Les Généraux Vendéens
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À propos de ce livre électronique
Dans ce livre décrivant l’épopée homérique des sept principaux généraux vendéens, vous allez pouvoir découvrir la manière dont ils se sont engagés dans cette guerre de Vendée, ignorée par l’histoire officielle, jusqu’à leurs destins communs.
L’auteur nous dévoile à travers ces portraits, les combats de chacun, l’origine des ces généraux, leurs traits de caractère, les ententes, et parfois les querelles et ambitions personnelles.
Voici donc le récit héroïque des sept généraux principaux des armées royalistes :
Jacques Cathelineau, colporteur et voiturier, qui devint le premier généralissime de l’Armée catholique et royale.
Henri de La Rochejaquelein, général à 21 ans, auteur de la célèbre citation : « Si j’avance, suivez-moi ; si je recule, tuez moi ; si je meurs, vengez-moi. »
François Athanase Charette de La Contrie, le Roi de la Vendée, dont Napoléon dira de lui : « qu’il avait l’étincelle du génie »
Charles de Bonchamps, qui demanda la grâce de cinq milles prisonniers avant de mourir.
Louis de Salgues de Lescure, surnommé : « le Saint du Poitou. »
Maurice Gigost d’Elbée, surnommé par ces soldats : « le général la Providence. »
Jean-Nicolas Stofflet, ancien garde-chasse qui devint major-général de l’Armée catholique et royale.
Jacques Crétineau-Joly (1803-1875) fut historien, essayiste et journaliste légitimiste antirévolutionnaire.
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Les Généraux Vendéens - Jacques Crétineau-Joly
Chapitre 1
Jacques Cathelineau
Ce sont des paysans qui ont donné le signal de l’insurrection, et de la guerre qui en fut la suite. Ce sont des paysans qui l’ont commencée.
C'est un paysan qui doit ouvrir cette histoire des généraux vendéens.
Le 10 mars 1793, jour fixé pour le tirage au sort de la levée des trois cent mille hommes, il y eut à Saint-Florent comme partout en Vendée, une insurrection d'abord, immédiatement après une victoire.
Les jeunes gens furent insultés, menacés, mitraillés. L'indignation leur fournit des armes ; ils triomphent des gendarmes, mettent en fuite les autorités constituées, brûlent les archives. Puis, sans plus songer à la terrible vengeance qu'ils amassent sur leurs têtes, heureux de ne pas être enrôlés pour le service de la république, ils retournent paisiblement dans leurs foyers.
Quelques uns passaient par le village du Pin-en-Mauges, situé à deux lieues de Beaupréau, en Anjou.
Là, vivait un simple artisan nommé Jacques Cathelineau. C'était un homme de trente-cinq ans, craignant Dieu et aimant ses semblables. Jusqu'alors renfermé dans l'obscurité de la plus humble des vies, Cathelineau ne s'était fait remarquer que par ses sentiments de religion, par sa probité et ses bonnes mœurs.
La loi du recrutement ne pouvait l'atteindre : il était marié, déjà quatre filles et un fils étaient nés de son union. Lorsque la nouvelle de ce soulèvement parvint dans sa chaumière, Jacques Cathelineau pétrissait son pain. Il entrevoit de suite la profondeur de l'abîme où ces révoltes partielles vont entraîner l'Anjou.
Malgré les supplications de sa femme, il sort de sa demeure, réunit autour de lui ses voisins et les réfractaires qui viennent de triompher à Saint-Florent ; puis avec une éloquence dont le secret est dans le cœur, il prouve à ces pauvres paysans, n'ayant comme lui qu'une âme et des bras, que, pour réparer cette imprudence, il faut prendre un parti violent : « nous sommes perdus, s'écrie-t-il, si on en reste là ; notre pays sera écrasé par les républicains, soulevons-nous tous pour leur opposer résistance. »
L'ardeur dont il est enflammé se communique ; à la tête de vingt-sept hommes, formant le noyau de cette armée de quatre-vingt mille que, dans deux mois, il va conduire à la victoire, Cathelineau marche vers La Poitevinière, bourg à une demi-lieue de distance du Pin.
Le tocsin sonne.
