Les Kami de Maelia
Par Barco
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À propos de ce livre électronique
Qui sont ces forces millénaires conscientes et inconscientes qui s'espionnent et s'entretuent ? Qui détient le Mémoire disparu ? Qui peut aider Maelia dans son projet de reconquête ?
La Cité millénaire existe-t-elle vraiment ?
L'auteur et le lecteur se retrouvent embarqués dans une aventure dont ils ne ressortiront pas indemnes.
Barco
Barco réside à Paris, il voyage régulièrement dans toute l'Europe continentale, aux Etats Unis, au Canada, à Cuba, en Afrique, et se partage entre la peinture tout imprégnée d'influences japonaises, ses projets et son métier. Originaire d'une petite cité de villégiature millénaire, il participe au réveil des consciences et laisse au lecteur le loisir de découvrir la Cité millénaire de Maelia.
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Aperçu du livre
Les Kami de Maelia - Barco
pluriel).
Chapitre 1
La rue aux Anglais
Mille ans avaient sonné et j’entrais pour la millième fois au moins dans la rue aux Anglais. Toujours dans le même sens, comme un rituel, de l’est vers l’ouest, en suivant la petite bise qui s’y engouffrait à chacun de mes passages.
Ce jour-là, c’était un vingt-deux août, l’atmosphère était différente. Malgré un soleil d’été rayonnant, il régnait comme un sentiment de pression nerveuse mêlé à celui de défi surnaturel.
J’étais debout à l’entrée de la rue. L’air était pesant, lourd et chaud, mon cœur battait comme une houle, j’avais le souffle clair et vibrant mais je sentais mes pupilles se dilater, comme si je m’apprêtais à faire face à l’inconnu.
La rue qui m’entourait de toute son épaisseur n’était pourtant pas menaçante, mais elle devenait compacte, presque taillée dans la pierre. Le degré d’agitation restait cependant adapté à la situation et ne me perturbait pas au-delà de la petite baisse de tension qui m’avait immobilisé l’espace d’un instant.
- « La solitude, la chaleur de l’été, rien d’autre ».
J’avais déjà parcouru les hauteurs clairsemées de la ville, avant de rejoindre les abords de la rue aux Anglais dont les mailles resserrées du tissu environnant me confirmaient que j’entrais dans le cœur de la Cité.
Je m’engageais seul sur les pavés brûlants de la rue, le blanc des murs irradiait et les murs étaient nus sous le ciel bleu azur.
Il régnait un silence d’été accompagné du bruit frais du vent et le frôlement de mes pas faisait presque vibrer le silence.
La rue aux Anglais était longue de quelques dizaines de mètres à peine et l’entrée intriguait dès les premiers pas. Son tracé incurvé, comme ménagé dans l’épaisseur d’un mur massif, m’empêchait d’apercevoir sa fin, comme si j’entrais dans un couloir sombre et étroit dont la porte d’entrée se refermait derrière moi sans avoir laissé le temps de repérer s’il y avait une issue à l’autre extrémité.
En dehors du rai de lumière bleue broyée et dégradée déployé par le ciel entre les crêtes de toits au-dessus de ma tête, la rue n’offrait pas d’autre salut.
Je n’imaginais pas un instant céder au stress et battre en retraite, un peu de courage ne nuisait pas, et entre la fuite ou l’affrontement, je choisissais le combat.
Au fur et à mesure que j’avançais et remontais la rue flanquée de bâtisses moyenâgeuses édifiées en enfilade, la couleur du ciel s’éclaircissait jusqu’à disparaitre dans un éclat brillant de lumière.
Le ciel et l’air devenaient d’une clarté transparente et je me retrouvais mystérieusement enclavé entre les murs harmonieux d’une époque médiévale et ceux austères d’une époque anciennement moderne. Peu à peu mes poumons se teignaient du bleu du ciel et l’artère s’évanouissait sous mes pas.
La rue était un passage étroit, une voie courbe, encadrée à gauche d’un versant ensoleillé composé de façades alignées, colorées, presque lumineuses, animées de portes anciennes, de fenêtres sans volets, d’encorbellements et de colombages plusieurs fois centenaires ployant sous le poids des ans. A droite, le versant ombré, était paré de longs murs plus austères qui se poursuivaient vers le lointain, et dont la ligne de fuite ignorait le haut et le bas, le devant et l’arrière, comme si ce long pan de murs cachés et déformés me tournait le dos et se terminait en enfer.
Plus je suivais le contour anguleux de la rue, plus la ligne de la courbe se révélait à moi, du moins le croyais-je, car depuis mille ans il en allait tout autrement.
