureur) et politiques (le Directoire n’a toléré ce rassemblement qu’avec le ferme espoir qu’on y déciderait la réintégration des prêtres mariés), cela tenait de l’exploit : 31 évêques, 70 prêtres délégués par leur « presbytère »⁶ et 6 théologiens étaient réunis à Notre-Dame de Paris, le 15 août 1797, pour proclamer la foi, les dogmes et la morale chrétienne selon la doctrine du Concile de Trente (42 références dans les 8 décrets généraux). Il s’agit aussi d’arrêter définitivement l’organisation hiérarchique et le fonctionnement ecclésial de l’église gallicane. »
L’enjeu de cette « utopie » est donc celui d’une survie de l’église de France dans le combat culturel et politique de la modernité, telle qu’elle a été pensée deux siècles plus tôt. Et c’est pourquoi les textes et documents issus de ce concile de Paris sont l’expression d’une mutation culturelle et sociale dont l’influence est permanente depuis la sortie de la pensée théologique de l’orbite médiévale. Les canons, décrets et lettres produits à Paris en 1797 ont des prolongements dans ce que nous connaissons encore comme malentendus avec la Tradition catholique. Dans les préconisations pastorales d’hier nous découvrons nos disputes autour de la théologie du Concile Vatican II et de la responsabilité des baptisés laïcs dans le quotidien de l’église. La mémoire des crises d’hier peut nous offrir un terreau pour nos audaces missionnaires d’aujourd’hui.
Gérard Defois
¹ La fraternité ne sera inscrite au fronton de la République qu’en 1848.
² G. Defois, Le pouvoir et la grâce, le prêtre du Concile de Trente à Vatican II, Éditions du Cerf, Paris 2013, pages 147-171 où est évoquée l’action de Grégoire pour rétablir la Tradition Gallicane.
³ Bernard Plongeron : L’église constitutionnelle [gallicane] à l’épreuve du Directoire : réorganisation, liberté des cultes, papauté et Concile national de 1797.
⁴ Mais nous remarquons un refus de dialogue qui sera exprimé lors du Concile de Paris : « – [L’église gallicane] n’admet au rang de ses pasteurs que ceux qui ont manifesté leur fidélité à la république et qui en ont donné la garantie prescrite par la loi. »
⁵ Je dois souligner néanmoins les travaux de Bernard Plongeron, déjà cité et l’étude très précise de Jeanne-Marie Tuffery-Andrieux : « Le concile national en 1797 et en 1801 à Paris, l’abbé Grégoire et l’utopie d’une église républicaine », éditeur Peter Lang.
⁶ Le mot d’aujourd’hui serait plutôt presbyterium, en latin cela veut dire l’ensemble des prêtres d’un diocèse réunis autour de l’évêque du lieu.
Évêques réunis à Paris
Les ÉVÊQUES, réunis à Paris,
À leurs frères les métropolitains de l’église Gallicane,
Salut en Notre Seigneur Jésus-Christ
Révérendissimes Évêques,
Chargés par le Concile national de mettre en ordre ses Canons et Décrets, nous vous les adressons pour nous conformer aux règles de la discipline ecclésiastique, suivant lesquelles c’est par votre intermédiaire qu’ils doivent parvenir aux églises suffragantes.
Ce recueil ne contient que les actes qui appartiennent proprement au Concile, dans lesquels c’est lui-même qui parle, et qu’il a proclamés dans ses séances solennelles. Un autre recueil, dont nous nous occuperons incessamment, présentera l’ensemble des travaux de cette sainte assemblée, et renfermera la lettre de convocation, les discours d’ouverture et de clôture, les rapports, comptes rendus et autres actes qui sont l’ouvrage de ses membres. Enfin, l’un de nous s’est chargé d’en écrire l’histoire.
Vous penserez comme nous, sans doute, Révérendissimes évêques, que les Canons, Décrets et règlements d’un Concile national, composé non seulement des
