Aubrey Beardsley

Par Patrick Bade

Né en 1872, Aubrey Beardsley fut, avec Oscar Wilde, une figure emblématique de la décadence qui marqua la fin du règne de la reine Victoria. Largement autodidacte, Beardsley témoigne d’abord dans ses dessins de l’influence des Préraphaélites, comme Burne-Jones et Rossetti. Par la suite, il adopte un style plus radical et novateur, en illustrant Le Morte d'Arthur de Sir Thomas Malory et participe à la création de la revue The Yellow Book.
Mais c’est à travers ses dessins sombres et érotiques, notamment pour Salomé d’Oscar Wilde, qu’il évoqua au mieux l’atmosphère trouble de l’époque. Atteint de tuberculose, Beardsley connut une mort prématurée à l’âge de 25 ans. Il laissa derrière lui de nombreuses illustrations, qui eurent une grande influence sur les artistes de l’Art Nouveau.
Servi par une mise en page originale, Patrick Bade explore ici l’univers équivoque de Beardsley, artiste "fin de siècle" par excellence. A travers des illustrations qui choquèrent ses contemporains, le dessinateur défia hardiment la morale victorienne, pour devenir un témoin privilégié de son époque.

• Langue: Français
• Éditeur: Parkstone International
• Date de sortie: 1 mars 2023
• ISBN: 9781639198511

Aperçu du livre

2. Beardsley, Les créatures étranges de Lucien, pour La vraie histoire de Lucien.

Beardsley a Brighton

Aubrey Beardsley naquit le 21 août 1872 dans la ville balnéaire de Brighton, au sud de Londres. Il était le fils d’Ellen et de Vincent Paul Beardsley, un personnage tuberculeux et incapable. Ellen Pitt avait certaines prétentions sociales et culturelles, et s’attristait d’avoir épousé, selon elle, une personne en dessous de son rang, ainsi que d’avoir été forcée à travailler en tant que professeur pour faire vivre ses deux enfants, Aubrey et sa sœur aînée Mabel. Elle était décidée à les éduquer dans l’amour de l’art, et à développer, dès le plus jeune âge, leurs talents précoces.

Brighton n’était pas en soi une ville dénuée d’attraits et de stimulations. Connue pour sa pension minable, pour les week-ends adultères et les divorces arrangés (dont se gargarisaient le roman d’Evelyn Waugh, Une poignée de poussière, et la comédie musicale de Cole Porter, Les gais divorcés), la ville avait une réputation louche digne d’envie, située dans l’esprit des Anglais juste après Paris. Une bonne indication concernant le laissez-faire moral de Brighton réside dans le fait que la peinture de Degas intitulée Absinthe, qui causa un tel scandale à Londres dans les années 1890, fut d’abord louée par un habitant de la ville et exposée au Pavillon de Brighton, sans que personne apparemment ne fronçât les sourcils. Certes, il semble tout à fait improbable que Mrs Beardsley, aussi avide de culture et aussi peu puritaine fût-elle, ait pu emmener l’enfant dans sa poussette, pour admirer l’une des images les plus connues du 19e siècle en matière de dépravation urbaine et de dégradation ; mais il y a une coïncidence amusante dans le fait que le peuple de cette ville ait été le premier à voir une image qui apparaîtrait plus tard, sous forme de réminiscence, dans plusieurs compositions du plus fameux artiste né à Brighton. Beardsley allait aussi rendre son tribut à Degas, d’une façon plaisante, dans une caricature de la reine Victoria en tutu, sur laquelle il inscrivit le nom de Degas.

D’autres aspects de Brighton qui marquèrent l’imagination de Beardsley furent les intérieurs orientalistes du Pavillon – le fantastique palais des plaisirs créé par un des monarques britanniques les plus aimablement débauchés, le roi George IV – ainsi que les vitraux pré-raphaëlites et les objets de piété anglicans des églises, qu’Aubrey et Mabel visitaient pour tromper la monotonie des jours passés chez une tante, vieille fille qui les recueillit lorsqu’Ellen Beardsley se trouva incapable de les assumer.

3. Beardsley, Le piège des vendanges, pour La vraie histoire de Lucien.

4. Beardsley, Le rêve du matin, illustration pour Le vol