L’aube est encore loin en cette nuit d’automne 404 av. J.-C. quand une odeur de fumée réveille Alcibiade et sa maîtresse Timandra, endormis dans une maison de Melissa, ville de Phrygie, en actuelle Turquie centrale. Pendant qu’elle s’enroule dans la couverture, terrifiée, lui sort nu du lit et ouvre la porte – pour être aussitôt assailli par les flammes des fagots jetés en tas contre l’entrée. Alcibiade sort précipitamment sa compagne du lit, s’empare du matelas et le jette sur les flammes. Puis il enroule la couverture autour de son bras comme un bouclier et saisit une dague qui traînait là. Poussant son cri de guerre, il se rue à travers l’entrée, certain de trouver des ennemis… mais il n’y a personne en vue: les assaillants attendent tapis dans la pénombre. Une flèche le perce, puis une autre, suivies de javelines. Alcibiade s’effondre, mort avant d’avoir touché terre. Le silence retombe aussitôt et il faut de longues minutes à la belle Timandra pour rassembler son courage et tirer le corps de son amant dans la chambre, où elle le lave et procède aux rites que réclament les dieux…
La mort d’Alcibiade – du moins d’après les écrits (potentiellement exagérés) de plusieurs historiens antiques – est aussi spectaculaire et agitée que sa vie. Un vrai roman, qui ferait aujourd’hui le bonheur de Netflix: ce playboy libertin, militaire élevé à la dure et maître politicien, a trahi par trois fois Athènes, sa patrie, et l’a conduite à sa perte. Pourtant, », dans ses discours à l’assemblée d’Athènes, dans sa conduite d’une armée ou d’une flotte, dans les intrigues de la cour perse et même lorsqu’il couchait avec la femme d’un des rois spartiates! Plutarque, qui comme d’autres auteurs grecs et romains, a été fasciné par sa vie, lui avait trouvé un surnom approprié: le caméléon.