INTERVIEW
Rien n’a bougé d’un centimètre, ni les disques d’or, ni le portrait de Brigitte Bardot par le photographe Sam Levin. Le salon noir et or où il se mettait en scène dans un véritable cabinet des curiosités est resté dans le même état qu’à sa mort. Même la banquette vénitienne à tête d’aigle où il passait ses après-midis à laisser germer ses futurs succès a gardé l’empreinte de son fessier, toujours assis sur le côté droit. Se glisser chez Serge Gainsbourg est une expérience assez unique dans le sens où elle achève d’approcher un auteur-compositeur-interprète qui semblait s’offrir tout entier à son public sans pour autant se dévoiler complètement. Sa maison, c’était déjà un musée de son vivant pour ses visiteurs, qu’ils soient artistes ou journalistes. Sa fille Charlotte l’a pris au pied de la lettre et en a fait une promenade immersive. Guidé par sa voix, on traverse cet antre dont les proportions étonnent. Tout est à hauteur d’enfant chez le virtuose, de la cuisine à la salle de bains, jusqu’à la pièce de Jane Birkin devenue la chambre des poupées après son départ en 1980. Ce qui surprend encore, outre les collections d’insignes de flics, les photos de Marilyn Monroe sur tous les murs, pas si loin d’un encadré relatant les débordements autour de sareggae à Strasbourg en 1980, c’est le mode de vie ascétique d’un homme(9 septembre 1899) couvrant l’affaire Dreyfus, avec pour titre. On la retrouvera dans le musée adjacent revenant sur le parcours de ce fils de réfugié russe ayant dû porter l’étoile jaune à l’école. Pénétrer dans la maison de Serge Gainsbourg, c’est avoir les clés d’une destinée qui se libère de toute assignation à résidence par le biais de l’art où l’intégration procède d’une élévation de l’âme par des voix multiples et singulières chez ce génie qui savait les mettre en musique. Parce qu’ils ont écrit trois albums ensemble et que Serge Gainsbourg avait conservé précieusement les bandes orchestres de son album, nous avons proposé à Alain Chamfort de nous accompagner dans cette visite avant de poursuivre dans le musée puis de prendre un verre au Gainsbarre.