Vivre à la campagne ? Surtout pas ! « C’était inimaginable pour moi, se souvient Alice Erb-Malet, 39 ans, assise à la longue table en bois de sa maison percheronne. Cela voulait dire quitter mon boulot, m’occuper de mes enfants à temps plein, les conduire à l’école et à leurs activités… » Mais l’épidémie du Covid a chamboulé son existence et balayé ses préjugés. Le confinement les a « fait vriller », son mari Matthieu, 46 ans, et elle : « Nous nous sommes retrouvés enfermés dans notre appartement de Boulogne-Billancourt, sans balcon, ni bureau, avec nos deux gamins, à devoir à la fois télétravailler et faire l’école. » Avec, aussi, le regret mordant de ne pas avoir déniché la résidence secondaire de leurs rêves, malgré une dizaine de visites dans le Perche, cette région de bocage verdoyant et de douces collines qui englobe le sud de l’Orne et empiète sur la Sarthe et l’Eure-et-Loir.
Matthieu ne s’est pas découragé. Pendant les longues semaines de claustration contrainte, il a écumé sans relâche les sites immobiliers. Jusqu’à ce qu’il flashe sur une annonce : une fermette et ses deux microdépendances bordées par une immense prairie, en lisière du Theil-sur-Huisne, dans l’Orne. « Le week-end qui a suivi la levée du confinement, nous avons bravé la limite des 100 km autorisés pour venir », raconte Alice.
En juillet dernier, Alice et Matthieu ont soufflé leur première bougie d’« accourus » – c’est le surnom, mi-figue, mi-raisin, dont on affuble ici les Parisiens. La définition de ce néologisme figure à la page 29 d’un petit livre à la couverture sépia, intitulé Trésor du parler percheron : « Étranger au pays, et à qui le Percheron méfiant n’accorde pas de prime abord sa confiance », d’après cet ouvrage édité en 1979 par l’Association des Amis du Perche.
La pandémie venue de Chine a donné une nouvelle jeunesse à ce vocable aux origines obscures. Dans la douceur d’un printemps 2020 précoce, des hordes de Parisiens claustrophobes ont sauté dans leur voiture ou dans un , pointe la journaliste Sophie Coignard, de longue date, dans le livre coécrit avec son compagnon, Michel Floquet, (Albin Michel).