L’arme nucléaire a-t-elle changé la guerre et la manière de la conduire? Après les deux bombardements atomiques américains sur les villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki, les 6 et 9 août 1945, cette question ne tarde pas à susciter non pas un, mais plusieurs débats qui touchent tout autant à la nature de l’arme qu’à l’effet de celle-ci sur la stratégie, voire sur la conduite des combats. La controverse nucléaire, sur fond de guerre froide, s’articule rapidement autour de deux aspects: le caractère « révolutionnaire » ou non de la Bombe elle-même et son impact sur la conduite d’une guerre éventuelle.
Le premier débat peut sembler surprenant, tant le caractère exceptionnel de l’arme nucléaire semble aujourd’hui évident du fait de son inimaginable pouvoir de destruction, sans commune mesure avec les armes précédentes… ou postérieures. En 1963, dans son Introduction à la stratégie, le général André Beaufre (voir encadré) résume ce pouvoir au travers d’une comparaison entre la puissance de la Bombe et celle du vénérable canon de 75 mm de la Grande Guerre: « Une bombe atomique moyenne de vingt [kilotonnes] produit une force explosive égale à celle d’une salve de quatre millions de canons de 75. Une bombe thermonucléaire moyenne d’une [mégatonne] représenterait une salve de 200 millions de canons de 75 ! » Une « révolution extraordinaire », pour Beaufre, car « cette puissance énorme dont l’efficacité est encore multipliée par les retombées atomiques est déclenchée. Et Beaufre de conclure avec emphase: « »