Elle est devenue incontournable, centrale. Alors qu’autrefois, chiens, cochons d’Inde, lapins, chats, etc. peuplaient les laboratoires, aujourd’hui une seule espèce, la souris domestique Mus musculus, écrase toutes les autres. Dans le monde, elle représenterait à elle seule environ 60 % de l’ensemble des animaux de laboratoire, reléguant le reste de la création, des poissons zèbres aux calmars, en passant par le furet, au rang de lointains outsiders réservés à des études très spécifiques. Car depuis des décennies déjà, lorsqu’une équipe engage un travail biomédical, qu’il s’agisse d’explorer un mécanisme ou de tester une molécule, c’est, par défaut, sur des souris.
Résultat ? Selon un article publié en 2023, la recherche mondiale consommerait au moins 50 millions de souris de laboratoire par an. L’animal est devenu l’objet d’un élevage intensif mondialisé et high-tech, dont la valeur était estimée par Bloomberg à 1,69 milliard de dollars annuels. À la clé, des souris conçues sur mesure, parfois de véritables chimères, pour être au plus près des attentes des chercheurs. Ce marché de l’élevage de souris, à peu près stable en Europe, continue de croître d’environ 7 % par an dans le monde, entraîné notamment par la recherche biomédicale chinoise.
UN PROBLÈME DE FIABILITÉ
Seulement voilà : les chercheurs se rendent compte de plus en plus que la souris n’est pas si fiable que cela – nombre de résultats obtenus avec elle seraient trompeurs… Voyez plutôt : seuls 8 % des composés chimiques qui fonctionnent sur les souris franchissent l’étape des essais cliniques sur les humains ! Malgré des techniques d’élevage de plus en plus standardisées, ce pourcentage n’augmente pas. Il est même si faible qu’aujourd’hui, certains chercheurs songent à rétropédaler, à se tourner vers des souris plus “naturelles”, bien différentes de celles produites actuellement ; à moins de révolutionner leurs conditions d’élevage… Comment en sommes-nous arrivés là ? Rembobinons.
Cette domination planétaire de la souris sur est un mammifère, ce qui permet de nombreuses comparaisons avec l’humain. Au sein des mammifères, c’est en outre l’un des plus petits (moins de 30 g) : un gain en termes d’occupation d’espace. Ensuite, la souris est féconde à l’âge de 45 jours environ, et met bas moins de 3 semaines après, d’où une chaîne de reproduction rapide. Enfin, ce rongeur supporte bien la proximité de l’homme et la captivité.