Quel est l'homme qui désire voir des jours heureux ?: Commentaires de la Règle de Saint Benoît
Par Denis Huerre et Luc Cornuault
()
À propos de ce livre électronique
Huerre a offert chaque matin à ses frères. Initialement publiés dans la revue Écoute, ces enseignements, au-delà
de la communauté de la Pierre-qui-Vire, ont rejoint les laïcs qui avaient choisi la spiritualité bénédictine pour progresser sur leur chemin de Chrétiens. Ainsi, les commentaires du prologue et des soixante-treize chapitres de la règle sont autant de méditations que de conseils spirituels et pratiques, voire de paternelles recommandations, pour recueillir les fruits d’une sagesse qui fait ses preuves depuis 1500 ans. À qui s’exerce à construire ses relations familiales et sociales conformément à l’Évangile, ainsi que son rapport aux biens matériels, et même à son propre corps, ce recueil est particulièrement destiné.
À PROPOS DES AUTEURS
Entré à l’abbaye de la Pierre-qui-Vire en 1945, le Père Denis Huerre (1915-2016) a d’emblée mis au service de sa communauté une particulière maturité humaine et spirituelle, fruit de son éducation chrétienne et de son expérience d’officier durant la guerre. C’est ainsi qu’il est élu abbé en 1952. Il laisse sa charge en 1978, puis en 1980 est élu abbé président de la congrégation bénédictine de Subiaco. Il reprendra sa place en communauté comme un frère parmi d’autres en 1988, et jusqu’à son dernier jour il sera fidèle à ses taches en communauté et au chœur conformément à ce qu’il avait enseigné durant son abbatiat.
Luc Cornuault est abbé de la Pierre-qui-Vire.
Lié à Quel est l'homme qui désire voir des jours heureux ?
Livres électroniques liés
La Pratique de la Présence de Dieu: Comprenant les Entretiens, les Maximes Spirituelles et les Lettres (Format pour une lecture confortable) Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Grands Exploits - 17 Mettant en vedette - Andrew Murray dans les deux Pactes; une vie chrétienne..: plus profonde ; Vie de prière; Avec le Christ à l'école de la prière et de l'abandon absolu en un seul endroit pour de plus grands exploits en Dieu ! - Vous êtes né pour cela - Guérison, délivrance et restauration - Série d'équipement Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUn cheminement spirituel vers l'intérieur Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes Commencements et les Progrès de la Vraie Piété Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPasseport pour une louange en Esprit et en Vérité: « Je te bâtirai une Maison » Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation52 Simples Discours: Le culte du dimanche Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Notre Père Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationEn ta parole, veiller et prier: Homélies de l'Avent et du temps de Noël Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMontée -Leçon 38 L'Ancien et le Nouveau Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMoyen court et très-facile de faire oraison: Ambula coràm me & esto perfectus Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationExplication Pratique de la Première Épître de Jean Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationCommentaire sur l'Épître aux Colossiens Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationInstitution de la Religion Chrétienne Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Sainte Bible: Louis Segond 1910 (L'Ancien et le Nouveau Testament) Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Conseils à un moine rancunier Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationGrands Exploits - 14 (2-3) MYSTÉRIEUX SECRETS et Stratégies DE LE ROYAUME obscur sur 7 continents: avec des contre-mesures déployables sur le lieu de la prière et des actions prophétiques - Vous êtes né pour cela - Guérison, délivrance et restauration - Série d'équipement Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationEt si on comprenait LA MESSE Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPrier 15 jours avec Madeleine Delbrêl: Un livre pratique et accessible Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Toute Première Bible Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation100 éclats de lumière: Commentaires de la Règle de saint Benoît Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'œuvre de Jésus-Christ: Format pour une lecture confortable Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationExplication du Psaume 51 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSermons - Tome 2: ... et l'homme a reçu l'Esprit pour le temps de Carême et de Pâques Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMaurice Zundel - Oeuvres complètes : Tome III: À la découverte de Dieu Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPrier 15 jours avec Marcel Légaut: Éveilleur spirituel Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes Adieux Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Magnificat: Commentaire Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPrières ET Guérison Évaluation : 2 sur 5 étoiles2/5Les images chrétiennes : Textes historiques sur les images chrétiennes de Constantin le Grand jusqu'à la période posticonoclaste (313-900) Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes Benedictions de la Grace de Dieu Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Christianisme pour vous
Les véritables secrets des psaumes Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Prières Puissantes Contre Les Activités De Satan: Prières De Minuit Pour Vaincre Totalement Les Attaques Sataniques Évaluation : 3 sur 5 étoiles3/5Le Pouvoir De La Priere De Minuit Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5La Toute Première Bible Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes 12 types d'onctions repandues par Jacob Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Témoins de Jéhovah et Franc-Maçonnerie : l'enquête vérité: Inclus : l'histoire du nom Jéhovah Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMari de nuit femme de nuit: Un phenomene spirituel, aux consequences effectives Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Le Sorcier Va Mourir Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les étapes menant à la Présence de Dieu Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Acceder & Dominer Dans le Monde Spirituel: Volume 1, #1 Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Illuminati-Les illuminés Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5950 Prières Qui Libèrent De L'Esprit Des Bénédictions Différées Et Retenues Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Appelez à l'Existence: Prières et Déclarations Prophétiques pour transformer votre vie Évaluation : 3 sur 5 étoiles3/5Le Livre d'Hénoch: Un livre apocryphe de l'Ancien Testament attribué à Hénoch, arrière-grand-père de Noé Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Ma fille, tu peux y arriver Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Manuel de mémorisation de la Bible Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Votre Identité en Christ Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationComment analyser les gens : Introduction à l’analyse du langage corporel et les types de personnalité. Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationCommandez Le Jour: Prières Matinales Puissantes Qui Prennent En Charge La Journée: 30 Dévotions Quotidiennes Évaluation : 3 sur 5 étoiles3/5Prière Efficace: Chrétien Vie Série, #2 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationComment prier Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5L'exorcisme et la possession démoniaque Évaluation : 2 sur 5 étoiles2/5Le Mariage Modèle Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Jouir du Choix de ton Conjoint: Dieu, le Sexe et Toi, #2 Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Le Chemin de la Prière Victorieuse: Prier Avec Puissance, #1 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLoyauté et déloyauté Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5
Avis sur Quel est l'homme qui désire voir des jours heureux ?
0 notation0 avis
Aperçu du livre
Quel est l'homme qui désire voir des jours heureux ? - Denis Huerre
Préface aux commentaires de la Règle de saint Benoît par le P. Denis Huerre
Il n’est pas rare dans nos échanges entre frères que l’un d’entre nous cite une phrase du P. Denis, évoque un souvenir, ou une attitude qui l’a marqué. S’il est décédé il y a sept ans, la mémoire du P. Denis reste vive. Une sorte de tradition vivante de ce qu’il a été au milieu de nous se perpétue très naturellement et simplement. Sans emphase ni volonté de promouvoir un modèle… Plutôt comme le jaillissement d’une vie dont la trace reste présente pour nourrir notre propre chemin de moine à la suite de saint Benoît. Mais à côté de la trace vive dans les mémoires, nous avons aussi conservé une trace écrite non encore publiée : ses commentaires de la Règle de saint Benoît. C’est une source d’inspiration dans laquelle, pour ma part, j’aime à me plonger lorsque je fais mon propre commentaire, plusieurs fois par semaine. Quand parfois, je suis en panne, je me dis : « Tiens, je vais aller voir ce que le P. Denis disait ».
Durant son abbatiat de 1952 à 1978, le P. Denis a poursuivi la tradition, héritée des Pères Abbés Fulbert Gloriès et Placide de Roton, de commenter chaque jour la Règle de saint Benoît. Ce commentaire se faisait, soit après l’office de Prime, soit après l’office de Laudes au chapitre devant toute la communauté. L’enseignement du P. Denis traverse les périodes d’avant, pendant et après le concile. De manière étonnante, ces commentaires ne s’en font pratiquement jamais l’écho. De même, alors que cette époque voit le grand essor des recherches patristiques, notamment celles du P. Adalbert sur la Règle dont nous reproduisons ici la traduction, les allusions à ces travaux sont très rares. Comme se souvient un ancien : « le P. Denis avait une pensée très personnelle ». Une pensée qui invitait à une intériorité jamais déconnectée de la vérité et de la réalité. Le P. Denis était porteur de convictions bien ancrées qui traversent l’ensemble des commentaires ici publiés. J’en retiens quelques-unes.
