L'Express

Huit mois au cœur de la diplomatie française

« On ne fait pas cornichon dans le pot de cornichons. » Triviale, la formule, entendue de la bouche d’un éminent responsable de l’entourage d’Emmanuel Macron, signe l’ambition diplomatique française. Se distinguer, peser, manœuvrer et, toujours, se hisser dans la cour des grands, des beaucoup plus grands. Plus agile que l’Allemagne, plus européenne que le Royaume-Uni, moins empêtrée que les Etats-Unis. A Tel-Aviv, à Doha, à Kiev, à Beyrouth ou au premier étage de l’hôtel The Peninsula, à Paris, ambassadeurs, conseillers, agents secrets français courent, consultent, tentant de faire émerger de minuscules voies vers un apaisement politique, vers une esquisse de solution, la « moins pire » possible. Car, de meilleure, il ne saurait être question.

Depuis le 7 octobre, la stratégie française est un double, triple, quintuple plateau d’échecs, et un théâtre. Dans l’ombre des premiers rôles, ceux dont les tirades policées occupent la scène, s’agite une foultitude d’acteurs, émissaires ambitieux, intermédiaires fiévreux, janissaires muets. Leurs confidences tissent ici le récit des – vraies – coulisses de la diplomatie française.

7 octobre 2023

C’est « en source ouverte » – comprendre : sur les réseaux sociaux – que l’Elysée découvre l’horreur. Le conseiller diplomatique du chef de l’Etat, Emmanuel Bonne, mâchoire carrée et cheveux ras, un mental de « GI », comme il dit, moqueur, de luimême, demande au Quai d’Orsay d’ouvrir une cellule de crise. Les réunions s’organisent autour d’Emmanuel Macron, leur contenu est classifié, si bien que les conseillers partis en week-end ne peuvent y accéder à distance. Un premier entretien téléphonique entre le président français et Benyamin Netanyahou se tient à 14 h 15, il sera suivi d’un autre, le 9 octobre. Le Premier ministre israélien parle, ton méconnaissable. Quelques mots, de longs silences, il écoute les condoléances. Le « street fighter est hagard », témoigne un auditeur. A 3 300 kilomètres de là, le consul général de France à Jérusalem, Nicolas Kassianides, dont le sommeil est légendaire, est réveillé par les sirènes. C’est la panique parmi les milliers de familles rassemblées pour la fête juive de Soukkot. Or la Ville sainte compte 32 000 Français. Les demandes de départ affluent, mais Air France a arrêté ses vols vers Tel-Aviv. Les jours suivants, 3 500 Français sont rapatriés dans des avions affrétés par l’armée. Sur l’île de Formentera, aux Baléares, où il passe la fin de semaine avec des amis, dont un ancien ambassadeur israélien, Ofer Bronchtein, chargé de mission d’Emmanuel Macron pour le rapprochement israélo-palestinien, son combat depuis cinquante ans, est saisi. « Il est d’emblée évident que nous allons faire face à de la violence extrême de part et d’autre », commente-t-il le jour même sur Franceinfo.

Dès le 8 octobre, l’ambassade de France à Tel-Aviv apprend qu’une Française a été assassinée. Le bilan sera porté à 42 ressortissants tués, parmi les 1 163 victimes. Nicolas Kassianides assiste aux enterrements dans le cimetière Har Hamenouhot, ou y dépêche son second ; ils notent que souvent les familles les étreignent. Pour la première fois depuis longtemps en Israël, terre où la diplomatie française a souvent brillé par ses rivalités,

Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.

Plus de L'Express

L'Express3 min de lecture
Le Peuple Piégé Par Les Extrêmes
Tous les gens de bonne foi le reconnaissent enfin. Emmanuel Macron a confirmé ce que nos professeurs nous avaient enseigné à propos de la Ve République : le clivage gauche-droite classique est le meilleur antidote à la montée de l’extrémisme. Et à l’
L'Express3 min de lectureInternational Relations
Le Tour Du Monde En 6 Infos
Reclus pendant sept ans dans l’ambassade d’Equateur à Londres puis enfermé dans une prison de haute sécurité depuis 2019, le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, a conclu un accord de plaider-coupable avec la justice américaine le 24 juin, avant d
L'Express2 min de lecture
Quand Demander Un Permis De Construire ?
Vous comptez aménager votre domicile, rénover un bien immobilier locatif ou construire une piscine ou une véranda dans votre résidence secondaire ? Attention, ces travaux nécessitent parfois le dépôt d’un permis de construire. Ce document administrat

Associés