Ce roman a été écrit sous le règne d'un lieu: ». Le mot est en italique comme pour insister sur son unicité. Les trois lettres penchées semblent inoffensives. Et pourtant… « Ici » On est loin du premier roman – – de Christelle Dabos, mais quel est ce nouvel endroit littéraire? Comment le définir sans en sacrifier toutes les subtilités? Iris, Guy, Pierre, Vincent, Louise, Madeleine et d'autres déambulent, se croisent, se toisent. Tout en phrases courtes et en sonorités percutantes, ce livre prend le contour d'une chronique au collège, mais on n'en a jamais lu de telle. La romancière décrit ainsi comme personne, dans une violence sourde et envahissante. Dans les couloirs, les professeurs sont là. Presque complices, en tout cas témoins silencieux. Tout comme les parents. Christelle Dabos instaure une distance fascinante rendant le récit fantomatique, à la lisière du fantastique et d'un réalisme désarmant. Le lieu est cinématographique, les descriptions des couloirs, des bâtiments, des caves et canalisations, organiques. L'omniprésence de liquide – de l'urine aux eaux usées – engendre autant la peur que le dégoût. , tout est du domaine du ressenti mais tout est sous contrôle. L'énigmatique Prince dicte sa loi, les Hauts et les Bas sont à leur place, le Club Ultra Secret se réunit… Ce fonctionnement tacite, entre le sectaire et le mystique, est magistralement dépeint. Les blessures, les insultes, les brimades sont quotidiennes. Quand une ancienne élève se retrouve professeure remplaçante, on réalise combien le système est ancien et perfide. les émotions en public sont bannies, mais entre lutte de pouvoir et harcèlement émergent un air de hautbois, la puissance d'un dessin et l'authenticité de l'amour. Tout en violence et en poésie. Quelle atmosphère, !
