Aix-en-Provence, il y a deux étés. Le rideau se levait sur Innocence, chef-d’oeuvre unanimement salué d’une créatrice exceptionnelle, qui affirmait plus que jamais dans cet opéra poignant et magnifique sa maîtrise de la voix, de l’orchestre, du temps, du son. D’un son, plutôt, reconnaissable entre tous, fait de brillances, de lumières, de transparences; de frémissements et d’impulsions; de lenteurs aussi. Le sien.
Il y a soixante-dix ans, le 14 octobre 1952, naissait à Helsinki Kaija Anneli Laakkonen – elle gardera après leur divorce le nom de son premier époux. Sa santé fragile conduit ses parents à l’inscrire dans une école Steiner où elle découvre musique et arts plastiques: elle y fera du violon (viendront ensuite piano, orgue et guitare). Elle y travaillera, déjà, la couleur, en sujets abstraits et tons primaires. A l’université, elle étudie la musicologie mais, peu confiante en ses capacités de compositrice – elle sait déjà, sans l’oser encore, quelle sera sa voie –, entre à l’Académie des Beaux-Arts comme le souhaitait son père. Elle en conservera l’amour de la peinture et, plus tard, avouera résoudre parfois ses questionnements structurels en dessinant.
En 1976, elle est admise à l’Académie Sibelius où elle étudie avec Paavo Heininen, ancien élève (« ») avec quelques camarades dont Magnus Lindberg, Jukka Tiensuu, Jouni Kaipainen, Esa-Pekka Salonen et Anssi Karttunen. Désireux d’échapper à certain « nationalisme » finlandais, le groupe organise séminaires et concerts, diffusant les compositeurs de la seconde école de Vienne, cherchant à faire connaître une avant-garde en devenir. Mais Kaija Saariaho aspire à quitter la Finlande, ce qu’elle fera en intégrant la Musikhochschule de Fribourg-en-Brisgau: ses maîtres y seront Brian Ferneyhough et Klaus Huber. Elle a toutefois le sentiment que l’intellectualisation ne lui convient pas et croit fermement que sa musique devrait susciter davantage l’écoute que l’analyse.