S’il parlait à des moines, à des religieux consacrés, il envisageait fondamentalement la vie monastique comme une vie chrétienne, partagée avec tous les baptisés. Il ramenait ainsi souvent les moines à leur identité première « d’enfants de Dieu » ou de « fils de Dieu ». J’en cite deux exemples : Saint Benoît considère la vocation monastique comme la réponse à un appel. Il s’agit non pas d’un appel entendu matériellement. Cela est plus profond, il s’agit de l’essence même de la vie monastique, comme de la vie chrétienne (RB Prol 14-20 Écoute 1956). La Règle n’est plus la lettre qui tue, en nous accusant de nos manquements, mais l’expression du Bon Plaisir divin, l’appel constant de l’Esprit Saint qui nous apprend à dire sans cesse « Père » ! Vivre nos vies d’hommes intégralement en fils de Dieu pour sa gloire. C’est pour être libres que le Christ nous a libérés. Passer de la lettre qui tue à l’esprit qui vivifie, de la crainte à l’amour, de la servitude à la glorieuse liberté des enfants de Dieu (RB Prol 1-7 Écoute 1964).
Son enseignement s’enracinait dans une vision trinitaire de Dieu, avec notamment une belle place donnée au Saint-Esprit : Détachement, non pas indifférence. Dieu n’a que faire d’un cœur indifférent. Détachement à cause de l’amour total, « jaloux », de Dieu. « Amore Christi ». Notre vie monastique, ce n’est pas telle vertu en particulier, ou toutes les vertus, c’est le Christ Jésus. « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » Vivre le Christ, c’est vivre la vie même du Dieu Trinité (RB Prol.1-7 Écoute 1957 ; voir encore RB 4, 44-78 Écoute 1970). L’obéissance a pour effet de rapprocher du Christ, d’unir à Lui, de réaliser l’identification, donc de nous rendre participants de la vie même de la Sainte Trinité en nous faisant vivre de la vie même du Fils, dans l’unité d’un même Amour, l’Esprit Saint (RB 5, 1-13 Écoute 1958 ; voir encore RB Prol 14-20 Écoute 1966 ; RB 42 Écoute 1969).
Pour des moines cénobites, chercher Dieu ne peut se faire qu’avec des frères. Le mot « frère », un mot important de la Règle, revient souvent dans la bouche du P. Denis. Le passage cité ci-après, qui évoque l’amitié, annonce un thème qui lui sera cher et qu’il développera plus tard. Nous sommes frères. Au monastère, il n’y a pas de « camarades » ; non pas que la vraie camaraderie ne soit quelque chose de grand, de beau, de fort, de généreux, nous l’avons tous expérimenté. Mais, entre nous, il y a beaucoup plus. C’est un même appel de Dieu, et une même consécration qui nous ont réunis et scellent les liens d’amitié qui nous unissent (RB 63, 10-19 Écoute 1963 ; voir encore RB 1, 1-5 Écoute 1962). Traiter Dieu en Dieu, traiter nos frères en fils de Dieu. Être auprès d’eux la Providence de Dieu. Cela suppose beaucoup d’abnégation de chacun, donc un grand amour pour Dieu, pour chacun de nos frères, pour la communauté. Être disponible « ad omnia » (…) Un frère se trouve-t-il en difficulté ? Me dire qu’il m’est confié par Dieu (RB 21,1-7 Écoute 1965).
Je conclus ce rapide relevé de quelques thèmes chers au P. Denis, par celui de la liberté. Un thème à travers lequel pouvait transparaître toute une expérience enracinée dans les années de captivité en Allemagne. Avoir soin de tout, et en même temps nous réjouir d’avoir peu ; s’il nous manque quelque chose, disons « tant mieux » : voilà qui favorise singulièrement la liberté d’âme (RB 31 Écoute 1961). Être adulte dans la vie chrétienne, c’est avoir acquis la vraie liberté dans l’offrande de sa vie à Dieu. L’amour ne s’exprime plus seulement en impulsions passagères, si généreuses soient-elles, mais dans la constance acquise par l’épreuve du temps, la fidélité quotidienne dans les petites choses… Devenir des adultes, c’est apprendre à vivre fortement notre vie d’enfants de Dieu (RB 30 Écoute 1963 ou encore RB 28, 1-8 Écoute 1957).
Les commentaires proposés ont d’abord fait l’objet d’une publication dans la feuille envoyée aux oblats, devenue ensuite la revue Écoute entre 1954 et 1970. Le frère Rouin Leblanc, alors responsable des oblats, en a été le principal artisan. Il reprenait le commentaire oral du P. Denis pour en offrir un extrait dont étaient ôtées les assertions plus concrètes ne concernant que la communauté. Ceci explique que certains commentaires retenus soient assez brefs. Le commentaire se faisait en suivant le découpage traditionnel qui permet de lire la Règle trois fois dans une année. La présente édition est le fruit d’un double travail de publication : celui fait pour les oblats et la revue Écoute, puis celui réalisé par Sr Marie-Madeleine Cabillic, trappistine de la Joie-Notre-Dame de Campénéac, dans le Morbihan, en 1995. Sr Marie-Madeleine a fait un choix dans l’ensemble des commentaires publiés dans Écoute, les a regroupés et ordonnés sous les têtes de chapitre de la Règle et en a fait une édition ronéotypée à usage privé et diffusé dans quelques monastères. Nous reprenons ici les choix de commentaires faits par Sr Marie-Madeleine, pour les présenter uniquement avec leur date de parution dans Écoute. Le tout est placé sous l’extrait de la Règle commenté le jour même. Dans la mesure où un même extrait de la Règle pouvait être lu et commenté trois fois dans l’année, le lecteur ne sera pas surpris de trouver sous un même chapitre, parfois deux ou trois commentaires pour une même année. Ce sont ainsi 1459 commentaires ou extraits qui sont ici offerts au lecteur. Comme le disait P. Denis, « on devient lentement chrétien ». Ces commentaires sont autant de petits cailloux blancs qui peuvent guider notre lente croissance chrétienne en devenir.
Biographie de P. Denis Huerre
Né le 17 août 1915 à Paris 10e, il vit dans une famille de cinq enfants dont le père tenait une officine de pharmacie. Sa scolarité achevée au lycée Louis-le-Grand, il accomplit une année d’études universitaires en histoire et géographie dont il gardera un fort sens de la mise en perspective historique, préalable de beaucoup de ses réflexions. Il fait deux années au séminaire d’Issy-les-Moulineaux. Avec le service militaire en octobre 1937, s’ouvre une longue période qui conduit le lieutenant qu’il était, des combats de 1940 à la captivité en Silésie. Là, il poursuit sa formation théologique au contact de camarades prisonniers qui donnaient un enseignement.
Peu après son retour des camps, il entre au monastère en septembre 1945 où il reçoit le nom de f. Denis. Assez vite, le P. Abbé lui demande d’écrire la vie du P. Muard qui sortira aux Presses Monastiques en vue du centenaire de la fondation de la Pierre-qui-Vire. Ordonné prêtre le 22 mai 1948, f. Denis fait sa profession solennelle le 17 octobre 1949. Un temps sacristain, puis maître des novices, il est élu Abbé de la communauté le 10 juin 1952, après la mort accidentelle du P. Abbé Placide. Avec sagesse, profondeur et ouverture, il aide ses frères à comprendre et à vivre les évolutions ainsi que les grandes questions qui marquent la société et l’Église des années 1960 et 1970.
Afin de permettre à la communauté de vivre une nouvelle étape, il démissionne de sa charge en 1978 pour une année de retraite à l’abbaye de Tamié. En 1980, il est élu Abbé Président de la Congrégation de Subiaco. Depuis Rome où il réside, il sillonne le monde à la rencontre de la soixantaine de monastères de la congrégation. Durant ces années de présidence il envoie à toutes les communautés, deux lettres par an, dans lesquelles il partage ses réflexions sur un aspect de la vie monastique, en lien avec le thème central de la « conversion ». Ces lettres seront publiées aux éditions de Bellefontaine, en 1989, sous le titre : Vers Dieu et vers les hommes. Un chemin de conversion. À la fin de son mandat, en 1988, il reprend avec joie une place de frère parmi ses frères de la Pierre-qui-Vire.
Lecteur assidu, toujours désireux de comprendre notre monde pour mieux devenir moine aujourd’hui, f. Denis a cherché Dieu avec fidélité. Homme de prière et homme de relation, soucieux de vérité et de simplicité, ses conseils pleins de justesse donnés à ses moines, gardent une actualité qui peut rejoindre la recherche de beaucoup.