Cathelineau parle ; tout ce qui l'approche reçoit de lui une impulsion irrésistible. Son cœur déborde d'un saint enthousiasme ; il électrise les esprits, embrase les cœurs. Des soldats naissent à sa voix ; ils n'ont pour armes que leurs bâtons noueux, que leurs fourches ou le soc de leurs charrues ; ils ne savent ni se mettre en ligne, ni obéir, ni commander ; leur chef improvisé n'en sait pas plus qu'eux, pourtant les voilà qui s'avancent à l'attaque du château du Jallais, défendu par un parti républicain.
La garde nationale de Chalonnes, sous les ordres d'un médecin nommé Bousseau, y tenait garnison, et une pièce de six appelée le Missionnaire, était placée sur ses hauteurs. La garde nationale a aperçu ces quelques hommes sans armes, attroupés et se disposant à combattre. Le Missionnaire fait feu ; personne n'est blessé. Cathelineau s'élance au pas de course ; les siens le suivent ; il franchit le coteau. A cette audace qu'ils ne comprennent pas, les bleus se dispersent.
C'est la première victoire du nouveau général qui ne veut pas même donner aux vainqueurs un moment pour respirer. Il court à Chemillé, protégé par deux cents républicains et trois couleuvrines ; les républicains veulent faire feu, Cathelineau ne leur en laisse pas le temps ; il fond sur eux avec des fourches et des bâtons. Les fusils, les couleuvrines et la ville de Chemillé, tout est à lui.
Le bruit de pareils succès se répand. Ils frappent de terreur les républicains habitués à une guerre en règle ; mais ils donnent un magnifique élan à ces populations déjà fatiguées d'une liberté qui n'existait que de nom. Chaque buisson enfante un soldat, chaque métairie fournit des volontaires.
Forêt, l'un de ceux qui, à Saint-Florent, a été le plus ardent à prêcher l'insurrection, le rejoint avec les Vendéens qu'il conduit. A la voix de Cathelineau qui vient de tuer d'un coup de fusil un gendarme s'attachant à le poursuivre, les habitants de Chanzeaux se soulèvent, et le 15 mars, cette, armée recrutée par la foi et le dévouaient pénétrait dans Chollet, après s'être réunie à la troupe de Stofflet, créée comme celle-ci sous l'inspiration d'un homme ignoré. La ville était gardée par cinq cents hommes, défendue par une imposante artillerie ; rien de tout cela n'arrête les royalistes.
Enfoncés dès le premier choc, les bleus fuient en désordre ; Stofflet, Cathelineau et Forêt suivent leurs pas : amis et ennemis, tout entre pêle-mêle à Chollet, tombant au pouvoir des Angevins avec son artillerie, ses munitions, et surtout la Marie-Jeanne, belle pièce de huit donnée jadis au cardinal de Richelieu par le roi Louis XIII, à laquelle, à partir de ce jour, par une superstitieuse croyance, ils vouèrent une espèce de culte.
Ces exploits inespérés sont un signal donné à la Vendée ; elle y répond avec entraînement. Deux hommes, fils de paysans, paysans eux-mêmes, ont appelé aux armes ces masses catholiques et royalistes qui souffraient jusqu'alors sans se plaindre.
Stofflet d'un côté, Cathelineau de l'autre, viennent de leur prouver ce que peuvent la force et la piété. Cathelineau, le scapulaire sur le cœur et le sabre à la main, a vaincu, avec quelques campagnards, des bataillons aguerris ; avec eux il a pris des villes et des canons. Son exemple précipite la Vendée au milieu des combats. Et dans cet élan général, y a-t-il moins de dévouement que dans celui dont sont animés les volontaires de 93 courants aux frontières pour vaincre les puissances coalisées ?
Cathelineau est, selon nous, la plus expressive personnification de la Vendée. Sa grande figure historique, et qui pourtant n'apparaît que pendant quelques mois, résume bien le caractère enthousiaste de ces géants échappés de leurs landes ou de leurs bocages pour devenir soldats.
Cathelineau est leur égal, leur frère, leur ami ; il a jusqu'à trente-cinq ans vécu comme eux de la vie des champs. Il ne connaît du monde et de ses passions que ce que le curé du Pin-en-Mauges, sa paroisse, lui en a dit dans ses prédications ; mais il a vu souffrir, il a compris que la persécution allait venir, et le premier, on l'entend jeter dans la balance son avenir si paisible, et son existence si heureuse d'obscurité.
