Metallica
72 Seasons
VIRGIN/UNIVERSAL
★★★½
U’ATTENDRE D’UN ALBUM de Metallica? Lancinante, la question refait un tour de piste depuis un paquet de temps, à chaque fois qu’une nouvelle fumée plus ou moins blanche s’extirpe du quartier général du groupe du côté de San Rafael, en Californie. À (vingt ans déjà!) et de cette batterie sonnant comme une casserole – pour résumer – ont bien été retenues. Aucun risque avec donc. Une fois encore, c’est une grande virée à travers les diverses “humeurs” de sa discographie que Metallica offre, telle une visite d’une attraction dont il aurait conçu le moindre décor, le moindre… rebondissement, au long des 13 titres et 77 minutes du périple nouveau. Oui, l’explorateur patenté de ses “72 saisons” n’aura aucun mal à entendre des réminiscences des premières années thrash du groupe, à s’étonner des similitudes voulues ou non du riff principal de “Sleepwalk My Life Away” avec celui de “Enter Sandman” et ainsi de suite. Jusqu’à cette propension à “étirer” ces nouveaux morceaux et parfois au-delà d’introductions instrumentales qui aiment prendre leurs aises – seul “Lux Æterna” se contraint à un peu plus de trois minutes, comme par hasard jeté en pâture en guise de premier single. Et quand ce n’est pas son propre ADN avec lequel il semble vouloir faire joujou, c’est un clin d’œil, une allusion, qui vient poindre ici ou là: à Motörhead ici, à Ozzy Osbourne là (les voix doublées au beau milieu de “You Must Burn!”), à la New Wave of British Heavy Metal d’antan, plus généralement, sur “Lux Æterna”. Un problème en soi? Tout le contraire, tant Metallica sait en l’occurrence caresser dans le sens du poil et y puise une énergie aussi étonnante que communicative. Oui, on tape du pied, du genou et de la cuisse en parcourant . Oui, le headbanging sera tout autant de la partie pour peu que l’écoute puisse se faire seul ou sous le regard de gens compatissants, et ça suffirait déjà amplement à notre bonheur. Il serait toutefois dommage de passer à côté de ce que l’on entend nous dire ici avec… des mots. Bien qu’avare dans ses explications, James Hetfield a laissé percer que les 72 saisons en question correspondaient aux 18 premières années d’un homme, celles où tout se forme et se construit, selon lui. Impossible pour autant de ne pas voir dans ce défilé vocal de cauchemars plus ou moins éveillés, de terreurs et d’angoisses répétées pouvant mener jusqu’à des pensées suicidaires, dans ces démons qui vous suivent comme des ombres ou ces nuits sans sommeil, autant d’allusions coups de poing à certaines de ses épreuves personnelles. Saisissante façon d’afficher une fragilité en s’appuyant sur la force d’un collectif, qui semble faire plus corps que jamais.