Prologue
RB Prologue, 1-7
Écoute, ô mon fils, ces préceptes de ton maître et tends l’oreille de ton cœur. Cette instruction de ton père qui t’aime, reçois-la cordialement et mets-la en pratique effectivement. Ainsi tu reviendras, par ton obéissance laborieuse, à celui dont tu t’étais éloigné par ta désobéissance paresseuse. À toi donc, qui que tu sois, s’adresse à présent mon discours, à toi qui, abandonnant tes propres volontés pour servir le Christ, le roi véritable, prends les armes très puissantes et glorieuses de l’obéissance. Avant tout, quand tu commences à faire quelque bien, demande-lui très instamment, dans tes prières, de le conduire à sa perfection, afin que lui qui a daigné nous mettre au nombre de ses fils, n’ait jamais à s’attrister de nos mauvaises actions. En tout temps, en effet, il nous faut lui obéir au moyen des biens qu’il met en nous, de sorte que non seulement, père irrité, il ne vienne jamais à déshériter ses fils, mais aussi que, maître redoutable, courroucé de nos méfaits, il ne nous livre pas au châtiment perpétuel, comme des serviteurs détestables qui n’auraient pas voulu le suivre jusqu’à la gloire.
Écouter, être attentif, disponible à Dieu, ouvert, offert. Attitude toute de docilité à l’Esprit de Dieu qui parle sans cesse en nous. Docilité qui nous engage dans la voie du renoncement à notre volonté propre ; identification à l’obéissance de Jésus ; c’est lui qui, en nous, obéit à son Père et le glorifie. Ce programme, qui est celui de la sainteté, est à la fois très simple et dépasse infiniment nos forces. Nous ne saurions y prétendre livrés à nous-mêmes. Mais nous pouvons tout en celui qui nous fortifie. C’est pourquoi saint Benoît nous invite ici à adresser à Dieu une très instante prière, expression qui rejoint le « Priez sans cesse » de Notre-Seigneur. Et plus nous avançons dans la vie monastique, plus nous nous rendons compte que cela dépasse nos forces, et que nous avons besoin de prier sans cesse, Nous ne prions pas suffisamment, d’où nos découragements, nos « à quoi bon ? » de certaines heures. Prière et persévérance.
Écoute, 1965.
Écoute, Ô mon fils, ces préceptes de ton Maître. Que ces mots, entendus une nouvelle fois, soient pour notre joie, notre vraie joie spirituelle, donnée par la certitude que le Saint-Esprit nous conduira jusqu’à la perfection de notre vie de fils de Dieu.
Écoute, 1959.
Cette instruction. Quand nous abordons notre Règle, de même que quand nous prenons notre Évangile, nous entrons dans le monde de Dieu. Dieu nous y parle, nous y déclare sa grâce. C’est dans la communauté monastique que notre Règle prend toute sa signification et porte tous ses fruits. Entrer dans la vie monastique, dans la communauté, c’est entrer en Dieu. Entrer en Dieu, dans le monde de la bienveillance divine ; dans une vie qui nous est donnée par la bienveillance de Dieu. « Bienveillance », c’est ce mot qui est employé par saint Paul à propos de la naissance de Jésus. Le don de Dieu aux hommes. C’est la bienveillance divine qui nous a réunis ici et c’est en y pensant que nous avons à poursuivre notre vie monastique, pour la gloire de cette bienveillance divine. Nous ne pouvons en douter un instant. Sans elle, nous ne serions pas ici ; c’est en elle qu’il nous faut donc vivre. C’est ce à quoi saint Benoît nous invite lorsqu’il nous demande d’avoir un cœur de fils. La lecture de notre Règle, notre vie de chaque jour, c’est une conversation engagée et toujours reprise entre Dieu et ses fils. Notre vie ne sera réussie que s’il y a entre notre Père et nous une conversation aussi ininterrompue que possible.
Écoute, 1960.
Et mets-le en pratique effectivement. Nous reprenons la Règle, une fois de plus. Abordons-la avec la conviction que nous ne faisons que commencer... nous ne sommes que des débutants, qui ont tout à apprendre. Cette impression, il est bon de la ressentir. Elle est la marque de notre réel désir de chercher Dieu et de la présence de la grâce au fond de notre cœur. Par contre, il serait bien triste d’entreprendre cette nouvelle lecture sans le désir de nous y mettre vraiment. Aujourd’hui, entendons de nouveau l’appel à la sainteté. C’est un bon signe que de sentir son cœur épris de cet idéal. Il ne s’agit pas d’établir un programme d’héroïsme, car nous savons combien l’esprit est prompt et la chair faible. Il importe seulement de reprendre un point avec fidélité, en demandant humblement à Dieu sa grâce. Cette grâce ne peut nous manquer, puisque Dieu, une nouvelle fois, nous met entre les mains cette Règle pour apprendre à mieux vivre. Aimons notre Règle. C’est pour nous, moines, la voie qui conduit sûrement à Dieu.
Écoute, 1960.
Si seulement la lecture de la Règle pouvait nous donner plus d’amour pour saint Benoît et notre vie monastique ! Le prix de notre vie monastique. Pour la vivre, il n’est pas besoin d’être savant. Chacun peut arriver à la perfection de la vie monastique s’il lit la Règle avec foi, c’est-à-dire si, en en faisant sa nourriture, il la met en pratique. Ici, saint Benoît donne comme adjuvant les Saintes Écritures. Une telle mosaïque de textes ne plairait pas aujourd’hui, on préférerait plus de logique. C’est une bonne leçon pour nous. Saint Benoît qui cite par cœur l’Écriture et la donne comme livre au moine, l’utilise sous l’influence de l’Esprit-Saint. L’Esprit-Saint en est la clé. Le moine, fidèle à se pénétrer de la Parole et à en vivre devient de plus en plus perméable à l’Esprit de Dieu. C’est ainsi qu’il devient un homme de lumière. Aimons notre vie monastique, vie heureuse, car Dieu est présent.
Écoute, 1956.
Quel profit avons-nous tiré de la lecture précédente de notre Règle ? Elle doit pénétrer en nous par une sorte d’osmose, mais y apportons-nous notre collaboration personnelle ? Notre Règle, c’est l’Evangile présenté à des moines. Hier, saint Benoît nous disait que les moines sont des gens pressés de trouver Dieu : pour y arriver, nous avons notre Règle, que nous devons scruter, dont nous devons nous remplir, si nous voulons nous hâter vers la vie éternelle. Cela suppose l’attention à la Tradition monastique et donc l’attention à la Règle, entendue deux et trois fois par jour, méditée personnellement. Il nous reste beaucoup à découvrir dans notre Règle ; elle est la forme d’amour choisie par Dieu pour nous.
Écoute, 1956.
Nous reprenons une nouvelle fois la lecture de la Règle. Essayons en commençant de prendre quelque recul par rapport à notre idéal monastique, afin de rompre l’habitude et d’en percevoir à nouveau la grandeur. Une vie consacrée au Christ et qui forme le propos d’une parfaite obéissance à Dieu : c’est simple sans doute, mais aussi périlleux. Il faudrait que, parfois, nous ayons le vertige d’avoir embrassé cette vie : ce serait le signe que nous en mesurons l’enjeu et ce serait aussi un appel à nous tenir sans cesse auprès du Christ qui, seul, peut nous conduire au but.
Écoute, 1969.
Écoute, ô mon fils. Chaque matin, la communauté se rassemble autour du Père pour entendre la Parole de Dieu. Une même doctrine, reçue en commun, de la bouche de celui qui est le Christ dans le monastère, afin de courir tous ensemble au même but qui est Dieu : union à Dieu dans l’union de tous. Saint Benoît nous parle de Dieu et de nous-mêmes. Dieu nous cherche, nous appelle, nous poursuit, car Il nous a faits pour Lui. Notre démarche vers Lui n’est autre chose qu’un « retour ». Or, on retourne chez soi, dans la maison de son père, là où l’on habite. Notre demeure est auprès de Dieu. Ainsi Dieu l’a-t-il décidé éternellement. En contraste, saint Benoît nous montre Dieu « s’affligeant » de notre mauvaise conduite, Dieu « privant » ses fils de leur héritage, Dieu réprouvant éternellement ceux qui n’ont pas voulu répondre à son amour éternel... Tel est l’Amour de Dieu : si impérieux que de ne pas y répondre, c’est nier notre existence, nous précipiter dans le néant.
Dieu nous invite. Si nous répondons, nous devons nous détourner de la voie qui ne mène pas à Dieu, nous devons renoncer à tous les obstacles. Le seul obstacle qui résume tous les autres : la volonté propre. Notre vie, pour être selon Dieu, devra être une substitution de la volonté divine à notre volonté propre. Retourner à Dieu, ce sera s’exercer à l’obéissance : union de notre volonté à la volonté de Dieu, dans la foi, par amour, comme le Fils bien-aimé, par Lui, en Lui. Que tous les jours de cette année soient marqués du sceau de la volonté de Dieu. Dieu attend notre réponse.
