Longtemps, elle s’est interdit d’y toucher, osant à peine s’en approcher. Un peu comme si elle n’était pas digne des mélodies qui s’en échappaient. À 10 ans, elle avait bien tenté de s’y confronter mais elle n’avait éprouvé aucune émotion. Et puis, à l’âge des premiers tourments, alors qu’elle n’avait plus goût à rien, le piano noir désaccordé du salon est réapparu. Un jour qu’elle écoutait en boucle Tom Odell dans sa chambre, elle a commencé à plaquer des accords en répétant des paroles. « J’ai compris à ce moment-là que j’avais trouvé un compagnon et que je ne m’ennuierai jamais plus. »
Zaho de Sagazan me raconte cette histoire une après-midi de printemps, dans un joli pavillon de Seine-et-Marne, en banlieue parisienne. Vêtue d’un ample costume beige, assise dans un fauteuil de jardin, elle roule une cigarette en souriant de sa bonne fortune. Le public l’adule, la critique l’encense, les récompenses tombent les unes après les autres : deux prix aux Music Move Europe Awards, quatre Victoires de la musique (révélation féminine, révélation scène, meilleur album, chanson de l’année), un disque de platine. La presse internationale la compare déjà à Dua Lipa ou Stromae. Quand je l’interroge sur son succès, elle élude, modeste, en citant le grand Jacques Brel : «