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L’héritage: Souvenirs des années 1945-1995
L’héritage: Souvenirs des années 1945-1995
L’héritage: Souvenirs des années 1945-1995
Livre électronique178 pages2 heures

L’héritage: Souvenirs des années 1945-1995

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À propos de ce livre électronique

"L’héritage – Souvenirs des années 1945-1995" plonge dans les mémoires post-Seconde Guerre mondiale d’une femme qui relate avec émotion son enfance à la campagne alsacienne. Elle partage des anecdotes éclairantes sur son parcours d’adulte, évoluant dans une société en constante mutation. Au fil des pages, elle dévoile ses expériences, ses joies et ses peines, toutes façonnées par un passé révolu, mais jamais oublié. Son attachement indéfectible à la terre et à l’identité familiale, ancré au plus profond d’elle-même, témoigne de sa résilience inébranlable face aux épreuves.


À PROPOS DE L'AUTRICE

Marie-Rose Elie-Egermann s’inspire de son expérience personnelle pour transmettre aux jeunes générations un modèle de vie social et familial authentique.
LangueFrançais
ÉditeurLe Lys Bleu Éditions
Date de sortie10 juil. 2024
ISBN9791042231644
L’héritage: Souvenirs des années 1945-1995

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    Aperçu du livre

    L’héritage - Marie-Rose Elie-Egermann

    Note de l’auteure

    La résilience a guidé ma plume pour tracer une vie remplie de crépuscule et de lumière. Jacques Salomé n’a-t-il pas dit : Nous portons tous des cicatrices de nos blessures de vie… les épreuves, lorsque nous les surmontons, nous font toujours grandir.

    Le sentiment de la puissance de la filiation et de la postérité ancré en moi a préservé mes souvenirs, bribes d’une vie en Alsace après la Seconde Guerre mondiale. Au fond de moi, la pensée du poète : S’il y a une chose dont je me souviens, c’est que tout ce que j’ai oublié n’est jamais vraiment parti. Sur chaque sol qui m’a accueillie j’ai planté un arbre, à chaque fois l’arbre de vie qui est le mien, qui est celui de la famille.

    Fille de la campagne, j’ai hérité de la richesse de la nature, de son perpétuel renouveau et de l’exigence de la terre généreuse. La vie d’Andréa en est pétrie.

    Préambule

    À l’aube de l’automne de sa vie, une femme revient sur son sol natal à la recherche de ses racines.

    Mais le jardin du temps passé n’est plus et les fondations de la maison de son enfance sont scellées par le macadam.

    Les enfants qui jouent au ballon aperçoivent l’étrangère et la voient se pencher pour cueillir le myosotis à la lisière de la place goudronnée et du sentier qui monte vers l’église. Durant quelques instants, leurs regards la suivent : elle porte la fleur bleue à son visage puis la silhouette disparaît au détour du chemin qui mène au ruisseau.

    Andréa est à la recherche de l’endroit où les saules de la berge l’abritaient jadis des intrus, le retrouve puis s’y assied, la fleur du souvenir qui lui souffle « ne m’oublie pas » dans sa main frémissante.

    La source n’est pas tarie, le ru n’a pas achevé sa course vagabonde à travers les champs, il caresse toujours les galets qui paressent sur son lit de sable fin, la tourterelle comme autrefois roucoule dans son nid, le pivert frappe inlassablement l’écorce de l’arbre et le ragondin continue de se faufiler subrepticement entre les roseaux.

    Le souffle vibrant de l’air empreint d’odeurs minérales, âmes des pierres disparues, enveloppe Andréa qui achève apaisée son parcours. Et elle se souvient, se souvient d’images qui se chevauchent, se déplacent, se côtoient et s’emboîtent maintenant comme les pièces d’un puzzle. Ses souvenirs sont maintenant à portée de main et ses doigts les emprisonnent pour mieux retenir le temps jadis.

    Jadis… la brise, le vent, la tempête ont effeuillé des centaines de pages de vie. Pages blanches, pages noircies, pages en filigrane, carnets blancs, carnets roses, recueils de joies, de souffrances, de souvenances et d’oublis.