Avant tout : la prière. L’œuvre à entreprendre n’est pas une œuvre humaine, mais une œuvre divine. Il s’agit de nous mettre sous l’emprise de Dieu, de le laisser répandre en nous sa vie divine. Cet échange est à base de prière : le primat de la prière dans notre vie de chercheurs de Dieu. Et maintenant, il s’agit de nous y mettre, d’être prêts à tout sacrifier de ce qui nous empêche d’arriver à la véritable union à Dieu.
Écoute, 1956.
Tends l’oreille de ton cœur. Tout recommence ce matin. Voici une nouvelle lecture de la Règle. Tout nous invite à nous réveiller. Nous ignorons ce que sera cette année. Dieu nous appelle à la foi, à l’espérance. Ce qui importe, ce n’est pas ce que sera demain, mais la réponse que Dieu nous demande aujourd’hui. Là se trouve le secret de la force et de la fidélité. Jésus nous a donné comme consigne d’attendre, d’être prêts à l’accueillir. Attente des serviteurs laborieux qui mettent à profit le moment présent, car c’est dans l’instant présent que le Seigneur apparaîtra dans sa gloire. Puissions-nous demeurer attentifs à la visite du Seigneur. Il est là et il frappe.
Écoute, 1970.
Écoute. La première section du Prologue est un appel adressé au singulier : Écoute, ô mon fils. La seconde section est tout entière au pluriel : levons-nous, écoutons, Écoutez. Ce changement de nombre peut être pris comme un symbole du développement de notre vie chrétienne : il y a un côté personnel, intérieur, entre Dieu et l’homme et rien ne peut remplacer cette relation essentielle. Il y a aussi un côté communautaire fait de charité, d’attention mutuelle, de recherche et d’écoute menées ensemble, et cette communion fraternelle est le lieu et le climat de l’intimité personnelle. Efforçons-nous de conserver cet équilibre, caractéristique de la vie en Église.
Écoute, 1967.
Écoute. Lorsque nous recommençons la lecture de la Règle, il est bon de se demander non pas ce que la précédente lecture nous a apporté (car c’est là quelque chose de difficile à préciser), mais quelle attention nous lui avons donnée. Pour cela comme pour le reste, l’accoutumance est à combattre : cette lecture quotidienne d’un texte que nous connaissons par cœur risque de perdre tout impact sur nous, si nous ne renouvelons pas notre disponibilité intérieure à la Parole de Dieu, laquelle veut nous atteindre par cette règle de vie. Que la lecture que nous commençons aujourd’hui soit entreprise avec un vrai désir spirituel. Comme dit saint Benoît lui-même au début de ce Prologue : « Écoute... incline l’oreille de ton cœur : recueille avec amour l’avertissement d’un père qui t’aime ».
Écoute, 1969.
Si tu veux. Voulons-nous, aujourd’hui, faire un pas en avant ? Dieu nous a donné cette journée pour cela. Voyons ce que nous pouvons faire aujourd’hui pour améliorer nos rapports avec Dieu. Première chose : la prière. Il n’y a pas suffisamment de prière. C’est le temps qui manque ? Non, la prière n’est pas une affaire de temps mais d’amour. Et quand on aime, on trouve toujours le temps. Nous n’y perdrons rien, au contraire. Dieu est fidèle.
Écoute, 1962.
Ta désobéissance paresseuse. Nous trouvons au début du Prologue le même mot que dans le dernier chapitre de la Règle : desidia, desidiosus : lâcheté, paresse. Saint Benoît souligne la réalité et le danger d’une certaine mollesse de vie, qui fait se dérober devant l’exigence évangélique. Non pas un parti-pris de mal faire, mais un manque d’attention, de courage, de loyauté du regard et de l’action. La Règle a précisément pour objet de nous remettre l’Évangile devant les yeux, de nous faire apprécier à nouveau le sérieux de la vie, l’enjeu de l’Évangile, en sorte que nous prenions fermement en mains « les fortes et glorieuses armes de l’obéissance » pour le service de Jésus. Une fois de plus, entreprenons la lecture de la Règle avec le désir de convertir vraiment notre vie, moyennant la grâce à laquelle dès ses premières lignes, le Prologue nous invite à nous fier.
Écoute, 1967.
Prends les armes très puissantes et glorieuses de l’obéissance. Nous avons entendu hier le rappel de l’importance de l’humilité, fondement de la vie du moine. Comme première conséquence : l’obéissance qui identifie notre volonté à la volonté de Dieu. Cette obéissance fera l’objet d’un combat quotidien, car la mesure du renoncement demandé au moine est celle de l’Amour qui demande ce renoncement. Dieu veut tout, parce qu’il est Dieu et qu’il est Amour. Nous voyons bien le terrain qui reste à défricher, pour que Dieu règne en maître : attachement à telle futilité ou facilité, à notre réputation personnelle... C’est tout ce qui n’est pas Dieu qu’il faut briser contre le Christ. Ne rien posséder, ne rien aimer, ne rien désirer, ne rien recevoir, ne rien solliciter, ne disposer de rien, même de son propre corps, qui ne soit la seule volonté de Dieu. Or Dieu ne veut pour nous rien d’autre que Lui-même. Pour atteindre l’humilité parfaite et l’obéissance, il faut aimer. Sans l’amour il ne peut y avoir que des contrefaçons de l’une et de l’autre. Détachement, non pas indifférence. Dieu n’a que faire d’un cœur indifférent. Détachement à cause de l’amour total, « jaloux », de Dieu. « Amore Christi ». Notre vie monastique, ce n’est pas telle vertu en particulier, ou toutes les vertus, c’est le Christ Jésus. « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » Vivre le Christ, c’est vivre la vie même du Dieu-Trinité.
Écoute, 1957.
Maître redoutable, courroucé de nos méfaits. Ces désignations terribles de Dieu correspondent à une attitude de l’homme : le pharisaïsme. À l’extérieur, en apparence, nous menons une vie en quête de sainteté, mais Dieu regarde notre cœur. Il s’inquiète de savoir si nous l’inclinons vers Lui avec persévérance, pour entendre les appels toujours nouveaux qu’Il nous adresse par sa Parole. Une telle attention est en fait notre bonheur, elle correspond au désir de Dieu, à la grâce que sans cesse Il nous renouvelle. Et plus nous lui donnons, plus nous comprenons que Dieu est d’abord le Pius Pater, le « Père qui aime ».
Écoute, 1967.
Saint Benoît est réaliste. Il nous met dans la vérité, en plein drame du péché. Nous avons à opérer un véritable retournement, à mener un combat, le combat du Christ. Saint Benoît s’adresse aux gens résolus, à ceux qui désirent s’engager à fond dans la lutte. Quelles sont les armes que nous emploierons ? Celles du Christ : les puissantes et glorieuses armes de l’obéissance. Obéir ? Qui donc voudra obéir ? « Mais au préalable... » Première condition pour obéir : désirer obéir, c’est-à-dire, désirer conformer notre volonté à une autre Volonté, par amour. Vie d’obéissance, autrement dit vie de charité. Charité : amour de Dieu, amour de nos frères, amour de tous les hommes. Ne former qu’un seul cœur « concordes ». L’obéissance chrétienne a l’amour comme fondement ; elle a comme signe la charité fraternelle. Il n’y a pas de véritable obéissance à Dieu si nous excluons de notre charité le moindre de nos frères. L’amour de Dieu, l’amour du Christ, ne laisse rien en dehors de Lui. Obéir, c’est aimer. Aimer, c’est livrer notre volonté à celle de l’être aimé. Notre cœur est tout entier pour Dieu et pour chacun de nos frères.
Écoute, 1958.
Les armes puissantes et glorieuses de l’obéissance. Le chrétien, le moine, est un soldat armé pour le combat. Armes puissantes et glorieuses. Quelles sont-elles ? En bref : l’obéissance, la glorieuse obéissance. L’obéissant est, en effet, invincible. Il peut sembler tout y perdre. Sa mort apparente est un triomphe, c’est la victoire même du Christ. Par l’obéissance, ce n’est plus moi qui combats, c’est le Christ, dont la victoire est acquise éternellement. Bonum oboedientiae : le bien de l’obéissance, le grand trésor du moine, dépendance filiale, intelligente et généreuse qui le branche directement sur l’obéissance victorieuse du Christ. À l’opposé, le seul mal à redouter et à fuir est l’indépendance, la volonté propre, l’asservissement à nos désirs, toutes les manifestations de cette fausse liberté des fils de ténèbres, qui nous désolidarise du Christ victorieux et de nos frères.
