Des tranchées de la Grande Guerre aux photos de chars embourbés et de tourelles arrachées dans l’Ukraine de 2022, le char est la machine de guerre emblématique de la guerre contemporaine, et les combats qui opposent ces blindés rythment depuis leur apparition l’histoire militaire, si bien que le pictogramme les représentant dans les infographies est quasi universellement compris.
Pour autant, la mention souvent utilisée de « batailles de chars » est un abus de langage. Ce n’est pas tant du seul char en tant que machine qu’il s’agit ici, mais de la pratique plus ou moins heureuse d’une technique, celle que l’historien et officier suisse Eddy Bauer (1902-1972) baptisait au lendemain de la Seconde Guerre mondiale « guerre des blindés » et qu’il convient en réalité d’élargir en parlant de « guerre mécanisée » – le terme guerre ne renvoyant pas ici au concept politique, mais plutôt à celui d’activité, que l’anglais transcrit mieux en distinguant war (la guerre dans son ensemble), et warfare (la pratique de la guerre).
La guerre mécanisée est un objet historique total : le volet technicien n’est que l’un de ses aspects. Dans les combats mécanisés (les « batailles de chars » abordées dans les pages qui suivent), la technologie des machines a souvent moins d’importance que leurs tactiques d’emploi, la qualité des équipages, la cohérence de l’organisation des unités et de leur articulation sur le champ y dépend souvent (sinon toujours) de celle des autres armes – fantassins, sapeurs, artilleurs, etc. –, ou bien de l’aviation… De même que le char ne représente pas forcément la majorité des engins déployés, l’efficacité des unités blindées ne dépend pas nécessairement du nombre de tanks qu’elles encadrent, comme le démontrent parfaitement les combats entre Soviétiques etAllemands en Ukraine à l’été 1941 ().