Cet homme, qui s'ignorait lui-même, possédait enfouis dans le secret de son âme, des trésors d'intelligence se répandant dans les conseils en traits de vive lumière, dans les combats, en éclairs d'inspiration stratégique.
Tour à tour soldat, général ou prophète, il se montrait sur les champs de bataille avec la simplicité ou l'enthousiasme qui frappaient les Vendéens et il s'y montrait sans calcul, sans arrière-pensée, comme entraîné d'abord lui-même par cet ascendant providentiel que les autres allaient subir après lui.
Le manteau de grossière étoffe flottant sur ses épaules, le long rosaire suspendu à son cou, son chapeau à larges bords dont la plume blanche avait si souvent servi de point de ralliement à ses amis, de point de mire aux républicains, ses manières si pleines d'une affectueuse franchise, sa piété si tendre et si facile, tout en lui frappait vivement l'imagination, commandait le respect ou inspirait la confiance. Ne nous étonnons donc pas de l'empire qu'il exerça sur les chefs et les paysans.
Ce que fit Cathelineau, tous l'ont fait. Mais dans sa famille, nous trouvons un de ces modèles de dévouement bien rares à cette époque, même en Vendée, et c'est ce modèle qu'il faut citer pour apprendre à en parler dignement. Cathelineau avait une nombreuse parenté : trois frères, quatre beaux-frères, seize cousins germains. Tout cela prit parti dans la guerre, tout cela combattit avec ardeur, et mourut dans l'espace de moins de trois ans.
Parvenu en si peu de jours à réunir une petite armée, Cathelineau s'empresse, avec une modestie pleine de loyauté, de se mettre sous les ordres de M. d'Elbée, qui venait se joindre aux Vendéens vainqueurs. On le vit lui décerner le commandement des troupes que seul il avait conduites à la victoire.
On l'entendit plus d'une fois s'écrier : « C'est aux gentilshommes à nous guider. Ils sont aussi braves que nous, mais ils entendent mieux que nous l'art de la guerre. » Et conséquent avec ses paroles, dans le premier moment, il se fit un honneur de servir sous les ordres de Bonchamps et de d'Elbée. Il n'en acquit que plus d'influence sur ses égaux et même sur ses supérieurs en naissance. La Vendée lui tint compte de cette abnégation dont elle avait l'intelligence ; et, de ce jour, le nom de Cathelineau fut un de ceux qu'elle honora avec le plus d'enthousiasme.
Ce nom était un drapeau, une espèce de talisman contre lequel (les soldats catholiques le pensaient du moins) devaient se briser les armes républicaines. Sa piété candide était si vénérée que, par une noble superstition, tous cherchaient dans les combats à se placer près de lui, persuadés qu'on ne pouvait être blessé à côté de celui que, dans leur justice, ils proclamaient le Saint de l'Anjou. La confiance des paysans pour Cathelineau se montrait partout et en tout.
Son éloquence naturelle, si parfaitement à leur portée, lui donnait un ascendant extraordinaire dont il n'eut jamais l'idée d'abuser. Il ne s'en servit que pour le bien général, ignorant même quel avantage l'ambition ou l'amour-propre pouvaient lui en faire tirer.
Lorsqu'il fallut commencer à donner une apparence d'organisation à ces masses, n'ayant encore que l'instinct militaire et croyant tout fini, quand à force de valeur elles avaient repoussé un ennemi effrayé par leur soudaine attaque, Cathelineau développa une connaissance de la guerre qui surprit tous les chefs déjà habitués aux combinaisons stratégiques.
Il obtint sans peine et par la force seule de la persuasion ce que n'auraient peut-être jamais osé demander les gentilshommes que les victoires de Cathelineau et de Stofflet faisaient sortir de leurs châteaux ou que les paysans en arrachaient. Il disciplina ses Angevins autant qu'il était permis de les discipliner, puis les hostilités recommencèrent.
Revenus de leur première stupeur, les généraux républicains s'étaient concertés pour étouffer à son berceau cette insurrection menaçant le gouvernement que la convention venait d'établir.