Autre image de notre vie chrétienne et monastique : une rencontre, une conversation. Toute la vie du moine, c’est cela. Écouter, répondre, être attentif, être oui à Dieu. À l’opposé, faire la sourde oreille. Attention à ces résistances à l’Esprit qui, conscientes et répétées, peuvent conduire à la surdité spirituelle. Tout alors, après être passé au crible de notre jugement propre, de notre « bon sens », devient sujet à la critique, pesant et insupportable : on en prend et on en laisse. Voilà alors le moine livré à lui-même, seul. Il n’y a plus de combat victorieux, parce qu’il n’y a plus de conversation, de rencontre dans la foi. Deux aspects complémentaires de notre vie de moines, de la vie de tout chrétien.
Écoute, 1965.
Le suivre jusqu’à la gloire. Nous avons là en substance le résumé de notre Règle monastique. Obéir à un règlement ? Non pas. Mais entrer dans l’Obéissance du Christ. Notre Règle unique, c’est Lui. En toutes circonstances, avec le secours de sa grâce, conformer notre vie à sa vie de Ressuscité, Le laisser vivre en nous. L’écouter, être attentifs, prêter l’oreille de notre cœur, Le suivre, L’accueillir. La Règle n’est plus la lettre qui tue en nous accusant de nos manquements, mais l’expression du bon plaisir divin, l’appel constant de l’Esprit-Saint qui nous apprend à dire sans cesse « Père » ! Vivre nos vies d’hommes intégralement en fils de Dieu pour sa gloire. C’est pour être libres que le Christ nous a libérés. Passer de la lettre qui tue à l’esprit qui vivifie, de la crainte à l’amour, de la servitude à la glorieuse liberté des enfants de Dieu.
Écoute, 1964.
RB Prologue, 8-13
Levons-nous donc enfin, puisque l’Écriture nous éveille en nous disant : « L’heure est venue de nous lever du sommeil », et les yeux ouverts à la lumière de Dieu, écoutons d’une oreille attentive ce que la voix divine nous remontre par ses appels quotidiens : « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs » ; et encore : « Qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux églises. » Et que dit-il ? « Venez, mes fils, écoutez-moi, je vous enseignerai la crainte du Seigneur. Courez, pendant que vous avez la lumière de la vie, de peur que les ténèbres de la mort ne vous atteignent. »
Levons-nous donc ! Cette démarche de tous les matins au réveil, saint Benoît nous invite à l’accomplir à tout instant. Le moine, le chrétien, est un veilleur. Pas d’heure réservée au farniente. Même à l’heure du repos et de la détente, son cœur est en état de veille. « Veillez et priez... vous ne savez ni le jour ni l’heure ». Veiller, écouter... cela demande une grande liberté d’âme par rapport à tout le reste. Même au plan simplement naturel, savoir écouter ne s’improvise pas. Cela demande une éducation. À plus forte raison pour entendre la parole de Dieu. C’est la condition indispensable pour cesser de vivre à la surface de nous-mêmes et parvenir à cette vie profonde à laquelle saint Benoît nous appelle. Là où Dieu habite, en nous-mêmes.
Écoute, 1965.
Puisque l’Écriture nous éveille. La Lumière du Monde. Son appel est gratuit, gratuit l’appel à la vie chrétienne, gratuit l’appel à la vie monastique. Gratuit chacun des appels dont notre vie est remplie. Le sens de la gratuité du don de Dieu, que Marie eut à la perfection, et que nous devons développer en nous. Don de Dieu qui demande une réponse de foi, celle-là même que nous avons donnée un jour, premier pas d’une marche à travers le désert qui nous sépare de la Jérusalem céleste. Pour cette marche dans la foi, nous avons besoin d’être enveloppés de l’aide maternelle de l’Eglise, et concrètement au monastère, de l’aide de nos frères, aide discrète et puissante faite avant tout de prière, de sacrifice et d’exemple. Ainsi pouvons-nous marcher la main dans la main et travailler à la gloire de Dieu, à l’avènement de son Règne.
« Courez pendant que vous avez la lumière ». Courir, ne pas nous arrêter en chemin, cela doit devenir un besoin d’amour. C’est Dieu qui nous appelle. L’Eglise compte sur nous.
Écoute, 1963.
L’heure est venue. Dieu, Amour, appelle tous les hommes à la vie. À chaque page de la Bible, nous lisons cet appel. Il est des passages qui l’expriment de façon plus absolue. Ainsi lorsque Jésus dit à Pierre : « Pierre, m’aimes-tu ? ». Cette invitation nous est adressée personnellement et nous donne à réfléchir. Nous savons combien cette phrase peut nous aider à répondre avec la conviction qu’on pourrait aimer davantage. Dieu nous demande aujourd’hui un progrès dans l’amour, dans l’oubli de nous-mêmes. A chacun d’y répondre au fond de son cœur, et à tous ensemble d’y répondre dans la prière et le travail.
Essayons aujourd’hui d’être plus près de Dieu.
Écoute, 1960.
L’heure est venue de nous lever du sommeil. Notre grand péché : l’inattention. Nous vivons à la surface de nous-mêmes, nous laissant capter par les apparences, au lieu d’être fascinés par la seule réalité, le Christ vivant, en moi, en mes frères. Sortir du sommeil. Ouvrir les yeux à la lumière qui divinise. « Aujourd’hui », si vous entendez sa voix. Dieu ne parle pas demain, ni hier. Mais aujourd’hui, dans l’instant présent. Avoir le courage de faire silence en nous afin de l’entendre, Lui. « Courez pendant que vous avez la lumière de la vie » : paroles que Jésus prononce à l’une des heures les plus solennelles de sa vie. A peine les a-t-il dites qu’il disparaît à leurs yeux, nous dit saint Jean (Ch. 12). Le saisir dans l’instant présent – ou plutôt nous laisser saisir par Lui, car tout-à-l’heure il aura disparu. Etre présents, c’est-à-dire moins distraits, plus éveillés, plus détachés, plus libres, moins « absents ». Saint Benoît, tout au long de la Règle, ne fera que nous rappeler cela : soyez des gens éveillés à qui rien n’échappe de la seule réalité : le Christ Jésus. Une vie centrée sur cela uniquement, et ainsi pleinement vécue pour Dieu, pour l’Eglise, pour nos frères.
Écoute, 1964.
L’Écriture nous éveille. Pour que l’Ecriture nous entraine et que nous puissions y lire l’appel que Dieu nous adresse, il faut la lire. Où en sommes-nous à ce sujet ? Pour cela comme pour le reste, il faut sans cesse recommencer. La lecture dont il s’agit pour l’instant est une lecture spirituelle, dans laquelle nous cherchons, au travers des textes concernant le Peuple d’Israël, à mieux comprendre notre vocation intime, notre rencontre avec Dieu. Nous pouvons nous aider de la lecture quotidienne des Écritures, telle que nous l’offre le nouveau lectionnaire de la messe de chaque jour, en cherchant à y déchiffrer le message que Dieu nous adresse hodie : aujourd’hui, écoutons sa Voix.
Écoute, 1967.
Sa voix. Quand Dieu veut attirer une âme, c’est toujours l’argument le plus intime qui se trouve le plus fort : l’amour. Dieu est là, qui m’appelle. De plus en plus nous disposer de façon à mieux entendre la voix de Dieu. Cela demande un effort personnel. Effort de notre volonté qui, si facilement, se fatigue, se relâche. Effort toujours dans notre vie de prière, pour maintenir le contact avec Dieu, le rechercher, Lui seul, à travers tout ; effort de fidélité à utiliser tous les secours mis par Dieu à notre disposition dans notre vie monastique : le père abbé, la vie commune et tout ce qu’elle comporte d’éléments capables de nous conduire à la liberté intérieure. Notre recherche de Dieu est affaire personnelle et collective à la fois. Que les chefs d’emploi y pensent : tout mieux faire pour Dieu.
Écoute, 1962.
La voix divine nous remontre par ses appels quotidiens. L’appel de Dieu. C’est Dieu qui nous appelle. Nous ne pouvons appeler Dieu que parce que Lui-même nous appelle. C’est Lui qui, le Premier, m’a aimé. Il m’a créé pour Lui : c’est son premier appel. Dieu me voit éternellement. Pour Dieu, regarder, c’est aimer, car Dieu est Amour. « Qui veut avoir une vie heureuse ? » Cet appel au bonheur, tous les hommes l’entendent. Il est inscrit dans leur nature, en dehors de toute Révélation. Mais la réponse ne se trouve que dans la Révélation. Dieu nous appelle à son bonheur, qui est sa propre vie. La vraie Vie, tel est le seul bonheur à la mesure du désir de l’homme. Comment répondre à cet appel au bonheur ? La première condition que nous indique saint Benoît est d’éviter les péchés qui nuisent à la charité, éviter tout péché de la langue, péché de la langue qui exprime un état d’âme, un manque d’amour. Notre vie d’union à Dieu, notre vie de bonheur ne peut s’épanouir que dans un climat de charité fraternelle. Charité fraternelle, silence, les deux choses sont intimement liées. Qui dit silence ne dit pas pour autant mutisme, tout au contraire, mais effort intérieur de silence, de vie sous le regard de Dieu.
