LIVRES MÉCONNUS OU OUBLIÉS
Au cours de la décennie passée, j’ai plus d’une fois, dans ces colonnes, glorifié des gourgandines. N’ayant, à ce jour, essuyé ni foudres vaticanesques ni intimidations cafardes, je récidive allègrement en vous offrant les Mémoires d’une godailleuse chevronnée. Elle était allemande et cantatrice. Dans son autobiographie publiée à Paris en 1911, Richard WagnerSchröder-Devrient décida de sa carrière de compositeur d’opéra. Il était très jeune lorsqu’il l’entendit dans à Leipzig. Cette représentation enflamma tant le jeune spectateur qu’il écrivit à la cantatrice une lettre où il déclarait que, grâce à elle, sa vie avait désormais un but, et que si un jour il devait se faire un nom Bien plus tard, en 1842, quand Wagner présenta son à Dresde, il sera souvent reçu par la diva. Elle avait conservé la lettre. Pour cause de débauche, Wagner sera expulsé de son école en 1830, aucun de ses professeurs ne voulant le faire admettre à l’université. Innocent petit Richard! Les activités extra-musicales de la belle Wilhelmine n’étaient pas encore ébruitées. Dans l’univers longtemps clandestin des collectionneurs de livres pornographiques, Wilhelmine devint une célébrité en 1913, avec la version française des . Les deux tomes de l’original allemand avaient paru à Altona en 1868 et 1875, huit ans après la mort de la Ces sont une supercherie très réussie. On soupçonne l’éditeur August Linz de les avoir mitonnés avec l’aide d’une sauceuse payée pour ajouter des épices typiquement féminines. La version française, non édulcorée, a été tartinée par Blaise Cendrars et Guillaume Apollinaire (licencié ) et publiée par Jean Fort, un éditeur que Salmon qualifie de (l’Enfer de la Bibliothèque nationale). À ceux qui goberont docilement ses confessions, la Schröder-Devrient apparaîtra non comme une femme libérée, pour employer une formule récente, mais comme une femme libre, dans l’acceptation des Lumières, mais tout de même copieusement irradiée par Mirabeau, Nerciat, Sade, des virtuoses cités dans le livre.