G&H: L’idée qu’il existerait une « guerre populaire » opposée à la « guerre des despotes » est-elle née avec la Révolution?
Bernard Gainot: Non. L’association entre armée permanente et despotisme vient de la révolution anglaise du XVIIe siècle, et elle se perpétuera avec le parti whig. Elle s’enracine ensuite dans les Lumières, notamment chez Montesquieu et Rousseau. C’est également un thème développé par Marat dès 1776 dans son ouvrage Les Chaînes de l’esclavage: il condamne l’armée permanente parce qu’elle enferme les soldats dans des casernes et les sépare ainsi du peuple. Pour lui, le citoyen armé forme la base du contrat social et peut, temporairement, endosser l’uniforme mais sans renoncer à ses droits civiques. L’armée prussienne représente, dès avant la Révolution, le type achevé de l’armée des despotes car elle repose sur des manoeuvres complexes opérées par des soldats transformés en « automates » par une discipline inhumaine.
Les révolutionnaires