Écoute, 1957.
Les yeux ouverts à la lumière de Dieu. On ne peut pas trop facilement opposer la connaissance des choses visibles à celle des invisibles. Les premières sont traces de Dieu et le manifestent à leur façon. Mais si nous sommes trop curieux des choses terrestres, nous ne pourrons nous intéresser aux choses de Dieu, nous resterons à la surface de nos existences. Le tempérament d’un chacun joue beaucoup en cela. On est naturellement plus ou moins porté à l’extériorisation. Faut-il pour autant mesurer le vrai recueillement, l’attention à Dieu à cette prédisposition ? Pas forcément. Qu’il s’agisse de nous-mêmes ou des autres, ne jugeons pas trop sur nos réussites ou sur l’extérieur. Un effort persévérant vers le vrai recueillement, qui se nourrit de prière et de sacrifice, constitue déjà l’essentiel du vrai recueillement. Quant aux autres, nous ignorons leurs difficultés, leurs combats et leurs mérites devant Dieu. Ne les jugeons pas. Mais aidons-nous à être plus attentifs à Dieu. Quels que soient nos tempéraments, nous avons à faire mieux.
Écoute, 1963.
Écoutons d’une oreille attentive. Avoir l’esprit attentif à la volonté du Seigneur. Dieu parle sans cesse ; si nous nous prêtions à sa voix, quels progrès ne ferions-nous pas ? Tout effort fait en ce sens nous introduit plus avant dans la vie filiale. Parfaite loyauté vis-à-vis des suggestions de l’Esprit-Saint. Aujourd’hui, sans attendre, dans l’instant présent. Spontanéité de l’âme attentive qui la met au diapason de Dieu en qui elle trouve la paix. Oubli de soi. Dès que nous recherchons nos intérêts personnels, nous nous trouvons à contretemps. Nos empressements, nos précipitations sont un manque de respect des temps de Dieu. Dieu a un temps pour parler, se taire, agir. Nous n’avons qu’à nous laisser faire par Lui. Etre, dans le présent, entièrement disponibles, communiant à la volonté de Dieu dans son conditionnement humain, celui de la communauté, telle qu’elle est aujourd’hui – non pas telle que nous la voudrions. L’initiative vient de Dieu.
Écoute, 1964.
Les yeux ouverts... écoutons. Ouvrir les yeux à la lumière divine, tendre les oreilles à la Parole de Dieu, être « tout yeux et tout oreilles » au Mystère de Dieu qui se propose à nous, telle est l’exhortation de saint Benoît ce matin. Nous ne pouvons pas courir, comme nous le demande aussi ce passage du Prologue, si nous ne nous sommes pas préalablement remplis de la connaissance intérieure de Dieu, qui nous dévoile dans la foi, mais de façon bien certaine, le chemin que nous trace le Seigneur. Livrons-nous avec persévérance à cette écoute et à ce regard et rejoignons notre Dieu au travers du voile, afin d’agir ensuite comme il lui plaît.
Écoute, 1968.
Venez, mes fils, Écoutez-moi. Saint Jean nous dit dans sa Première Épître (2, 6): « Celui qui prétend demeurer en Lui doit se conduire, lui aussi, comme Celui-là s’est conduit ». Notre prétention est bien de demeurer en Dieu, et cette prétention se fonde sur l’appel que Dieu nous adresse. La condition est de nous conduire comme Celui-là, c’est-à-dire Jésus, comme il s’est conduit. L’Esprit qui parle aux Eglises, auquel saint Benoît veut, dans ce paragraphe de la Règle, nous rendre attentifs, nous suggère des commandements qui ont pour objet de nous faire adopter précisément les conduites de Jésus. Ecoutons donc l’Esprit qui crie dans nos cœurs et obéissons-lui. Demandons-nous, en toutes circonstances, comment se serait conduit Jésus, comment agir si nous voulons demeurer en Dieu, et à cette secrète interrogation l’Esprit-Saint ne manquera pas de répondre.
Écoute, 1968.
Venez, mes fils, Écoutez-moi. Cet appel, adressé par Dieu à chacun de nous, c’est le fond de notre vocation, c’est la réalité même du Baptême. « Que désirez-vous ? » nous a demandé l’Eglise au nom de Dieu. La réponse de notre âme a été : « La foi qui conduit à la vie éternelle ». C’est dans cette même lumière que saint Benoît nous invite aujourd’hui à marcher, sans retard, sans compromis : « Et les yeux ouverts à la lumière de Dieu... ». « Courez pendant que vous avez la lumière de la vie... ». Saint Bernard, « notre Père saint Bernard », comme aimait l’appeler le Père Muard, dit de même à ses moines : « Ne cherchez rien comme Dieu, rien de plus que Dieu, rien hors de Dieu », puisque Dieu nous propose de devenir conformes à l’Image du Père. C’est chaque jour que la providence divine nous fait cette question : « Voulez-vous aujourd’hui devenir conformes à l’Image qu’est mon Fils ? ». Ayons l’âme assez silencieuse pour entendre cet appel de Dieu, et y répondre. C’est sûr, qu’au fond de nous-mêmes, nous ne voudrions pas être infidèles à cet appel.
Écoute, 1959.
RB Prologue 14-20
Et se cherchant un ouvrier dans la foule du peuple, à laquelle il lance cet appel, le Seigneur dit de nouveau : « Quel est l’homme qui veut la vie et désire voir des jours heureux ? » Si, en entendant cela, tu réponds : « C’est moi ! », Dieu te dit : « Si tu veux avoir la vie véritable et perpétuelle, interdis le mal à ta langue et que tes lèvres ne prononcent point la tromperie. Évite le mal et fais le bien, cherche la paix et poursuis-la. Et quand vous aurez fait cela, j’aurai les yeux sur vous et je prêterai l’oreille à vos prières, et avant que nous m’invoquiez, je dirai : me voici ! » Quoi de plus doux que cette voix du Seigneur qui nous invite, frères bien-aimés ? Voici que, dans sa bonté, le Seigneur nous montre le chemin de la vie.
Le Seigneur, se cherchant un ouvrier. Les rôles sont inversés, ou plutôt mis en lumière, car nous ne chercherions pas Dieu si lui-même ne nous cherchait le premier. Répondons-nous « adsum » ? Notre réponse n’est qu’un écho de l’Adsum du Seigneur au plus intime de nous-mêmes. Serviteurs du Seigneur, le Seigneur se fait lui-même notre Serviteur, nous donne la Vie éternelle. La toute-puissance divine se met pour ainsi dire à notre service, à travers tout, en dépit de tout. Il n’est plus rien qui ne puisse être rencontre. Nous ne sommes pas seuls. La vie spirituelle n’est pas une collaboration, comme si la grâce venait seulement suppléer à nos insuffisances : elle est vie avec Dieu, en Dieu, prise de conscience de l’inhabitation en nous des Trois Personnes. Il s’agit uniquement de nous ouvrir à cette vie, de la laisser nous pénétrer, de nous laisser saisir par elle. « Le Seigneur qui nous invite ! »
Écoute, 1963.
Le Seigneur, se cherchant un ouvrier. La rencontre avec Dieu est due à l’initiative de Dieu. C’est Lui-même qui nous cherche, qui se présente à nous, frappe à notre porte, et cela avec les promesses de la vie et du bonheur. La première chose pour nous est d’en prendre conscience, d’écouter, de nous laisser séduire par cette invitation merveilleuse : nous ne rencontrerons le Seigneur en profondeur que si nous nous laissons aimer. Toutefois, cette rencontre a ses exigences qui sont très réelles et peuvent nous sembler lourdes. Elles sont aussi décrites dans ce passage et dans le suivant. Là aussi, regardons en face, ne biaisons pas, découvrons le visage du Seigneur. Ce jeu d’offre et de demande, dont l’initiative lui appartient, est en réalité toute notre vie monastique : il faut y entrer. C’est pour cela que nous sommes ici et c’est notre mission dans l’Église.
Écoute, 1968.
Quel est l’homme qui veut la vie ? Notons la ressemblance entre cette formule du Psaume citée par saint Benoît, et l’appel de Notre-Seigneur dans Saint Jean : «Si quelqu’un a soif...». Ce que le Christ offre à ceux qui ont soif, qui aspirent, c’est son Esprit-Saint. La vie chrétienne vient du Christ par l’Esprit-Saint et mène au Christ. Et l’appel de Jésus est constant : il s’adresse aux anciens comme aux débutants, et tend à produire une amitié toujours plus grande de nos cœurs pour le Christ. Nous pouvons nous appliquer ce propos d’un évêque : « La ferveur d’un prêtre se marque par les visites gratuites à son église ».