La rue empruntait le tracé sinueux d’enceintes de plusieurs siècles, et conservait une atmosphère mélangée des vents et des éclats de tonnerre des périodes de combats sur les murailles ou du sang des bêtes tuées devant les étals des bouchers qui élevaient leurs animaux dans les rues.
Les pans de bois bruns ou rouges rappelaient à la fois les feuilles mortes, l’automne, le mystère de la vie et la couleur du feu, du sang et des secrets. Les parements de bois des colombages zébraient les murs blancs qui se reflétaient dans une variation de matité et de brillance à la charnière du visible et de l’invisible.
J’étais captivé par ces tonalités angoissantes, mes facultés mentales et physiques étaient mobilisées et j’entrais de façon irréversible en état de lucidité silencieuse et de vigilance.
J’apparaissais alors entre ces deux blancheurs de murs, un peu comme un candidat tout habillé de blanc soumis au rite du passage et qui allait changer de condition.
Rechargé de cette énergie, je remontais lentement la ruelle lorsque tout à coup un mouvement de masse d’air chaud me rasait le visage, me tailladait l’oreille, et disparaissait en trombe en sifflant des mots que je traduisais inconsciemment, presque instinctivement au fil des froissements d’air et d’ailes et où s’entremêlaient – « … le commencement et la fin… », comme une sorte de message subliminal et énigmatique qui m’informait du présent, du passé et du futur, « ce qui est, ce qui fut, ce qui sera…».
Tout à coup mille alouettes blanches traversèrent la ruelle d’un seul coup d’ailes en chantant comme pour annoncer la présence d’un invisible esprit qui voulait réveiller la rue endormie. Je n’avais pas eu le temps de les apercevoir qu’elles avaient déjà repris très rapidement leur envol vers le ciel.
L’effluve flottant laissé par le vol des alouettes me rappelait les notes semi-ambrées fleuries déjà ressenties lors de mes précédentes traversées. C’était la même bise du commencement de la rue que je retrouvais à chacun de mes passages, mais cette fois avec une note de fond un peu plus persistante.
Ce passage turbulent était une expérience fantastique où je devais à la fois en une fraction de seconde -au risque d’y perdre quelque chose de mon âme-, parvenir à maîtriser les effets de la déformation, saisir les aspects contradictoires du monde, la présence des nuages et du soleil élevé au-dessus de l’horizon et maintenir mes pieds sur terre.
- « Le charme d’une partie permet de deviner la qualité de l’ensemble » me disais-je en pensant au proverbe d’un vieux sage japonais.
Ce petit jeu des humeurs de la saison d’été me frappait comme si une sorte de génie des lieux m’interpellait peut-être pour m’inviter à le suivre plus loin dans la découverte de la Cité, ou l’aider dans la recherche d’un trésor caché ou disparu.
Il ne me restait plus que quelques pas à faire. L’harmonieuse courbe de la rue, l’ordonnancement ancien des façades, l’esthétique des matériaux, les traces de l’histoire, le poids des siècles que supportaient les poutres courbées des vieilles habitations, ne me laissaient ni insensibles ni sans une certaine envie de plonger encore un peu plus loin dans cette voie donnant peut-être accès à un autre monde, là où la beauté s’incarnerait dans la réalité.
Ma très furtive traversée de la rue aux Anglais m’avait propulsé au cœur d’un champ d’influences qui relevait d’une pulsion fantastique plus que de la contemplation paisible des jeux de l’ombre et de la lumière des rayons du soleil à son zénith.
Mais avant de quitter l’endroit, je ne pouvais m’empêcher de me retourner une dernière fois et de repenser à ce tourbillon si particulier que je venais de traverser. L’esprit qui animait la rue s’était découvert au terme d’un long cheminement, mais sans véritablement se dévoiler.
- « Je reviendrai éclaircir ce mystère » pensai-je tout haut, un peu troublé.
L’extrémité de la rue débouchait en pleine lumière droit sur une petite place hors du temps, éclairée, lumineuse, d’une beauté inouïe. Elle jaillissait comme une source de chaleur, ses traits infaillibles frappaient le cœur, son rire caressant et sa gaieté attiraient sur elle tous les regards. La sensualité médiévale de la place se confondait avec les délicieuses descriptions de beautés féminines dans les chants estudiantins ou les compositions poétiques d’un autre âge.
La puissance brusque de l’émotion subjuguait et figeait le visiteur pour l’éternité. Ici régnait la paix. L’éclat doré des rayons du soleil, distillait une douceur pareille à un rayon de miel. La sensualité des lieux causait un agréable égarement, la sérénité des murs, l’éclat doré des façades, l’atmosphère plus blanche que le lis me faisaient soupirer. La belle Place offrait avec grâce le plaisir de ses caresses étranges et de ses baisers redoutables, comme si des sirènes échappées d’on ne sait quelle proue de navire donnaient