Le moment d'arriver à leur but semblait propice ; c'était le temps de Pâques. Cathelineau lui-même avait voulu, avant de continuer la guerre, retourner dans son village, pour y remplir en famille les devoirs prescrits par la religion. Chaque Vendéen suivait cet exemple. Il n'y avait plus d'armée, plus même de traces ostensibles de soulèvement. Il fut donc bien facile aux bleus de préparer une terrible résistance et de prendre toutes leurs précautions.
Ils les prirent en effet si bien que leur plan paraissait immanquable. Ils devaient attaquer sur tous les points à la fois. De nouvelles troupes leur arrivaient de tous les côtés. Plusieurs bataillons, composés de vainqueurs de la Bastille et qui portaient ce sobriquet, étaient descendus de Paris. Leur intrépidité était accrue par l'ardeur effrénée du pillage qu'ils avouaient hautement.
Plus de vingt mille hommes se trouvaient ainsi réunis, lorsque, instruits de ce projet, les capitaines de paroisse font sonner le tocsin dans tous les villages.
Le lendemain une armée entière a répondu au signal. Cathelineau est un des officiers qui la dirigent ; elle se porte à Chemillé. Le général républicain Buhoux, avec cinq mille hommes, marche à leur rencontre et les attaque avec impétuosité. C'était la première bataille rangée à laquelle généraux et soldats assistaient.
Cathelineau, pour donner l'exemple, fond sur les bleus. La mitraille tombe autour de lui, les balles sifflent sur sa tête, elles déchirent son habit de bure ; rien ne l'ébranle.
Les paysans ne restent point en arrière ; les uns prennent à dos, les autres en flanc l'ennemi qui est bien loin de compter sur une semblable manœuvre. Il plie et recule. Duhoux est blessé par Cathelineau lui-même. Le général Menou le remplace, et, à la vue de l'horrible carnage des siens, il ne songe qu'à ordonner une prompte retraite.
Ce succès aurait dû être le prélude de bien d'autres, mais, faute de munitions, Cathelineau ne peut profiter de la victoire. Déjà ses éclaireurs annonçaient la présence des différentes colonnes républicaines.
Le général angevin est donc forcé de concentrer sa division à Beaupréau, où se confondaient ensemble celles de Bonchamps, de Stofflet et de Bérard. Le moment était décisif. Toujours plus resserrée par les bleus, l'armée se porte vers Tiffauges où l'attendent peut-être d'immenses désastres, lorsqu’Henri de La Rochejaquelein, qui marche à la tête des Poitevins, accourt la délivrer et réunir ses forces à celles des chefs de l'Anjou.
L'insurrection, anéantie sans le concours inespéré de M. Henri, prend alors une extension sur laquelle on n'aurait peut-être jamais osé compter.
Le 16 avril, Cathelineau attaque la division du général Lygonnier, campée entre Vezin et Coron, L'action fut vive, mais entraînés par la brillante valeur de leur chef, les Vendéens s'emparent de l'artillerie républicaine ; elle est tournée contre l'ennemi qui prend la fuite, laissant mille morts sur le champ de bataille et poursuivi jusqu'à Vihiers. Le château de Boisgrosleau, près Chollet, contenait une garnison de cent soixante grenadiers.
Pendant deux jours et deux nuits, quoique sans vivres, ils résistent à l'armée royale et ne capitulent qu'après avoir brûlé leur dernière cartouche.
Cathelineau et M. Henri ordonnent d'épargner la vie de ces grenadiers. Il fait plus ; pour honorer leur courage et donner aux bleus une leçon de clémence, il leur rend à tous la liberté sans condition ; puis il s'avance vers le général Gauvilliers dont les détachements occupent Chemillé et Montrevault.
D'Elbée, Stofflet et Bonchamps se joignent à eux le 24 avril, et Gauvilliers doit répondre des incendies qu'il a ordonnés, des massacres qu'il a préparés, et du funeste exemple qu'il laisse. Il est en face des Vendéens, dont les chaumières fument encore. Les bleus, commandés par lui, tiennent bon. Ils opposent la valeur à la valeur ; mais leurs efforts échouent contre des hommes qui, avec des bâtons, et sans connaître aucun danger, se ruent en aveugles sur les canons et les baïonnettes : Gauvilliers recule.
Cathelineau s'aperçoit de ce mouvement. Il se