Écoute, 1966.
Quel est l’homme qui veut la vie ? La vraie vie, dont celle d’ici-bas n’est qu’une figure, saint Benoît nous en parle d’abord comme de l’éternelle vie. Il va ensuite à ce qui la constitue en son fond : une présence. Cette Vie, c’est Dieu lui-même « Me voici ». Dieu devenu la nourriture de l’âme, sa jouissance. Le programme : en voici le début sous son aspect de purification de l’âme : « éviter le mal, faire le bien ». Éviter le mal, en particulier les péchés de la langue... Voici maintenant l’autre extrême : « Cherche la paix, poursuis-la ». Mettre toute sa paix, sa joie, en Dieu. Nous le savons, le repos de l’âme ne se trouve qu’en Dieu. Plus notre cœur sera soumis à Dieu, plus nous serons parfaitement heureux, car Dieu seul peut remplir notre cœur. Nous nous attardons quelquefois à chercher autre chose que Dieu : nous sommes déçus et nous ne pouvons que l’être. Dieu notre repos, mais aussi : nous, le repos de Dieu, la joie de Dieu : « Mes yeux se reposeront sur vous... ». « Il met ses délices à habiter avec les enfants des hommes ». C’est cela, la vie intérieure, qui ne fait vivre que de Dieu seul.
Écoute, 1958.
Si en entendant cela, tu réponds. Saint Benoît considère la vocation monastique comme la réponse à un appel. Il s’agit non pas d’un appel entendu matériellement. Cela est plus profond, il s’agit de l’essence même de la vie monastique, comme de la vie chrétienne. Ce n’est pas nous, en effet, qui avons choisi Dieu, c’est Dieu qui nous a « créés, choisis, formés, rachetés », qui nous a « appelés par notre nom », et qui attend chaque jour notre réponse. Notre vie monastique sera heureuse dans la mesure où nous l’envisagerons sous la forme d’une réponse à Dieu, une réponse de tous les instants, répondant à l’éternité de l’appel de Dieu. Notre bonheur est dans la présence de l’Autre, dans notre présence à l’Autre. Offrons à Dieu chacune de nos journées, de nos actions, de nos pensées comme autant de réponses. Quand des jeunes gens se marient, le monde s’interroge : « Sont-ils heureux ? » – « Ils ont l’air heureux »... Être heureux, ce doit être notre témoignage, le témoignage de la joie d’être à Dieu. Il faut que personne, dans le monastère, ne soit malheureux. Notre bonheur lui-même rend gloire à Dieu, car il proclame le tout de Dieu : c’est là sa gloire de trouver des hommes qui mettent en Lui seul tout leur bonheur.
Écoute, 1956.
Si tu veux. Voici des principes très importants pour nos vies de moines. D’abord la présence de Dieu et initiative divine. Ensuite, le rôle de la communauté, milieu vital où nous recevons l’appel de Dieu et lui donnons notre réponse. Enfin, la responsabilité de chacun. Jamais un moine ne pourra rejeter sur la communauté le fait de sa propre infidélité. Chacun, personnellement, aura à rendre des comptes à Dieu. Cela fait la grandeur de l’homme. Et en même temps, la communauté joue un si grand rôle, que chacun de nos actes, bon ou mauvais, contribue à son enrichissement ou à son appauvrissement spirituel. Quand nous péchons, nous péchons contre la communauté ; un acte d’amour, au contraire, la soulève. Elle ne pourra cependant jamais remplacer le moine pour aimer Dieu personnellement, ne pas l’offenser personnellement. Il nous faut donc prendre conscience et de notre solidarité de frères dans la communauté, de membres de l’église, et de notre responsabilité personnelle devant Dieu, sans mettre toujours les autres en cause.
Écoute, 1963.
Quel est l’homme qui veut la vie ? Quand on lit saint Benoît, on le lit avec un cœur différent chaque fois. On comprend mieux qu’il a écrit ces choses pour nous. Elles répondent à la réalité pour chacun d’entre nous. Aujourd’hui, saint Benoît nous dit : Si tu veux des jours heureux, si tu veux rencontrer Dieu, commence d’abord par te taire ; garde ta langue. Pas d’union possible à Dieu sans cette première démarche. Le premier conseil à ceux qui désirent faire un pas dans la vie intérieure : garder sa langue, supprimer tout commérage. On ne peut entendre la parole de Dieu et la parole du monde, ni parler à Dieu dans le bruit d’une conversation où Dieu n’a pas de place, et où il n’y a de place que pour les mesquineries que la langue amplifie et qui rendent impossible toute vie d’union à Dieu. Avoir les paroles du Christ, le Cœur du Christ. Unissons-nous au vrai silence du Christ, à l’écoute du Père.
Écoute, 1955.
Cherche la paix et poursuis-la. Avons-nous la paix de l’âme ? Si nous ne l’avions pas, ce serait que nous ne cherchons pas Dieu seul et que nous n’avons pas accepté totalement ce que Dieu voulait que nous soyons, jusque dans notre être le plus profond. Avons-nous jamais vraiment accepté devant Dieu d’être ce que nous sommes ? Aujourd’hui, Dieu m’aime tel que je suis. Éternellement Dieu pense à moi, à cet instant présent où je me mets sous son regard. Tout, y compris mes fautes personnelles dont je lui demande pardon, devient signe de sa présence : «Me voici !». Nous pourrions aussi retenir ce mot, la clé de notre dialogue avec Dieu : «Si tu veux...» Demandons à Dieu la parfaite liberté spirituelle, qui nous fait vouloir à tout instant ce que Dieu veut. Telle est la vie éternelle, telle doit être notre vie d’aujourd’hui. Désir de Dieu qui n’est, en réalité, que l’écho en nous du désir qu’a Dieu de nous faire participer à sa vie intime.
Écoute, 1970.
Et avant que vous m’invoquiez. De ce paragraphe, retenons d’abord que le salut de notre âme et le salut du monde est possible, parce que Dieu le veut. Et qu’ensuite l’homme possède une vraie liberté. Parmi les hommes, il y a ceux qui écoutent et ceux qui ont le cœur endurci, ceux qui s’ouvrent à la grâce, ceux qui se ferment. Dieu respecte cette liberté. Aspirons à la liberté des enfants de Dieu qui permet à Dieu d’agir librement. Notre vie monastique nous rend libres si nous sommes fidèles. Cela demande un effort constant. Le choix est de tous les jours et de chaque instant. Le danger est de s’endormir. Dieu, Lui, ne dort pas. Qu’aujourd’hui nous trouve plus libres qu’hier. Libres pour aimer Dieu autant qu’il est possible. Si quelqu’un se trouve le cœur endurci, qu’il supplie Marie de l’attendrir.
Écoute, 1962.
C’est Moi. Dans ces deux mots, il y a tout. Ils nous ramènent à l’essentiel. « C’est Moi », dit Dieu. « C’est moi, me voici » répond l’homme. Dialogue de don et de réponse. Dieu ne fait pas autre chose et nous nous occupons d’autre chose, nous laissant distraire de l’unique réalité. Appel et réponse dans l’instant présent, l’unique parcelle de notre vie en notre possession où s’accomplit la rencontre. C’est le point de jonction entre le temps et l’éternité. Vivre dans le présent de Dieu. C’est ce dont le monde a besoin : des hommes qui ne soient pas des agités, mais qui vivent dans le présent de Dieu, au rythme de Dieu, de sa volonté, de son bon plaisir. Il communie à la puissance même de Dieu. Apprendre à dire à Dieu « Me voici ». Apprendre à déceler ses innombrables visites. Aujourd’hui, prêtons-lui l’oreille de notre cœur.
Écoute, 1965.
Je suis là. Dieu nous cherche. Il le fait en appelant, en posant des questions afin de susciter une réponse personnelle de l’homme. C’est le dialogue que saint Benoît reprend avec les mots mêmes de la Sainte Écriture. Nous devrions nous retrouver toujours dans le même émerveillement : Dieu est là qui, à l’instant même, nous a fait entendre sa voix. « Je suis là » définit parfaitement Dieu, celui qui ne cesse d’être attentif, de cette attention qui est son amour créateur et sauveur. La définition de l’amour prévenant de Dieu devrait être la définition de l’homme, transformé par la grâce, attentif à Dieu, attentif aux autres : « Je suis là ». La charité est une présence.
