Les soldats de l’an II sont entrés dans la légende, forgeant le mythe du « soldat-citoyen ». La « nation armée » incarne encore l’idée de la « régénération » de la France, révolutionnée et républicaine. Pourtant, l’une des plus célèbres images d’Épinal de l’historiographie, la bataille de Valmy, a été largement tributaire de la contenance des troupes de ligne, commandées par des officiers généraux nommés avant la Révolution et complétées par des bataillons de volontaires. Moins de deux ans plus tard, à Fleurus, l’armée est présentée comme différente. Mais est-ce vraiment le cas?
En 1789, les effectifs théoriques de l’armée de terre du royaume de France (voir infographie p. 28) s’élèvent à un peu moins de 164 000 hommes, dont 120 000 pour la seule infanterie. En réalité, on compte un peu plus de 156 000 hommes, dont 116 000 fantassins. Il faut ajouter également 33 000 cavaliers et 6 000 artilleurs (au lieu des 10 000 théoriques). À ces troupes régulières s’ajoutent les 75 000 recrues de la milice, extrêmement impopulaire.
L’armée de 1789: la belle endormie
Sous Louis XVI, le recrutement des « troupes réglées » (soldats de métier) reste toujours problématique. L’engagement vaut pour 8 ans, et la signature n’est obtenue que par un recours sans vergogne au racolage, fortement teinté de subterfuges rhétoriques et physiques. Outre le fait de leur « payer le coup », on profite de la naïveté des cibles en leur faisant miroiter une paye supérieure à celle d’un ouvrier agricole et en leur assurant le pain – alors que les populations restent menacées par des crises frumentaires endémiques, avec un pic à partir de la seconde moitié de l’année 1788. L’armée de 1789 reste composée essentiellement de ruraux, ce qui est logique puisqu’ils représentent 80 % des sujets. Mais les citadins sont statistiquement en) – la crise économique est la cause essentielle de cette surreprésentation.
