La princesse de papier
Par Fabienne Ferra
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Aperçu du livre
La princesse de papier - Fabienne Ferra
978-2-312-00439-6
Chapitre I
Au cœur d’un lointain royaume que l’imaginaire saura trouver, vit un paisible peuple que le bonheur visite sans fin. Point de guerre en cette terre, point d’aridité en ses champs, et point de violence en les âmes. Le temps y semble suspendu autant qu’éthéré, comme en un rêve éternel et chacun y accomplit sa tâche quotidienne avec un plaisir non feint[1].
Les forêts alentours sont denses mais guère hostiles, et la végétation abondante baigne les terres de couleurs exquises au point qu’elles semblent naître des mains habiles d’un peintre divinement inspiré.
Les autres royaumes quant à eux, ne peuvent se targuer d’une telle paix enchanteresse et les peuples voisins, envieux pour certains, enragent de ne point mener pareille existence dans des paysages à ce point bienfaiteurs. Mais pour l’heure, nul souverain ne se risque à chercher querelle au roi Gélinor, empreint de bonté autant que de sévérité pour qui se livrerait à quelque crime de lèse-majesté[2].
Le royaume de Fortune, ainsi nommé en hommage à la bonne chance d’avantage qu’à la richesse, est toujours parvenu jadis à repousser les belligérants[3], portant ainsi à ses habitants une quiétude jusqu’alors sans faille.
Le château, résidence royale qui fut érigé sans vains ornements, peut être aperçu de tous car il est joliment niché au sommet d’une colline verdoyante découpée ça et là par quelques rus[4] bleutés comme tranquilles, et piquée de hautes jonquilles couleur d’or que parfois la douce brise taquine. Au pied de cette colline, est sis[5] le village, où de petites maisonnées attrayantes semblent sagement posées sur des lits d’herbes fraîches, embaumant l’air environnant d’une douce senteur de nature fleurie comme fruitière. Entre chaque demeure, de pittoresques chemins sinueux s’allongent, se détournent et se plient au gré de leur fantaisie, se laissant docilement piétiner par les pattes espiègles des petits animaux capricieux, à l’affût de leur pitance tombée d’arbres généreux ou de buissons cléments.
Les divers sentiers, savent dans le même temps apprécier la course des enfants joueurs, des hommes se rendant au labeur, et des femmes portant gaiement eau, pain et petits fagots de bois pour ravir leur chaumière.
Le roi Gélinor n’a pour descendance qu’un seul fils nommé Andorin. L’enfant est chétif autant que solitaire mais point orgueilleux. Il aime à contempler les bambins du village gambader dans la nature, patauger dans les mares et glousser de la joie que font naître leurs jeux innocents. Chaque fois que sa gouvernante se rend en la petite ville en quête de quelques victuailles, Andorin se délecte de l’accompagner, empoignant la longue jupe de la femme comme pour ne point choir à terre, et chemine alors au travers des champs puis des habitations. Sur son passage, tous se courbent en de gracieuses révérences qui font croître sa gêne mais aiguise sa belle fierté tout autant.
– Bonjour mon Prince, lance une aimable paysanne.
– Que votre Altesse se porte au mieux, dit gentiment une autre.
Les enfants quant à eux accourent, désireux d’apercevoir le futur souverain qu’ils pourraient bien avoir pour compagnon de jeu, tant il leur parait semblable dans son attitude comme dans son regard où la vanité est absente.
Lorsqu’il s’en revient au château, le jeune prince conte à son père les bienfaits de son petit périple[6] et le roi bienveillant, n’est guère hostile à cette démarche.
– Il est bon mon fils dit-il, que le peuple vous voie ; Il sera votre un jour prochain et vous devrez veiller à ne jamais le négliger !
– Serai-je aussi bon souverain que vous mon Père ? Demande Andorin.
– Il n’y a rien d’heureux à être un monarque fourbe et orgueilleux ! Un certain roi dans le royaume de Grassin, dont les terres touchent les nôtres, fait vertu de ces travers… Ainsi règnent alors malheur comme tristesse chez son peuple ! Nous ne voulons point cela pour le notre !
– Non mon Père, assurément je ne veux point cela !
– À présent allez embrasser votre mère, commande gentiment le roi fort satisfait des propos du jeune prince, puis nous souperons. Je crois savoir que vous avez ramené du bon gibier de notre village.
De bon gré, Andorin obéit et se dirige à la hâte vers les appartements de la reine Céleste, qui s’adonne comme telle est son habitude à son passe-temps favori : Posée sur un large tabouret de velours vermillon[7], elle peint dans un silence absolu un paysage féérique où les teintes s’embrassent avec douceur, laissant apparaître des camaïeux[8] de bleus, de verts et de bruns… Sur la toile, glisse docilement le pinceau comme et le prince, emprisonné dans son admiration, observe pour un temps le silence, n’osant perturber le délice de cette vision.
La reine est si belle qu’elle paraît une œuvre en elle-même. Et lorsqu’elle perçoit la présence de son petit, elle étire ses lèvres écarlates en un large sourire, dépose son pinceau puis se détourne vers l’enfant immobile.
Et l’instant d’après, elle écarte ses bras en une belle invitation à l’étreinte.
– Eh bien mon fils, s’étonne-t-elle tendrement, ne m’embrasserez-vous point ?
Alors le prince se déloge enfin de son mutisme[9] pour plonger sans retenue dans la chaleur maternelle.
– Vous êtes si habile Mère ! S’exclame-t-il.
– Vous l’êtes tout autant mon fils, répond la reine, je le sais bien… J’ai vu vos dessins, ils sont imaginatifs et sans grande faille… Il vous faut persévérer.
– Mais Mère… Lorsque je serai souverain…
– Lorsque vous règnerez mon fils, vous aurez à cœur de négliger ni vos obligations, ni vos passions !
Ainsi est élevé le prince, en une rare harmonie connue de nul autre, entre droiture