Dieu demande à tout homme de s’engager. Quel est l’engagement du moine que sa vocation retire du monde ? Son engagement est sa vie de prière, sa recherche de Dieu, sa prière d’intercession pour toute l’Église. Cet engagement demande beaucoup de persévérance et de courage, car cela se fait dans la foi, dans l’invisible. Tout engagement dans le monde au service de l’Église n’est d’ailleurs authentique que s’il s’enracine dans une vie de prière. Soyons davantage présents aux intentions de l’Église et du monde. Nous savons que ce n’est pas en étant à l’affût des dernières nouvelles, mais en retrouvant tous les hommes et leurs besoins dans le cœur de Dieu, et en nous dévouant humblement et généreusement au service de ceux qu’Il met sur notre chemin, à commencer par nos frères les plus proches.
Écoute, 1970.
Quoi de plus doux ? Nous savons qu’un des mots les plus fréquents des psaumes est « miséricorde ». C’est la bonté de Dieu qui se révèle à nous ; il nous invite à partager son propre bonheur. Cette pensée de l’amour de Dieu est bienfaisante : « Dieu m’aime ». Tout le monde doit en être convaincu, surtout les moines, surtout nous à la Pierre-qui-Vire, où le Père Muard voulait que nous soyons familiers de la miséricorde de Dieu, « Cherche la paix, poursuis-la ». La paix est là où est Dieu, et là uniquement : la paix au fond des cœurs, la paix entre les hommes. Ne nous lassons pas de penser à cette miséricorde de notre Dieu. Éternellement, nous partagerons le royaume de Dieu.
Écoute, 1959.
Quoi de plus doux que cette voix ? La voix du Seigneur – le chemin de la vie. Vox dilecti – via vitae. Notre chemin s’illumine sous nos pas dès que nous sommes attentifs à sa voix. « Me voici ». Toujours Lui. Non que sa présence se révèle d’une façon sensible. Dieu semble absent, Il se tait : invitation à une foi plus pure, à une prière plus instante, plus humble. Absence et silence de Dieu, signes d’une présence insaisissable qui creuse dans l’âme des capacités d’amour illimitées. C’est l’heure d’être plus fidèles à notre Règle, de nous y accrocher. Dieu qui m’appelle.
Écoute, 1964.
Cette voix du Seigneur qui nous invite. Quand nous entendons cette phrase, nous voici tout attentifs, car c’est pour répondre à cette voix que nous avons tout quitté. Cette présence de Dieu parmi nous, n’est-ce pas la chose la plus extraordinaire qui mérite bien que nous ne vivions que pour elle ? « Quoi de plus doux... » La joie de l’âme attentive à Dieu. À côté de cela, la vie d’un homme sans Dieu : gaieté superficielle peut-être. Au fond, tristesse, lassitude, ténèbres, et pour y échapper course à l’activisme ou au plaisir. Un homme de Dieu est un homme de lumière. Dans le ciel, non seulement l’âme sera lumineuse, mais le corps lui-même. Dans la lumière de Dieu nous verrons la Lumière. Cette illumination progressive, c’est le christianisme. Si nous voulons devenir les amis de Dieu, il nous reste à tout quitter de ce qui n’est pas Dieu. C’est à ce prix qu’on peut devenir des hommes de lumière pour les autres. Dès que nous faisons un acte de charité, nous nous entraînons à Dieu, et dès que nous péchons, dès que nous préférons la créature à Dieu, nous nous séparons des autres. La charité fraternelle se place d’abord au plan le plus profond de notre être, elle est rencontre de Dieu.
Écoute, 1960.
Le Seigneur nous montre le chemin de la vie. Cette expression nous rappelle la parole de Jésus : «Je suis la Voie, la Vérité et la Vie». Saint Paul nous dit que le Christ ressuscité ne meurt plus, qu’il vit pour Dieu et que nous, de même, nous devons nous considérer comme morts par le baptême et désormais vivant pour Dieu dans le Christ Jésus (Rm 6). Prenons bien, dans la foi, les dimensions vraies de notre vie : « Notre vie, c’est le Christ » dit encore saint Paul (Co1 3, 4) et encore : « Pour moi, vivre, c’est le Christ » (Ph 1,21). La règle de vie que nous présente saint Benoît doit procéder en nous de la présence du Christ et contribuer à l’intensifier. Quand pourrons-nous dire, nous aussi : « Désormais je ne vis plus, c’est le Christ qui vit en moi » (Gal 2, 20) ?
Écoute, 1967.
Le programme de saint Benoît : être vrais. Vrais dans notre vie chrétienne. Vrais, c’est-à-dire laisser apparaître ce que nous sommes. Or le chrétien se définit par rapport au Christ ; toute sa vie en dépendance du Christ. Que le chrétien manifeste donc la présence du Christ en lui : voilà ce que nous devons désirer pour chacun de nous et pour la communauté. Qu’elle resplendisse le Christ Jésus : humilité, simplicité, détachement, intelligence des choses de Dieu, liberté spirituelle. Reprenons ces versets de saint Benoît : chacun trouve son reflet dans nos frères. « Resplendir », il ne s’agit pas de briller, au sens du monde. Cette lumière, au contraire, est faite d’effacement, d’oubli de soi. Elle est le fait de ceux qui rapportent tout à Dieu et suivent la voie de Jésus pauvre et humble : « Ce n’est pas à nous, Seigneur, mais à votre Nom seul que la gloire est due ».
Écoute, 1963.
De la foi et de l’accomplissement des bonnes actions. Appel à la sainteté. Entendons ces paragraphes, prions-les avec un grand désir de sainteté pour la communauté, pour toute l’Église. Si nous désirons vraiment Dieu, nous ne pourrons pas ne pas Le désirer et L’attirer dans les âmes. Chercher Dieu là où Il habite, au fond de nous-mêmes, c’est nous ouvrir à la vie de l’Église, à tous ces besoins qui se résument en celui-ci : Dieu glorifié, Dieu connu et aimé. Pour nous, le royaume de Dieu, sous sa forme concrète, c’est la communauté où Dieu nous a attirés. En vivant avec nos frères et pour nos frères, en vivant fidèlement la vie commune, nous nous élargissons aux dimensions de l’Église. Et en tout ce que nous pouvons faire, reconnaissons que nous sommes les serviteurs inutiles et que tout est don de Dieu. « C’est par grâce que je suis ce que je suis ». Ayons l’unique préoccupation du royaume de Dieu.
Écoute, 1963.
Celui qui nous a appelés. On dirait que saint Benoît nous livre quelque chose des bouleversements de son âme à l’appel du Seigneur. Chacun de nous a aussi entendu l’appel. À chaque option, c’est cet appel qui se renouvelle. Dieu a préparé éternellement notre voie faite de tournants et de longs cheminements où nous devons apprendre à nous suffire de Dieu, au-delà de tous les moyens que nous avions imaginés, qui nous semblaient dans la logique même de notre vocation. Dieu veut libérer nos puissances d’aimer. Il n’y a de vie que dans l’offrande de soi, le sacrifice. C’est là que nous Le rencontrons et qu’en Lui nous trouvons la joie. Exigences toujours nouvelles ? Il ne s’agit pas d’exigences, mais de Lui. La grâce est surabondante ; son secours nous est assuré. Apprenons à vivre dans cette sécurité que donne la promesse de Dieu. Promesse qui est don. Tout nous est donné. Il s’agit d’accueillir ce qui nous appartient déjà en plénitude.
Écoute, 1964.
Sous la conduite de l’Évangile. Saint Jean nous dit que « le monde passe, sa convoitise aussi, mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement » (1 Jean 2, 17). Cette phrase doit éclairer l’invitation pressante de saint Benoît à obéir à l’Évangile ; elle nous invite à renouveler notre foi sur la signification et le fruit de cette obéissance. Même si nous ne le ressentons pas, il est absolument vrai que tout acte de vie évangélique nous enracine en Dieu, nous fait demeurer en Lui, jette dans toute l’Église une semence de vie éternelle. Au contraire, ce qui nous tente et nous ramène sur nous-mêmes ou sur nos passions, n’a de réalité que selon l’apparence : en réalité, cela n’existe pas, est déjà passé. Ceignons-nous donc de la foi, comme saint Benoît nous y presse, et nous découvrirons alors que, même au simple plan humain, l’Évangile installa notre vie dans la vérité, tandis que d’autre part, il nous fait entrer en Dieu et demeurer avec Lui.
Écoute, 1968.
RB Prologue 21-32
Ceignant donc nos reins de la foi et de l’accomplissement des bonnes actions, avançons sur ses voies, sous la conduite de l’Évangile, afin de mériter de voir celui qui nous a appelés à son royaume.
Si nous voulons habiter dans la demeure de ce royaume, on ne saurait y parvenir, à moins d’y courir par de bonnes actions. Mais interrogeons le Seigneur avec le prophète, en lui disant : « Seigneur, qui habitera dans ta demeure, et qui