    Toutes ces pages sont accrochées à l’arbre de vie que la femme enracine définitivement dans la fertilité du sol familial. Avec l’espoir que de magnifiques bourgeons éclosent encore le printemps venu, s’épanouissent et mûrissent au fil des saisons, avec l’espoir que le pollen de chaque corolle reproduise le meilleur à l’infini.

    Itinéraire d’une enfant de la campagne

    Entre l’ombre et la lumière

    1

    L’école de la vie

    Une petite fille blonde serre dans ses bras un poupon en celluloïd. Elle admire ses yeux bleus aux cils dessinés, ses joues rebondies, ses lèvres douces et charnues, son corps potelé. Le premier cadeau dont elle se souvient. Cadeau de celui qui se tient en face d’elle, souriant. Habillé d’un uniforme aux boutons métalliques, ronds, scintillants, fascinants, il semble partager la joie de l’enfant. Mais ce regard étranger qui la fixe fait monter progressivement en elle une peur obscure. Cet homme paraît être un danger déguisé. Telle une flèche, elle traverse la cour de la ferme pour se réfugier dans un endroit familier et sécurisant : la cave aux voûtes légèrement suintantes où flotte une douce odeur de moisissure. Elle se recroqueville sur son matelas sans lâcher sa poupée, le souffle haletant. Son petit cœur bat à se rompre, ses oreilles bourdonnantes guettent le moindre bruit, ses prunelles affolées essaient de percer la semi-obscurité qui court sur les marches de l’escalier. Durant un long moment, elle reste ainsi sur le qui-vive, puis demeure prostrée. Des voix tonitruantes à l’accent rauque, mêlées au bruit des bottes et des sabots de chevaux, sortent la petite fille de sa torpeur. Elle distingue la voix familière de ses parents parmi tout ce tohu-bohu. La fillette étant rassurée, son petit corps se détend pour s’arrondir en position assise, ses minuscules jambes engourdies se déplient lentement, puis prudemment, s’aventurent jusqu’à la porte entrouverte. Ses yeux écarquillés captent des images indélébiles : des géants bottés poussent des chevaux vers la sortie de la cour avec une vivacité brutale, suivis par une espèce de bolide pétaradant où s’agitent des formes vociférantes. Une énorme masse sombre se met enfin en branle, accompagnée par le cliquetis métallique de ses entrailles.

    Andréa comprendra, beaucoup plus tard, avoir assisté à une scène de la débâcle de l’armée allemande : la levée du cantonnement, le départ des soldats ennemis de la ferme pour rejoindre les rives du Rhin, accompagnés de quelques officiers de la cavalerie, suivis par la cantine militaire et la cuisine roulante de campagne.

    ***

    L’armée allemande, la guerre…

    Un vrombissement sourd pénètre les nuages, enfle la voûte céleste, inonde l’atmosphère. Le tocsin du village au timbre perçant monte crescendo.

    Les parents hurlent :

    — Les avions allemands ! Vite à la cave !

    La cave creusée dans la terre nourricière est devenue l’ancre de salut. La famille reste dans une attente insoutenable ; ils sont blottis les uns contre les autres tremblants ou tétanisés. Puis, un murmure s’élève lentement, une prière au Dieu tout-puissant. Progressivement, la terreur de la petite fille se trouve adoucie et elle arrive à ouvrir ses paupières soudées par la peur. Les parents, yeux clos, mains jointes, visages graves continuent à invoquer le Sauveur.

    L’enfant se laisse bercer par la mélopée. Enfin, le silence, le silence précaire des murs ourlés de mousse blanchâtre qui s’effiloche sous la tonalité de la sirène annonciatrice de la fin de l’alerte.

    Dans la nuit, le ciel sanguinolent reste embrasé par les lueurs meurtrières de l’explosion des bombes dans un village voisin.

    ***

    Après moult alertes, la vie semble devoir reprendre son cours. Un matin de printemps, après des jours et des nuits de mortelles angoisses et privations, Andréa voit tomber du ciel couleur azur, au gré du souffle tiède de l’air, une myriade de lamelles argentées libérées par un avion allié qui veut dérouter l’ennemi. Ravie, elle ouvre ses petites mains, qui cherchent à saisir ces trésors inattendus et capricieux. Elle court, s’arrête, saute, repart à droite, à gauche, en avant, en arrière… Quelques papillons scintillants se laissent prendre au piège de l’innocence. Ils vont rejoindre dans une boîte secrète des fragments de mosaïque aux couleurs nacrées, vestiges d’un proche passé encore présent. Les vitraux de l’église du village, ébranlés par la violence des bombardiers allemands, se sont brisés en mille morceaux. Le sol du jardin en est jonché, tapis d’ombre et de lumière qui accroche la curiosité de l’enfant. Minutieusement, elle choisit et rassemble ce qu’elle considère être ses pierres précieuses. Le sinistre s’est mué en bonheur sous la magie du soleil printanier et d’un regard limpide.

    Magique aussi, la première vision de ce fruit inconnu à la couleur chatoyante, au parfum à nul autre pareil. La petite fille tend la main. Le contact délicieusement granuleux de l’agrume lui donne envie d’y mordre comme dans une pomme appétissante. Le goût de la première orange est amer jusqu’à ce qu’elle découvre qu’il faut la peler. Alors, elle se goinfre des quartiers de fruit succulents et odorants dont la saveur lui est restée. Tout comme lui est resté le goût du sucre et du chocolat dont elle est privée. Mais un jour elle déniche dans la maison natale, dans un coin obscur du palier, la boîte renfermant les douceurs rares. À compter de ce moment-là, elle déjoue régulièrement la vigilance maternelle. Pareille à un petit animal rusé et affamé, elle s’approprie des portions indues. Mais l’autorité parentale retrouve tous ses droits quand force est faite à l’enfant d’avouer son forfait !

    ***

    Andréa a quatre ans et c’est la fin de la guerre. Les troupes américaines font une entrée triomphale au village. Les habitants et la fanfare saluent les héros. Gagnée par l’euphorie collective, elle se voit, vêtue du costume local, agiter frénétiquement le fanion national associé aux couleurs américaines. Rires et chants s’entrelacent aux accents des vainqueurs parfumés d’orange et de menthe, jusqu’à plus ni soif ni faim.

    Le village revit après quatre années d’agonie.

    ***

    Une paire d’années sépare Andréa de la libération de la France par les Forces alliées. Ses cheveux sont toujours blonds et sa frimousse pouponne, mais elle a grandi. Elle fréquente maintenant l’école communale à classes uniques, tout comme ses deux sœurs aînées. L’apprentissage de la langue française est laborieux, car elles ne connaissent que le dialecte, le « parler français » étant proscrit durant l’occupation allemande. Les souvenirs de sa première année de scolarité sont pénibles. Andréa garde, au tréfonds de sa mémoire, les traces de la baguette de la religieuse. Celle-ci ne lésine ni sur la quantité ni sur la qualité des coups portés. « Pour le plus grand bien de l’écolière », dit-elle aux parents.

    — Toi, au tableau !

    D’un geste redoutable, la soi-disant sainte femme fait courir son bâton vindicatif sur d’épaisses lettres diaboliques qui affolent l’esprit. Malgré la bonne volonté d’Andréa, la séance de lecture s’achève en séance de torture dont elle sort l’âme et le corps meurtris. Le corps essentiellement : ses mollets sont rompus par la force rigide de la punition. « Punition bien méritée » ne se prive pas d’ajouter la tortionnaire.

    Les jambes de la petite fille semblent être, par ailleurs, un lieu de prédilection pour la souffrance. Ainsi, les morsures de la laine rêche des bas imposés, aussi bien par la rigueur du climat que par celle de sa mère, ne cessent de la tourmenter.

    Tourment, aussi, que celui de la messe matinale qui ponctue ses réveils d’une sourde

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